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ROYAUME DE DIEU


Le règne sera universel : Rahab et Babylone, les Philistins, Tyr et l’Ethiopie seront appebjs fils de Sion. Ps. lxxxvij, 4 ; cf. Ps. xcvi, xcvm ; Is., ii, 2-4 ; xxv, 3-9 ; Zæh., xiv, 16. Cette eschatologie peut-être appelée messianique dans un sens large, car les descriptions peuvent viser une ère de bonheur futur sans mettre en scène un Messie personnel. — 3° Rarement le règne de Dien est mis en rapport avec l’eschatologie transcendante, dont le domaine propre est l’au-delà. La résurrection des justes est un acte de la royauté divine, II Mach., vii, 9. Au ciel, le Seigneur régnera sur les élus, Sap., iii, 8, et ceux-ci participeront à son pouvoir royal, Sap., v, 16. On serait tenté de « rapprocher de ces textes, Sap., x, 10 c< elle (la Sagesse ) conduisit par des voies droites le juste (Jacob)… et lui montra le règne de Dieu » ; mais il s’agit ici de Ja connaissance des lois mystérieuses par lesquelles Dieu gouverne le monde, plutôt que d’une vision du royaume céleste. Cf. Lagrange, dans la Rev. bibl., 1907, p. 102-103. — 4° Jamais le règne de Dieu n’est mis en relation avec l’eschatologie cosmique. « Pas un mot dans l’Ancien Testament ne (le) représente comme -établi sur un monde détruit ». Lagrange, Le Règne de Dieu dans l’Ancien Testament, dans la Rev. bibl., 1908, p. 60. On aurait tort d’identifier avec le jugement dernier le’jugement du « roi Jéhovah » dans les Psaumes lxvii, 5 ; xcvi, 10, 13 ; xcviii, 9 ; juger est ici synonyme de gouverner. — Le royaume des Saints de Daniel succède aux quatre grands empires dans le gouvernement des nations, ii, 44 ; mais ces nations continueront à exister, elles seront simplement soumises au Fils de l’homme, vii, 14. — Quoique le règne soit, à certains égards, réservé aux temps à venir, il n’est cependant jamais conçu, même sous cet aspect eschatologique, comme un fait absolument nouveau. C’est qu’il plonge ses racines dans le passé, il est fondé sur les droits éternels de Dieu ou sur les bienfaits accordés jadis à Israël ; le règne annoncé sera seulement « le passage du droit au fait, ou encore la reconnaissance du droit, la mise en scène historique d’une idée éternelle, le progrès, sans doute extraordinaire et merveilleux, mais enfin la suite d’une chose commencée. » Lagrange, loc. cit. — 5° Du moment que le régne ne pouvait s’établir que par la reconnaissance de la royauté de Dieu, il présentait un caractère éminemment moral. Ses traits spiritualistes sont, du reste, souvent mis en relief par les prophètes. Les messagers du règne sont des messagers de salut et de paix, Jéhovah révèle sa sainteté, Is., lii, 7-10 ; la justice est le bien par excellence du règne, Is., xlv, 8, et tous les peuples accourront au salut comme à un festin plantureux, Is. xxv, 6. « Venez, se diront-ils, et montons à la montagne de Jéhovah… il nous instruira de ses voies et nous marcherons dans ses sentiers. » Is., Il, 3. Alors « la terre sera remplie de la connaissance et de la gloire de Jéhovah. » Hab.-, ii, 14. Le roi messianique gouvernera le peuple avec équité, et il aura un soin particulier des pauvres, des malheureux et des opprimés. Ps. lxxii. En un mot, au jour du salut « la bonté et la vérité se rencontreront, la justice et la paix s’embrasseront. » Ps. lxxxv, 11-12 ; cf. Ps. xcix, 4 ; Is., vi, 13 ; Mich., v, 9-13 ; Jer., xxiii, 5 ; Ezech., xxxvi, 25-27 ; xxxvii, 24 ; Soph., iii, 13. — La haute spiritualité du règne attendu est encore accentuée par la notion du pardon des péchés, Jer., xxxi, 31-34, et par la perspective d’une expiation rédemptrice. Le Serviteur de Jéhovah « a été transpercé à cause de nos péchés, brisé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous sauve a pesé sur lui, et par ses plaies nous sommes guéris. » la., yil, 5. — Le livré- de la Sagesse fait ressortir si bien l’aspect religieux et individuel du salut, qu’à ce point de vue il présente une ressemblance marquée avec la jdoctrine des Évangiles. Ce n’est point encore l’épa nouissement, dans les âmes, de l’amour pour le Père ; c’est du moins le règne de Dieu dans les individus par la pratique de la justice. Cf. Lagrange, dans la Rev. bibl., 1907, p. 102-104. — 6° Cependant on ne saurait nier que le règne se présente souvent, dans les descriptions prophétiques, sous les traits d’une restauration nationale et d’une ère de prospérités matérielles. Mais ce ne sont là que des dehors ; la perspective du règne de justice est prédominante chez les prophètes. Cf. Touzard, L’argument prophétique, dans la Revue pratique d’apologétique, 15 oct. 1908, p. 92-98. D’ailleurs il ne faut pas oublier que l’accomplissement de ces promesses était lié à certaines conditions d’ordre moral. « Si donc quelques-unes des prophéties faites à Israël n’ont pas été réalisées, qu’il se demande si, pour sa part, il a rempli toutes les conditions auxquelles était attachée leur réalisation. » Kônig, Geschichte des Reiches Goties bis auf J.-C, Berlin, 1908, p. 328.

