Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/672

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1311
1312
SACREMENT — SACRIFICE

riorité des sacrements chrétiens : Sacramentis numero paucissimis, observatione facillimis, significatione prœstantissimis [Christus] societatem novi populi colligavit, ou, comme il le dit en d’autres termes, Lib. cont. Faust., xii, t. xviii, p. 320 a : Virtute majora, utilitate meliora, actu faciliora, numero pauciora quam antiqua.

SACRIFICE (hébreu : ’išsék, de ’êš, « feu » ; minḥâh, zébaḥ, qorbân ; chaldéen : minḥah, debaḥ ; Septante : θυσία, δώρον, προσφορά ; Vulgate : sacrificium, oblatio), offrande à la divinité d’un être animé où inanimé, mis ensuite hors de tout usage profane par l’immolation ou la destruction.

I. Les sacrifices en général.

Universalité.

Dans toutes les religions anciennes, si haut qu’on puisse remonter vers leurs origines, on constate l’existence des sacrifices. Les hommes offrent à la divinité leurs animaux domestiques et les aliments qui les nourrissent eux-mêmes. Ils immolent ces animaux et ainsi renoncent à l’utilité qu’ils en tiraient ; ils détruisent les aliments et les autres objets qu’ils ont offerts et cessent eux-mêmes d’en profiter. Tous ces êtres ont été consacrés à la divinité, ils lui appartiennent


273. — Chevreau offert en sacrifice à la déesse Istar.
Rich, Narrative of a journey to the site of Babylon in 1811, pl. x, 10.


exclusivement et l’homme n’a plus aucun droit à en faire usage. Seulement, quand il s’agit d’animaux immolés, l’homme croit bien agir en mangeant quelque chose de ce que la divinité a agréé pour elle-même. D’après S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ », q. lxxxv, a. 1, l’offrande des sacrifices est de droit naturel, parce que la raison commande à l’homme d’offrir à Dieu, en signe de soumission et d’hommage, quelques-unes des choses sensibles qui sont à son usage, comme on fait vis-à-vis des maîtres dont on veut reconnaître la domination.

Variété de formes.

Les anciens, en offrant des sacrifices, ne se sont pas toujours rendu compte de la vraie portée de ces actes religieux. En Orient, ils traitaient volontiers leurs dieux comme des maitres qui recevaient des tributs et des présents, se nourrissaient plus ou moins subtilement des victimes qu’on leur immolait et des mets qu’on leur consacrait, Dan., xiv, 5, se rendaient favorables à ceux qui leur faisaient des offrandes et, possesseurs incontestables de tous les biens de la terre, en laissaient la jouissance aux hommes, à condition d’en recevoir eux-mêmes les prémices. Ils croyaient aussi qu’en mangeant une partie des victimes immolées, ils prenaient place à la même table que le dieu, ce qui scellait l’amitié entre eux et lui. — Les Arabes sacrifiaient le chameau, le bœuf et la brebis. Par l’effusion du sang d’une victime domestique, ils entendaient établir le lien du sang entre eux et leur dieu, autant qu’il était possible de le faire. Cf. Hérodote, iii, 8. Ils versaient ce sang sur l’autel de la divinité ou en oignaient les pierres qui lui étaient consacrées, afin de l’atteindre d’aussi près qu’il se pouvait. La manducation de la victime, toujours dans le même but, constituait une partie essentielle de leurs sacrifices. — Les Chananéens offraient des victimes plus variées, le bœuf, le veau, le cerf, le bélier, le bouc, l’agneau, le chevreau, le faon et deux espèces d’oiseaux, avec des oblations de céréales, d’huile, de lait, de graisse et probablement de vin. Ils avaient un sacrifice dans lequel tout était consommé, un sacrifice dans lequel le prêtre seul prélevait une partie de la chair, et une autre dans lequel le prêtre et l’offrant se partageaient ce qui n’allait pas à l’autel. Les Chananéens ont surtout multiplié odieusement les sacrifices humains, sacrifices de nouveau-nés et spécialement de premiers-nés, dont on a retrouvé les restes dans leurs anciennes villes, parfois consumés par le feu, et dont les restes étaient enfermés dans des jarres. À Gazer et à Mageddo, on a retrouvé de ces cadavres d’enfants dans les fondalions, comme pour dédommager la divinité de l’occupation d’un sol qui lui appartenait. L’immolation des premiers-nés par les Chananéens est mentionnée dans la Bible. Jos., vi, 26 ; III Reg., xvi, 34 ; IV Reg., iii, 27. Des victimes plus âgées étaient ainsi offertes et enfouies avec de grandes jarres contenant les provisions et l’eau nécessaires aux morts. Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 188-198.


274. — Sacrifice d’un chevreau. Derrière l’autel, la statue du dieu Dionysos. Sur l’autel allumé, la prêtresse va égorger un chevreau, considéré comme victime agréable à Dionysos. Près de l’autel est une table sur laquelle une femme vient déposer des offrandes. D’après un vase peint.


On a ainsi retrouvé à Gazer une tombe avec un agneau placé sous les genoux du mort. Il y avait probablement là une offrande destinée à ménager au mort la faveur de la divinité. Cf. H. Vincent, ibid., p. 253. — Les Chaldéens offraient en sacrifice le taureau, la brebis, la chèvre, l’agneau, le chevreau (fig. 273), la gazelle, le porc lui-même, et des oiseaux de différentes sortes. Ils y ajoutaient des oblations de dattes, de légumes, de blé, d’ail, d’épices, d’encens, de vin de dattes, de lait, de beurre, de crème, de miel et de sel. C’est chez eux qu’était le plus accentuée l’idée que le sacrifice servait à alimenter les dieux. Voir Odeur, t. iv, fig. 455, col. 1739. — En Egypte, le sacrifice avait aussi ce dernier caractère ; c’était un vrai banquet que l’on offrait au dieu. On lui immolait le taureau dont une partie était brûlée pour son usage, tandis que le reste était partagé entre les assistants. À la victime, on ajoutait des oblations de gâteaux, de fruits, de légumes et de vin. Pendant que le dieu se nourrissait, on pouvait lui adresser toutes les demandes, à condition que l’officiant procédât scrupuleusement en tout suivant les rites convenus et proférât exactement les formules indispensables. La divinité était alors liée par une sorte de contrat envers le solliciteur. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 122-124, 680-681. D’après Hérodote, ii, 39, 40, on chargeait d’imprécations la tête de la victime, afin de détourner sur elle tous les malheurs qui menaçaient le pays on les particuliers ; ensuite on vendait cette tête à des Grecs ou on la jetait à la rivière. La partie de la vie-