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SACRIFICE

lime que l’on brûlait était remplie de pains de pure farine, de miel, de raisins secs, de figues, d’encens, de myrrhe et d’autres substances aromatiques ; on répandait de l’huile sur le feu pour activer la combustion. — Les Perses ne brûlaient pas les victimes de leurs sacrifices, pour ne pas souiller le feu. La divinité se contentait de l’offrande de la vie. Celui qui offrait la victime la coupait en morceaux, qu’il faisait bouillir et étendait sur l’herbe ; puis, après une invocation chantée par un mage, il l’emportait pour en disposer à son gré. Cf. Hérodote, i, 132. Cette herbe était comme le siège de la divinité, invitée à prendre sa part du festin. Cf. Oldenberg, La religion du Véda, trad. Henry, Paris, 1903, p. 26 ; Lagrange, La religion des Perses, Paris, 1904, p. 17-18. — Les Grecs sacrifiaient à leurs dieux de jeunes bœufs, des moutons, des chèvres (fig. 274), des porcs, parfois des chiens et du gibier. D’après eux, « le produit de la nature croissant par lui-même ne devait pas servir de victime, mais bien ce que l’homme s’était approprié à force de peine et de soins et ce qu’il avait fait entrer dans la sphère humaine. D’après l’opinion généralement répandue dans la haute antiquité, le sang est le siège de l’âme et de la vie, et, par cette raison, agréable à la divinité, puisqu’il constitue l’essence de tout le monde animal et qu’il forme ce qu’il y a de sublime et de meilleur dans la nature ; le sang est donc particulièrement propre à être offert à la divinité comme un don et un témoignage de reconnaissance pour des bienfaits obtenus. Par contre, le sang, par ses rapports étroits avec les passions humaines, passe pour la racine et le siège du péché, dont l’expiation doit en conséquence se faire par le sang, et dont la faute et la tache doivent être lavées par le sang. La divinité permettait quelquefois de substituer un sang étranger à son propre sang, ce qu’on regardait comme une grâce particulière. Voilà la signification des sacrifices d’animaux qu’on tuait avec les couteaux, même quand on les consacrait à la divinité en holocauste et sans en manger ; ou bien, quand on les assommait avec la massue, on leur coupait pourtant la gorge afin de recueillir le sang et de pouvoir le consacrer à la divinité, en aspergeant l’autel ou en le répandant autour de celui-ci. » Dollinger, Paganisme et Judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. i, p. 312. Outre le sacrifice expiatoire, les Grecs en avaient d’autres pour rendre hommage à la souveraineté divine, la remercier de ses dons, implorer sa protection, avec l’idée d’une certaine jalousie chez les dieux et de la nécessité de la calmer par la cession volontaire d’une partie de ce que l’on possédait. — Les Romains suivaient à peu prés les mêmes rites que les Grecs ; mais chez eux les sacrifices expiatoires étaient bien plus nombreux (fig. 275). Les victimes choisies avaient certains rapports avec les divinités auxquelles on les offrait. Une loi des xh Tables ordonnait de présenter à chacune d’elles des victimes qui lui fussent agréables. Un soin méticuleux présidait à leur choix et surtout à leur immolation, la moindre négligence et le moindre accident ayant pour effet de rendre le sacrifice inutile. Le sang de la victime était toujours répandu. Les holocaustes ne s’offraient guère qu’aux divinités infernales. Dans les autres sacrifices, la chair de l’animal était vendue au compte de l’état ou partagée, suivant les cas, entre les prêtres, les victimaires et les particuliers.


275. — Suovetaurilia. Sacrifice de purification, dont les trois victimes sont le porc, le bélier et le taureau. Bas-relief romain. D’après Baumeister, Denkmäler des klassischen Attertums, t. iii, fig. 1799.

Cf. Bouché-Leclercq, Les pontifes de l’ancienne Rome, Paris, 1871, p. 61-68, 93-110. Les lectisternia accusaient encore davantage l’idée du commerce de l’homme avec les dieux. C’étaient des repas solennels qu’on offrait aux images des dieux (fig. 276), et dans lesquels les epulones exerçaient la double fonction d’organisateurs et de consommateurs. Cf. Valère Maxime, ii, 1 ; Arnobe, vii, 32 ; Tite Live, v, 13 ; vii, 2 ; viii, 25 ; xlii, 30 ; etc. — Chez les Gaulois et les Germains, on immolait surtout des hommes. 3° Éléments communs.

Tous ces rites anciens, malgré la diversité de leurs formes, ont des points communs dont la réunion constitue l’essence même du sacrifice. Partout il y a d’abord une offrande à la divinité. Cette offrande n’est pas quelconque ; elle consiste en victimes utiles à l’homme, en rapport plus ou moins direct avec lui, et dignes d’être agréées par la divinité, sous peine de l’irriter au lieu de la fléchir. Puis, la victime est invariablement immolée et son sang répandu. Le sang, c’est la vie, et nulle offrande plus précieuse que celle-là ne peut être présentée à la divinité, de laquelle seule vient toute vie. Enfin l’homme, qui fait un tel présent à la divinité pour l’apaiser ou se la rendre favorable, tient à recevoir un témoignage sensible de l’efficacité de son sacrifice. Il estime que le dieu auquel il l’a offert lui permet de s’asseoir à sa table et de partager avec lui le festin sacré (fig. 277).