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ROYAUME DE DIEU


nation, vii, 9 ; les pécheurs seuls en sont exclus, xxi, 8, 27 ; xxii, 15. Le peuple juif, par son rejet du Messie, est devenu une synagogue de Satan, ii, 9 ; iii, 9 ; la ville sainte a subi le châtiment de Sodome et de l’Egypte, xi, 8. — On rencontre sans doute, ça et là, des traits qui semblent assigner aux Juifs une place privilégiée dans la Jérusalem céleste. Mais des expressions semblables se trouvent dans les écrits prophétiques de l’Ancien Testament. On peut donc les considérer comme de simples réminiscences littéraires. D’ailleurs, l’esprit général du livre suffit amplement à laver l’auteur du reproche d’exclusivisme national.

2° Évangile et Épîtres. — L’expression « royaume de Dieu » ne se rencontre que dans l’entretien de Jésus avec Nicodème. (Joa., xviii, 36, il n’est pas question de royaume, mais de royauté. À la demande de Pilate : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus répond qu’en réalité il possède la dignité royale, mais que cette royauté est transcendante par son origine et ses moyens ; elle ne s’affirme pas par le déploiement de forces armées, mais par le règne de la vérité surnaturelle. ) Cet entretien même nous permet de comprendre sous quel aspect l’Évangile de saint Jean et les Épîtres qui n’en sont que le prolongement, présentent l’idée du royaume. « En vérité je te dis qu’à moins de naître d’en haut, on ne peut pas voir le royaume de Dieu, etc. » Joa., iii, 3-17. Le royaume de Dieu est ici synonyme de vie éternelle, de salut ; c’est dire que l’auteur met surtout en relief le côté intérieur et individuel du royaume, et que chez lui la notion de la vie remplace l’idée du royaume.

Déjà dans les Synoptiques, le royaume de l’au-delà se traduit pour l’individu par la vie éternelle. Ici-bas le fidèle possède cette vie en germe : c’est une semence déposée dans son cœur, il doit en favoriser la croissance et débarasser le terrain de tous les obstacles, jusqu’à ce qu’elle s’épanouisse en fruits mûrs pour la moisson. Matth., xin ; Marc, iv, 26-29, — Dans saint Jean, cette notion se trouve à la base de tous les développements sur l’ordre surnaturel. Le Père a la vie en lui-même, et il a communiqué la vie à son Fils, v, 26. À son tour, le Fils est venu dans le monde, pour donner aux hommes la vie, et une vie abondante, x, 10, en leur donnant la faculté’<de devenir fils de Dieu, i, 1213 ; I Joa., iii, 1-2. Pour acquérir cette filiation, il faut une nouvelle naissance, dont le baptême par l’eau et l’esprit est le symbole efficace, iii, 5. L’homme reçoit ainsi comme une semence divine, I Joa., iii, 9, qui le fait passer de la mort spirituelle à la vie de la grâce, v, 24.

Cette vie, tout comme la grâce du royaume dans les Synoptiques, est un don gratuit de la part de Dieu, iv, 10 ; vi, 65 ; personne ne peut venir au Fils si le Père ne l’attire, vi, 44. Mais ce don laisse la liberté de l’homme entière ; le Verbe donne la faculté de devenir enfants de Dieu à ceux qui le reçoivent, i, 12. Si beaucoup ne l’ont pas connu, i, 10-11, c’est qu’ils n’ont pas voulu le recevoir ; ils ont fermé volontairement les yeux à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises, iii, 19. Pour recevoir le Verbe, il faut être disposé à l’écouter, v, 24 ; viii, 43, 47, accueillir ses parolesd’un cœur docile, viii, 37 ; xviii, 37, croire en lui et en celui qui l’a envoyé, v, 24 ; viii, 24 ; xii, 36, 46, enfin, aimer Dieu et le prochain, xv, 9-25 ; I Joa., iv, 7-21. L’homme entre ainsi en union avec Dieu, I Joa., i, 3, 6, 7, et la grâce reçue devient une source d’eau jaillissant à la vie éternelle, iv, 14, à la condition toutefois qu’il conserve précieusement ce don. Car les rameaux de la vigne peuvent cesser de recevoir la sève, xv, 2, 6, on peut ne pas rester dans l’amour, xv, 9, 10. La vie se conserve par la fidélité à retenir les paroles du Fils, xv, 7 ; I Joa., ii, 5, 24, et par tous les moyens qui unissent l’intelligence et la volonté au

