Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/670

Cette page n’a pas encore été corrigée
1303
1304
SABBATIQUE (ANNÉE)


ce qui sera également un hommage rendu au maître de toutes choses et une reconnaissance de son souverain domaine sur le sol attribué anx Israélites. Moïse ne parle que du travail agricole, labourage, moisson, culture de la vigne, vendange, cueillette des olives. Le texte sacré ne mentionne que les oliviers parmi les arbres dont la culture et la cueillette sont prohibées l’année sabbatique, parce que ces arbres étaient ordinairement plantés en grand nombre et que la récolte des olives ressemblait assez à la vendange. Les autres arbres fruitiers étaient plus isolés et les fruits en étaient cueillis un peu au jour le jour, suivant leur maturité et sans grand mouvement dans l’ensemble de la population. Néanmoins il est à croire que ces fruits étaient à la disposition de tous pendant l’année sabbatique. Les autres travaux ne sont nullement prohibés ; l’Israélite les continue comme les années ordinaires. Cette année-là, il cessait donc d'être un peuple agricole pour redevenir un peuple pasteur, tel qu’il avait été à ses origines et au désert. Il ne pouvait faire ni moisson, ni vendange, ni cueillette régulières ; il vivait sur le produit de l’année précédente. Mais les fruits spontanés du sol appartenaient à tous, sans distinction, à condition sans doute de les prendre au jour le jour et sans rien du grand mouvement des récoltes annuelles. Il va de soi que l’année sabbatique était la même pour tous et qu'à certains égards elle avait des analogies aveo le jour du sabbat, qui était le même pour tous et imposait à tous les mêmes obligations. L’année sabbatique assurait le repos à tous ceux qui d’ordinaire se livraient aux travaux des champs ; ce repos leur permettait d’ailleurs de se livrer à d’autres occupations utiles, construction et réparation de maisons, réfection des murs de clôture, forage de puits et de citernes, fabrication d’instruments agricoles, etc. De plus, les troupeaux n’avaient pas besoin d'être emmenés dans de lointains pâturages ; ils passaient sur les terres mêmes de Palestine et les fécondaient de leurs engrais. Les bêles sauvages elles-mêmes pouvaient être plus aisément chassées à travers les champs incultes et les vignes à l’abandon. — 2° La loi sur la libération de l’esclave hébreu n’a rien de commun avec la loi de l’année sabbatique. Exod., xxi, 2 ; Deut., xv, 12-18. Quelques auteurs pensent que la libération était prescrite en ce sens qu’un esclave hébreu ne pouvait servir plus de six ans, mais que si l’année sabbatique intervenait avant la fin de cette période, il recouvrait sa liberté. Cf. De Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 214. Mais Moïse parle toujours de septième année pour la libération de l’esclave hébreu et il n'établit jamais de relation entre cette septième année et l’année sabbatique. Josèphe, Ant. jud., III, xii, 3, ne parle pas non plus de cette libération à propos de l’année sabbatique. Il faut donc s’en tenir à l’opinion la plus commune parmi les commentateurs, qui voient dans les six ans de service de l’esclave une période absolument indépendante. Voir Esclave, t. ii, col. 1922. — 3° La mesure prise en faveur des débiteurs pendant l’année sabbatique s’explique d’elle-même. Ne recueillant rien de ses champs ni de ses vignes, l’Israélite peu aisé n'était pas capable de payer les dettes qu’il avait contractées. Il était juste de régler ses obligations en tenant compte de la loi du repos. Le législateur veut donc que l’année sabbatique soit pour le débiteur une année de èemiltûh. Deut., xv, 9 ; xxxi, 10. Ce mot vient du verbe Sâmat qui signifie « repousser, renvoyer ». Le verbe Sdmat est employé dans l’Exode, xxiii, 11, pour dire qu’il faut « abandonner > la terre sans la cultiver la septième année. Pour rendre le substantif hébreu, les Septante se servent du mot âfeatç, « renvoi, décharge, remise ». Un certain nombre d’autpnrs ont pensé que cette rémission impliquait, de la part du créancier, l’abandon total et définitif de ses droits.

