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ROUGE (MER)


Memphis, lui barrèrent le chemin, et il se trouva emprisonné entre l’armée égyptienne au midi, les lacs à l’est et le Djebel Genefféh à l’ouest. Dieu délivra miraculeusement son peuple en lui ouvrant un chemin à travers les lacs Amers. — E.Naville, The Store-City of Pithom, p. 21, pense aussi que la mer Rouge communiquait avec les lacs Amers, qu’elle s'étendait même jusqu’au lac ïimsah. Les Hébreux, en revenant sur leurs pas, au sortir d'Étham, passèrent entre Pithom et l’extrémité du golfe, c’est-à-dire du lac Timsah, à peu prés vers Maghfar, puis ils s’acheminèrent vers le sud. Le cadre de leur campement fut alors celui-ci : au nord-ouest Phihahiroth-Pikehret, non loin de Pithom ; au sud-est Migdol, à peu de distance du Sérapéum actuel ; à l’est la mer et, au delà, sur la rive asiatique, Béelséphon, aujourd’hui la colline de Tussum. Là, dans l’espace compris entre le Sérapéum et le lac Timsah, la mer était étroite, l’eau n'était pas profonde, et le vent d’est put ouvrir un chemin aux Israélites. The Store-City of Pithom, p. 26. — Le P. de Hummelauer, Comment, in Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 149, regarde également comme plus probable le passage de la mer entre le lac Timsah et les lacs Amers. — Enfin le P. Lagrange, L’itinéraire des Israélites, dans la Revue biblique, 1900, p. 80, dit de son côté : « La vraisemblance commande seulement de descendre jusqu'à un lieu où la mer sera assez peu profonde pour que l’action du vent d’est se fasse sentir. Ces conditions sont réalisées au Sérapéum, qui devait être peu submergé, de façon que les eaux poussées par un vent du sud-est fussent refoulées vers le lac Timsah, landis qu'à Suez le vent du sud-est aurait rendu le passage plus difficile. Si les documents égyptiens fournisssent à Maspero la preuve que Migdol est au Sérapéum, la question est tout à fait tranchée. » Il s’agit donc en somme de savoir si réellement, à l'époque de l’exode, la mer Rouge remontait jusqu’au lac Timsah. Ceux qui sont pour l’affirmative apportent des arguments historiques, géographiques et géologiques, que combattent les défenseurs de l’opinion contraire. Voir Phihahiroth, col. 253. Ces derniers ont donc une quatrième hypothèse, que nous allons exposer avant déjuger la précédente.

4, Hypothèse du golfe de Suez. — Ce système a été surtout mis en lumière par F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. ii, p. 403-426. C’est, du reste, à cet ouvrage que nous renvoyons pour tous les détails des opinions qui viennent d'être exposées. En quittant Ramsès, les Israélites suivirent les bords du canal d’eau douce qui longeait ïouadi Tumilat ; le besoin d’eau les contraignait à s’en écarter le moins possible. La première étape fut courte, en raison de la multitude des émigrants et de la nécessité d’atiendre ceux qui étaient éloignés de Ramessès. La halte de Soccoth eut lieu dans la région voisine de Pithom. Moïse en profita pour régler définitivement la marche. Afin de cacher â Ménephtah son véritable projet, il devait se rendre dans le désert le plus proche, à Étham ; mais, parvenu en cet endroit, il devait aller dans la direction du Sinaï en marchant vers le sud. Sur l’ordre de Dieu, il quitta la route des Philistins, et, tournant brusquement, se rendit sur les bords de la mer Rouge. Combien de temps mit-il à faire ce voyage ? Nous ne savons ; le texte sacré ne nous donne aucun renseignement. À en juger d’après la distance, il est probable qu’il mit plus d’un jour pour aller d'Étham à l’extrémité du golfe de Suez. La Bible, il est vrai, ne mentionne pas de stations intermédiaires, mais station et jour de marche ne sont pas synonymes ; sept stations seulement sont mentionnées pour le premier mois tout entier. Exod., xvi, 1 ; cf. Num., xxxiii, 3, 11. La suite du récit d’ailleurs confirme cette supposition. Moïse, en effet, ne dut guère séjourner à Phihahiroth que le temps de la nuit, parce qu’il devait lui tarder d’arriver