II. Dans le judaïsme. — 1° Il ne semble pas que l’expression PSamXEÏa toî Osoû soit employée, dans la littérature juive postérieure, au sens de territoire, excepté peut-être Psaumes de Salomon, v, 18, édit. Gebhardt : « Ta bonté (se répand) sur Israël, èv t*] fia^i-Àeia <jou, et Hénoch, xli, 1, trad. Martin, p. 88 : « Je vis tous les secrets des cieux, et comment le royaume sera partagé. » Mais le premier texte peut aussi bien se traduire « par ton gouvernement », et le second est peu clair. Cf. DasSlavische Henochbuch, Berlin, 1896, xxiv, 3 « mon royaume immense », édit. N. Bonwetsch Rec. A, p. 125. — Le royaume au sens de « société » se trouve Sibyll, , iii, 767, édit. Geffcken. « Alors il (Dieu) suscitera un royaume éternel ». Cf. Dan., ii, 44. De façon générale il est plutôt question du règne ou du droit royal de Dieu ; du reste, le règne est logiquement corrélatif à un ensemble de sujets sur lesquels s’exerce la royauté et qui constituent un royaume. Comme dans l’Ancien Testament, Dieu possède la royauté universelle de toute éternité ; il est le roi du monde, le roi éternel, sa royauté demeure à jamais et dans les siècles des siècles, car c’est lui qui a fait et qui domine toutes choses. Hénoch, xii, 3 ; xxvii, 3 ; lxxxiv, 2-3. Cf. Ascens. Mos., iv, 2. — Il est en particulier le roi d’Israël. Ps. Sal., v, 18-19 ; xvii, 1, 46. La royauté israélite est la royauté même du Seigneur, Testaments des Douze Patriarches, Benj., ix, 1, édit., Charles, et les rois sont choisis par lui. Test. Rub., vi, 11. Le pouvoir royal de Dieu s’affirme de diverses façons, parla protection et la miséricorde qu’il accorde à Israël, Ps. Sal., xvii, 1-3, aussi bien que par les châtiments qu’il envoie aux Gentils. Ps. Sal., il, 29-32 ; xvii, 3.

2° Le règne de Dieu à l’époque qui nous occupe, est surtout considéré comme à venir. Les Juifs traversaient alors de douloureuses épreuves ; persécutés par les Séleucides, ils avaient un instant reconquis leur indépendance nationale ; mais bientôt ils tombèrent sous le joug des Romains. Au sein même du peuple élu, un grand nombre s’était soustrait à la royauté de Dieu et méconnaissait ses lois. Les Gentils, abandonnés à tous les vices, dominaient sur le monde. Ce n’était point là le règne attendu. Aussi tous les regards se tournaient-ils vers l’avenir, vers ce qu’on peut appeler l’ère messianique au sens large. Malgré la diversité des systèmes, on peut diviser en deux courants distincts les espérances qui se font jour : le messianisme apocalyptique, qui prévoit un bouleversement général de l’ordre actuel, et le messianisme rabbinique, qui attend la domination d’Israël sur les nations. Cf. Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, Paris, 1909 ; P. Volz, Jûdische Eschatologie, Tubingue, ^903. — Le premier n’eut sans doute jamais une grande influence sur les masses ; ce sont les rabbins qui formèrent l’esprit du peuple. Le résumé de toutes les espérances, c’était la glorification d’Israël ; et même dans les écrits où l’on semble opposer justes