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ROYAUME DE DIEU

v, 4. — Sans doute, le ciel est parfois comparé à un festin où l’on s’assoit pour manger et boire, Luc, xxii, 30 ; Matth., viii, 11 ; xxii, 1-12 ; xxvi, 29, et Loisy d’insinuer, que « ce n’est point (là) pure métaphore. i Ev. Syn., t. i, p. 238. — Charles, À critical history of the doctrine of a Future Life, p. 340, répond avec beaucoup de justesse : « c La nourriture en question ne peut être terrestre et matérielle, car ceux qui la prennent sont assimilés aux anges… Le fait, que précisément ces phrases évangéliques (déclarant les élus pareils aux anges) se trouvent dans Hénoch, civ, 4, 6 ; H, 4, et dans l’Apoc. de Baruch, Li, 10, en des passages où la vie des bienheureux est conçue de la façon la plus spirituelle, montre avec clarté, que les expressions des Évangiles relatives à la nourriture, doivent être interprétées au sens figuré. » Cf. aussi Ascension d’Isaïe, IX, 9, trad. Tisserant, Paris, 1909, p. 175. C’est vraiment trop rabaisser Jésus que de le mettre au-dessous d’un certain rabbin, du début du in « siècle, .dont la baraïtha suivante nous a été conservée (Kailah rabbathi, c. 2 : « Dans le monde à venir, il n’y aura ni boire, ni manger, ni génération, ni reproduction, mais les saints seront assis portant une couronne sur leur tête et se délectant à l’éclat de la divinité, car il a été dit, Exod., xxiv, 11, ils virent Dieu, et ils mangèrent et burent » ( « comme les anges de service, » ajoute Abot/i de Rabbi Nathan, c. i). C’est dire que la vision de Dieu constitue le meilleur festin pour les élus et pour les anges. Cf. Klausner, Diemessianischen Vorstellungen im Zeitalter der Tannaiten, Berlin, 1904, p. 20-21.

2. Grâce librement acceptée par l’homme.

Par sa nature intime, le règne est un don divin, qui exige de la part de l’homme une généreuse coopération. — a) Le règne a été donné aux disciples, en vertu du bon plaisir de Dieu. Luc, xii, 32. C’est un nouvel ordre de choses, venant sur les hommes, ëipôaacv è<p’ûu, Sç, et ceux-ci ne font que le recevoir. Malth., xviii, 17, etc. Impossible de l’amener par la violence, comme les zéJotes croyaient pouvoir le faire : il arrive à l’heure marquée dans les desseins de Dieu. Cf. Act., i, 7. La connaissance des mystères du règne est un don, Matth., xiii, 11-16, le fruit d’une révélation bénévole du Père. Luc, x, 21. On entre dans le royaume à la suite d’un appel. Matth., xxii, 3-14. Luc, xiv, 16-24. Tyr et Sidon n’ont point reçu cette invitation, qui aurait assuré leur conversion. Matth., xi, 21. C’est gratuitement aussi que Dieu remet la dette immense, contractée à son égard par l’homme pécheur. Matth., xviii, 23-35.

b) Mais la grâce du règne ne s’impose pas, l’homme doit l’accepter librement et y coopérer avec générosité. Il doit même s’y prédisposer, pour qu’elle ne tombe pas, comme la semence, sur un chemin battu, où elle serait foulée aux pieds. Luc, viii, 5. On ne peut jeter des perles devant des animaux immondes, Matth., vii, 6, et le règne est bien une perle précieuse, un trésor, pour l’acquisition duquel il faut faire les plus grands sacrifices. Matth., xiii, 41-46. Tous ne seront pas aptes à recevoir cette grâce : il y aura des villes et des maisons qui en seront indignes. Marc, vi, ll.-Les hommes attachés aux biens de ce monde refuseront l’invitation et s’excluront ainsi du régne par le fait de leur mauvaise volonté. Luc, xiv, 17-24. C’est là le cas de Jérusalem, Luc, xiii, 34, et de la majeure partie des Juifs. Matth., xxi, 43.

