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    1. ROUGE##

ROUGE (MER)

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prétend que cette expression s’applique à la partie septentrionale de la mer Rouge, par parallélisme avec Ouaz-oîrît, Ouazit-oîrît, « la très Verte », la Méditerranée, et que le lac d’Ismaïliya formait autrefois, sous le premier empire thébain, le fond de la mer Rouge. D’autre part cependant la stèle de Pithom distingue ce bassin de la mer Rouge. Cf. W. Max Mûller, Asien und Eurôpa, p. 42 ; E. Naville, The Store-City of Pithom, p. 18. La troisième hypothèse s’appuie encore sur le nom de golfe Héroopolile donné à la mer Rouge. Comme il est prouvé qu’Héroopolis est la même ville que Pithom, il fallait donc que la mer s’étendît jusquelà. Dans ces conditions, le passage à travers les lacs Amers a aussi sa vraisemblance. La solution du problème exige de plus amples lumières ; l’égyptologie, nous les fournira peut-être un jour.

4° Caractère historique et miraculeux du passage de la mer Rouge. — On pourrait s’étonner du silence que les monuments égyptiens gardent d’événements aussi considérables que le départ des Hébreux, le passage et en même temps le désastre de la mer Rouge. Mais, dit M. E. de Rougé, « il n’est pas à penser que les Égyptiens aient jamais consigné ni le souvenir des plaies, ni celui de la catastrophe terrible de la mer Rouge, car leurs monuments ne consacrent que bien rarement le souvenir de leurs défaites. » Moïse et les Hébreux, dans l’Annuaire de la Société française de numismatique et d’archéologie, 1884, p. 213. Cependant Flinders Pétrie a découvert en 1896 une stèle de Ménéphtah où il est question de plusieurs peuples de )a Syrie méridionale, et en particulier d’  « Israîlou (qui] est rasé et n’a plus de graine. » M. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. ii, p. 443, parlant des récits de l’Exode, ditlui-même : « Un fait ressort incontestable de ces récits : les Hébreux ou, tout au moins, ceux d’entre eux qui habitaient le Delta, s’évadèrent un beau jour et se réfugièrent aux solitudes d’Arabie. L’opinion la plus accréditée place leur exode sous le règne de Ménéphtah, et le témoignage d’une inscription triomphale semble la confirmer, où le souverain raconte que des gens d’Israîlou sont anéantis et n’ont plus de graine. Le-contexte indique assez nettement que ces Israîlou si maltraités étaient alors au sud de la Syrie, peut-être au voisinage d’Ascalon et de Gézer. Si donc c’est bien l’Israël biblique qui se révèle pour la première fois sur un monument égyptien, on pourra supposer qu’il venait à peine de quitter la terre de servage et de commencer ses courses errantes. »

Le caractère surnaturel de l’événement ressort de tous les traits du récit, qui se présente, non sous forme poétique, mais historique, et a été entendu littéralement par toute la tradition. Sa fin providentielle fut, non seulement d’arracher à l’oppression le peuple choisi, mais d’affermir sa foi en ce Dieu tout-puissant, ce Jéhovah, qui s’était révélé à lui par Moïse. Il semble bien que Dieu lui-même ait amené les Israélites dans une impasse pour les en tirer miraculeusement. Si, en effet, ils avaient gagné le désert par le nord de la pointe maritime, les Egyptiens les y auraient facilement atteints. Dieu voulut donc frapperjîïeVIe début de leur histoire leur esprit et leur cœur. Et, en réalité, le passage de la mer Rouge fut regardé comme une merveille de premier ordre, dont le souvenir excita d’âge en âge l’admiration et la reconnaissance. Cf. Deut., xi, 4 ; Jos., ii, 10 ; iv, 24, etc. L’incrédulité cependant n’a pas manqué de chercher une explication naturelle pour effacer le miracle ; les Hébreux auraient profité du moment du reflux pour passer à gué, et une marée extraordinaire, survenue aussitôt après leur passage, aurait submergé les soldats du pharaon. Cf. du Bois-Aymé, Notice sur le séjour des Hébreux en Egypte et sur leur fuite dans le désert, dans la Description de