Christ, par la foi, l’observation des commandements, et en particulier l’exercice de la charité, xv, 11-17. Cette union se parfait par l’Eucharistie, où Jésus lui-même devient la nourriture et le breuvage des fidèles. La manducation de ce pain céleste est une condition de vie pour le présent, aussi bien qu’un gage de la vie éternelle, vi, 53-58. La vie future achève l’union commencée ici-bas, car nous serons semblables à Dieu et nous le verrons tel qu’il est. I Joa., iii, 2. — L’eschatologie individuelle occupe ainsi le premier plan. Cependant il est aussi question de la parousie, xiv, 2, 3 ; xxi, 22, 23 ; I Joa., ii, 28, sans détermination d’époque.

— La vie est offerte à tous les hommes, comme le royaume des Synoptiques. Sans doute, « le salut vient des Juifs, » iv, 22 ; mais la religion étant une adoration « en esprit et en vérité, » ni les Juifs ni les Samaritains ne pourront plus prétendre au privilège exclusif de posséder le vrai culte, IV, 21-23. En réalité, <r la vie était la lumière des hommes…, illuminant tout homme venant dans le monde », I, 4, 9. Jésus est l’Agneau qui efface le péché du monde entier, i, 29 ; xi, 51 ; I Joa., ii, 2, et quand il sera élevé de terre, il attirera tout à lui, iii, 17. Tous ceux qui croient en lui peuvent obtenir la vie éternelle, vi, 40.

Le royaume johannique se présente donc généralement comme immanent. Cependant l’Église n’est pas absente. Un lien étroit s’établira entre les croyants ; ils ont été retirés du monde et séparés de tous ceux qui les entourent, xv, 19 ; ils formeront une société entre eux et avec Dieu, I Joa., i, 3, 7, et la charité sera le trait d’union entre les disciples, xiii, 35. Cf. aussi, l’allégorie de la vigne, xv, 1-10. L’aspect extérieur de cette société apparaît dans la parabole du bon pasteur, x, 1-30 : le troupeau de Jésus-Christ est formé de tous ceux qui entendent sa voix ; il constitue un tout bien compact, distinct de tous les autres troupeaux ; ceux qui sont dehors, seront appelés, eux aussi, à en faire partie. — Cette société ne comprend pas seulement les prédestinés. Il est vrai que, dans la mesure où la persévérance dépendra de Jésus, aucun de ceux que le Père lui a confiés, ne se perdra, vi, 39 ; x, 28. Néanmoins, des sarments, jadis en communication de sève avec la vigne, pourront cesser de produire des fruits, et être retranchés, xv, 2, 6. Les apostats qui sortent de la société, lui ont appartenu au moins pendant un certain temps, bien qu’ils n’aient pas eu l’esprit qui doit en animer les membres, 1 Joa, , ii, 19, et l’insistance avec laquelle Jésus exhorte ses disciples à demeurer en sa charité, à conserver ses paroles, à observer ses commandements, montre bien que les membres de cette société pourront déchoir et perdre la vie de la grâce. D’ailleurs, Judas n’avait-il pas été donné à Jésus par le Père ? xvii, 12. — Mais le bon pasteur ne pourra rester toujours auprès de ses brebis ; et cependant les disciples devront être les témoins de Jésus, xv, 27, et subir une longue série de persécutions, xvi, 2-4. Jésus a pourvu à l’unité de son troupeau : il sera un, parce qu’il n’aura qu’un seul pasteur, x, 16. À Pierre est confiée la charge de paître les agneaux et les brebis de Jésus, xxi, 16-17 ; il remplacera, dans ses fonctions de pasteur, Jésus invisiblement présent, en marchant devant le troupeau qui le suit et en le défendant contre les loups ravisseurs. Cf. X, 4-14. — Union des fidèles par la foi et la charité, rites communs (baptême, eucharistie, rémission des péchés), autorité suprême de Pierre : tels sont les grands linéaments de l’Église, telle qu’elle se dessine dans l’évangile et les épîtres de saint Jean. « Jean… représente… l’Évangile de l’Église organisée en royaume de Dieu^ur la terre. » Loisy, Le quatrième évangile, p. 75.

1Y. LE ROYAUME BANS LES AUTRES ÉCRITS DU NOUVEAU

testament. — La notion du royaume ne se rencontre