c) Quand l’homme a reçu la grâce du règne, il doit encore faire effort pour la conserver. Il est nécessaire que le terrain soit débarrassé des pierres et des ronces, qui empêcheraient la semence de germer et de se développer, Luc, viii, 13-14 ; même dans les âmes bien préparées, le profit n’est pas égal. Marc, , iv, 20. Une énergie indomptable est requise, Matth., xi, 12 ; il faut sacrifier, sans hésiter, les affections terrestres, Luc, xiv, 26, se priver même des membres les plus nécessaires, quand ils seraient un obstacle au règne, Marc, ix, 43-47, et ne jamais regarder en arrière, nne fois qu’on a mis la main à la charrue. Luc, ix, 62. Les vertus qui ouvrent la porte du royaume, sont pareillement une condition de persévérance ; constamment il faut « chercher le règne et sa justice, » Matth., vi, 33, pratiquer le renoncement et porter avec courage sa croix. Luc, ix, 23 ; xiv, 27. C’est donc une vie d’efforts et de combats incessants qu’il s’agit de mener. Aussi, combien peu savent passer par la porte étroite et s’engager dans la voie resserrée, qui conduit à la vie ! Luc, vii, 14.

d) En effet, la grâce du règne contient virtuellement, et comme en germe, *le don de la vie éternelle. Elle est semblable à une mine ou à un talent que le bon serviteur fait fructifier : en échange, il aura la récompense finale. Matth., xxv, 21, 23 ; Luc, xix, 17, 19. Le travail latent qui s’opère sous l’influence de cette grâce, pareille au grain de blé confié à la terre, Marc, iv, 26-30, se termine tout naturellement par la moisson. Les bonnes œuvres sont la manifestation, et pour ainsi dire l’éclat extérieur, de cette élaboration intérieure ; « que votre lumière luise devant les hommes, et qu’ils voient vos bonnes œuvres, » Matth., v, 16 ; ce sont autant de trésors amassés au ciel. Matth., vi, 20, etc. — Le don du royaume céleste n’est donc que l’épanouissement suprême de la grâce initiale ; bien que ce royaume soit une récompense ([uaMç, Matth., v, 12 ; Luc, vi, 25) du travail de l’homme, particulièrement de sa charité, Malth., xxv, 31-46, il n’en reste pas moins une grâce, il a été « préparé » par Dieu dès l’origine du monde, Matth., xxv, 34 ; le rang respectif des élus est déterminé par le Père, Matth., XX, 23, qui entend disposer de ses biens comme bon lui semble, Matth., xx, 1-16, et de cette manière Dieu, en couronnant les mérites de l’homme, couronnera ses propres dons. — Le règne de Dieu, sous cet aspect intérieur et individuel, se constitue donc par la reconnaissance libre de la royauté du Père et l’accomplissement de tous les devoirs qui en découlent ; l’âme est ainsi établie, par la grâce divine, dans un état de justice, qui est le gage du salut éternel. Cf. Batiffol, L’enseignement de Jésus, p. 158-174.

C) aspect extérieur et social du royaume.

Universalisme.

Les conditions posées par Jésus pour l’admission dans le royaume, Matth., v-vii, faisaient abstraction des différences de race et de nationalité. Le royaume était donc accessible à toute l’humanité, sans autre obligation que celle d’observer la loi divine, amenée par le Christ à sa perfection. Par suite, la distinction entre juif et gentil se trouvait implicitement supprimée. — D’ailleurs, l’uni versalisme était la conclusion logique du monothéisme. Si un seul Dieu a droit aux hommages des peuples, il était naturel de. penser que tous les hommes pouvaient et devaient faire partie de son royaume. Cf. Rom., iii, 29-30 ; Eph., iv, 6. — Cependant les Juifs avaient des droits de primauté, que Jésus ne pouvait méconnaître : son ministère personnel se borne généralement aux brebis de la maison d’Israël, Matth., xv, 24 ; les Apôtres ne doivent point encore s’en aller sur les routes des Gen T tils’ni entrer dans les villes des Samaritains. Matth., x, 5. Mais ces restrictions ne sont que temporaires : son regard embrasse le monde entier, il voit des fils de l’Orient et de l’Occident venir prendre part au festin éternel, Matth., viii, 11, et le champ ensemencé par le Fils de l’homme est le monde entier. Matth., xiii, 3738. Lui-même ne s’interdit pas d’aller en Phénicie ou dans la Décapole. Marc, vii, 24-37. Bien plus, la nation juive sera exclue du royaume pour son obstination, Marc, xii, 9 ; Matth., xxi, 40 sq. ; Luc, xiv, 22-24 ; Jérusalem sera détruite, Luc, xxi, 20 et parall., et ia