l’Egypte, Antiquités, Mémoires, 1809, t. i, p. 309-310 ; J. Salvador, Histoire des institutions de Moïse et du peuple hébreu, 3e édit., 1862, p. 52-55. Il existe, en effet, deux gués à l’extrémité de la mer Rouge : l’un à une heure et demie environ au nord de Suez, qui était ordinairement praticable avant le percement du canal ; l’autre au sud, placé vis-à-vis de Suez, et qui prend à peu près la direction du sud-est. Dans cette direction, celui-ci est recouvert à marée haute sur une étendue de plus d’une demi-lieue et n’est pas praticable ; à marée basse, il est ou plutôt il était à sec avant l’ouverture du canal, laissant seulement un étroit chenal, serpentant comme une rivière. Même en tenant compte de l’état ancien des lieux, il est impossible d’expliquer naturellement le récit sacré, dont les expressions excluent formellement l’idée d’un gué. Comment d’ailleurs la multitude qu i suivait Moïse aurait-elle pu passer la mer Rouge pendant le temps du reflux, en suivant le rivage, à plus forte raison par un gué ? La marée basse ne dure pas assez longtemps et l’espace laissé à sec n’est point assez large. Cf. F. "Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. ii, p. 427-439. D’autre part, croit-on que les Égyptiens, qui connaissaient mieux encore que Moïse le régime de la mer en cet endroit, se seraient laissés surprendre par le retour habituel de la marée ? Sans doute, Dieu aurait pu, comme dans les plaies d’Egypte, se servir. d’un phénomène naturel pour ses desseins miséricordieux, mais là encore on n’échappe pas au miracle, car il aurait fallu que sa Providence fit reculer la mer assez loin et assez longtemps pour permettre aux Israélites de passer et la fît revenir juste à temps pour engloutir l’armée égyptienne. C’est ainsi, d’après la Bible elle-même, Exod., xiv, 21, qu’il fit appel à un impétueux vent d’est pour refouler la mer. Mais il ne faudrait pas conclure de là que le vent seul sépara les eaux ; il les aurait plutôt repoussées à l’ouest, précisément du côté des Hébreux. Il eut donc plutôt pour effet de sécher la route par laquelle ceux-ci devaient passer. Le miracle nous oblige-t-il cependant à prendre dans son sens strict l’expression de « mur » qu’emploie l’Ecriture, Exod., xiv, 22, 29 ; xv, 8, pour montrer la position des eaux à droite et à gauche ? Pas nécessairement. Il était sans doute facile à Dieu, par un nouveau miracle, de les maintenir dans un état absolument contraire aux lois de l’équilibre des liquides. Mais alors on ne comprend pas que les Égyptiens n’aient pas été frappés de ce phénomène, n’y aient pas vu la main d’une puissance divine et aient osé s’aventurer sur un chemin si extraordinairement tracé. L’auteur sacré a donc décrit les choses selon les apparences. Cf. F. de Hummelauer, In Exod., p. 149. Enfin, même en n’admettant que des agents naturels dans l’événement qui nous occupe, on n’éviterait pas encore le surnaturel dans les circonstances. En effet, « étant donné qu’un retrait extraordinaire de la mer devait se produire à un endroit précis dans le cours de telle nuit déterminée, il fallait, pour aboutir au résultat indiqué, assurer toute une série d’actes ne dépendant d’aucune prévision possible, mais découlant d’événements imprévus et de volontés très diverses, à savoir : le départ des Hébreux en temps convenable, la durée ni trop longue ni trop courte de leur voyage, leur descente vers le sud malgré leur intention d’atteindre le désert oriental, leur arrivée à la mer au soir même qui précédait la nuit où allait se produire le séisme, leur station juste à portée du seuil qui allait être mis à sec, leur confiance dans la sécurité d’un passage qu’ils ne connaissaient pas, leur mise en mouvement à une heure telle qu’ils pussent atteindre l’autre rive avant le retour du flot, une chance très spéciale pour qu’un pareil cortège traversât assez rapidement et sans encombre ; puis, d’autre part, la résolution prise par les Égyptiens de poursuivre