aux fontaines appelées aujourd’hui de son nom, 'Ayùn Mûsa, sur la rive orientale du golfe, pour y être à l’abri des Égyptiens. Or, d’après l’Exode, le soir qui précéda la traversée miraculeuse, les Hébreux virent les chars du pharaon qui les poursuivaient. Si le trajet d'Étham à Phihahiroth s'était effectué en un jour, il aurait fallu que, dans cette même et seule journée, les messagers partis d'Étham fussent allés à Tanis avertir le roi, que celui-ci eût donné à son armée les ordres nécessaires pour se mettre en mouvement et qu’elle eût parcouru la distance de Tanis à Phihahiroth. Tout cela n’a pu se faire en une douzaine d’heures, quelque célérité qu’on veuille bien supposer, lbid., p. 410. Le besoin d’eau pour eux-mêmes et de pâturages pour leurs troupeaux obligea donc vraisemblablement les Israélites à longer la rive occidentale des lacs Amers et à passer entre ces lacs et le mont Genefféh ; les canaux du Nil apportaient encore dans cette terre la vie et la fertilité. Arrivés à la pointe de la mer Rouge, ils campèrent sur ses bords, pour de là passer à l’est, dans le désert du Sinaï. Leur camp était dans le voisinage du Djebel 'Atâqa, qui doit être Béelséphon. C’est là que l’armée égyptienne les surprit. En venant de Tanis, elle avait suivi, à partir des environs du lac Timsah, la même route que les Hébreux. Elle allait les enfermer comme un oiseau dans une cage, selon le langage des conquérants assyriens, c’est-à-dire les mettre dans une impasse où ils étaient pris de tous côtés. Le Djebel 'Atâqà, qui s’avance tout près de la mer, leur fermait toute retraite à l’ouest et au sud ; la mer les empêchait de se sauver au sud-est ; les chariots du pharaon leur coupaient toute issue vers le nord et le nord-est. Israël ne pouvait être sauvé que par un miracle. Ce miracle fut fait. Quelle fut la distance parcourue dans le lit de la mer ? Il est probable qu’elle ne fut pas très considérable, puisqu’elle fut franchie en une nuit, c’est-à-dire en six ou huit heures, par une immense multitude. On peut croire que, partis du nord-ouest sur le bord occidental du golfe, les Hébreux suivirent une ligne oblique et allèrent sortir plus bas sur l’autre rive, au sud-est. Quand, à l’aurore, les Égyptiens s’aperçurent que leurs esclaves leur échappaient, ils se mirent à leur poursuite. Mais les eaux qui avaient sauvé Israël engloutirent leurs persécuteurs. Le texte sacré cependant, remarquons-le, ne dit pas que le pharaon fut noyé avec son armée.

5. Conclusion. — Le choix reste donc entre les deux dernières hypothèses. Celle du golfe de Suez est exposée de la façon la plus séduisante, tant la route des Israélites y paraît naturelle. Elle souffre bien cependant quelques difficultés. Elle repose sur la supposition que la mer Rouge, à l'époque de l’exode, ne s'étendait pas jusqu’aux lacs Amers. Si le fait est vrai, il faut, en effet, amener le peuple d’Israël jusqu’au golfe de Suez. Mais s’il ne l’est pas, on se demande pourquoi Moïse a entraîné si loin, près de 80 kilomètres, tout son peuple d'émigrants, pour le faire prendre dans une vraie souricière. Or, les partisans de la quatrième hypothèse avouent eux-mêmes « que nous n’avons aucune preuve positive que, du temps de Moïse, les lacs Amers étaient séparés de la mer Rouge. De ce qu’ils ne lui étaient plus unis du temps d’Hérodote, il ne s’ensuit pas qu’ils ne le fussent point à l'époque de Sésostris. La preuve de leur antique séparation, tirée de la géologie, est contestée par plusieurs géologues. L'égyptologie seule peut nous apprendre, par de nouvelles découvertes, ce qui en est réellement. » F. Vigouroux, La Bible et lesdécouvertes modernes, t. ii, p. 402, note 1. Les monuments égyptiens<parleut d’un bassin d’eau salée, appelé Kem-uer ou Kîni-otri, « la très Noire », qui se trouvait précisément dans la ligne des lacs Amers. M. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 351, note 3 ; p. 471, note 3,