Ainsi l’ont compris les talmudistes, Sahebiit, x, 1 ; PhiIon, De seplenario, édit. Mangey, t. ii, p. 277, 284, etc. Fr. Buhl, La société israélite d’après l’A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 171, 172, soutient encore cette interprétation, en faisant valoir que l’avertissement donné par Moïse, Deut., xv, 9, n’aurait aucun sens s’il ne s’agissait pas d’une remise absolue des dettes. Les commentateurs modernes admettent généralement que Moïse n’a en vue qu’une prorogation des obligations du débiteur. L’année sabbatique, le créancier « relâchait sa main, » il ne pressait pas son débiteur, il abandonnait sa créance comme le cultivateur abandonnait sa terre, c’est-à-dire avi c l’intention et le droit de la reprendre l’année suivante. Moïse ne veut pas que l’approche de l’année sabbatique empêche l’Israélite de prêter à son frère pauvre. La crainte de l’Israélite ne portait pas nécessairement sur l’obligation de renoncer totalement à sa créance ; elle pouvait être également motivée par la nécessité d’attendre une année de plus avant de recouvrer son bien. Qui ne voit d’ailleurs à quel inconvénient aurait prêté une loi prescrivant tous les sept ans la remise des dettes ? Personne n’aurait plus prêté et les malheureux que la nécessité obligeait à emprunter n’auraient plus jamais trouvé de prêteur ; en définitive, un prêt eût presque toujours dégénéré en don, par le fait du débiteur intéressé. Cf. Rosenmûller, InDeuteron., Leipzig, 1798, p. 427, 428 ; Bàhr, Symbolik des tnosaischen Quitus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 570 ; De Hummelauer, In Deuteron., Paris, 1901, p. 338, 339. Voir Dette, t.n, col. 1394. — Le code d’Hammourabi ne mentionne aucune institution analogue à celle de l’année sabbatique. Il prescrit cependant que, les années où l’orage inonde un champ et emporte la moisson et où la sécheresse empêche le blé de pousser, le fermier n’a pas d’intérêt à payer au créancier. Cf. Scheil, Textes élamites-sémitiques, Paris, 1902, p. 41, art. 48. De même, chez les Hébreux, les champs ne produisant rien pendant l’année sabbatique, le débiteur était dispensé, non de payer l’intérêt que prohibait la loi mosaïque, mais de rendre cette annéelà le montant de sa dette. On a constaté, chez les Nabuthéens de la presqu'île Sanaïtique, le droit pour les pauvres de faire la cueillette des dattes certaines années. Voir Jubilaire (Année), t. iii, col. 1753.

III. La pratique. — 1° En menaçant les Israélites de la déportation qui châtiera leurs infidélités, Moïse dit qu’alors « la terre se reposera et jouira de ses sabbats. » Lev., xxvi, 34, 43. Il prévoit donc que la loi sur l’année sabbatique ne sera pas toujours observée. C’est ce qui arriva en effet. Pendant la captivité de Babylone, le pays put « jouir de ses sabbats. » II Par., xxxvi, 21. — Après la captivité, les Israélites s’engagèrent à « laisser la terre la septième année et à n’exiger le paiement d’aucune dette. » II Esd., x, 31. La loi était observée fidèlement à l'époque des Machabées. I Mach., vi, 49, 53. — Le peu de place que la loi sur l’année sabbatique semble tenir dans la vie des anciens Israélites a suggéré plusieurs objections. N’aurait-elle pas été introduite seulement après l’exil ? Au lieu d'être générale pour tout le pays, n’aurait-elle pas été applicable pour chacun après six ans de culture, de même que les esclaves hébreux étaient libérés après six ans de servage, sans qu’il y eût coïncidence générale entre toutes les années de repos ? Ne pourrait-on pas interpréter les textes en ce sens seulement que les terres étaient cultivées comme d’habitude, mais que, la septième année, le produit en était abandonné aux pauvres pour leur subsistance du présent et de l’avenir ? Enfin, aucune pratique religieuse spéciale n’est attachée à l’année sabbatique, contrairement à toutes les analogies. — Sur ce dernier point, la lecture publique de la loi peut suffisamment caractériser l’année sabbatique au point de vue religieux. Quant anx aulies supposi-