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ROUGE (MER)


est probable qu’il se trouvait à l’est à'el-Gisr, puisque c’est de là que, par un mouvement tournant, sur un ordre de Dieu, Moïse vint du côté de la mer Rouge, devant Pihahirôt ou Phihahiroth. Voir Etham, 1, t. ii, col. 2022. Ce dernier nom est l'égyptien Pikeheret rencontré par E. Naville, The Slore-City of Pithom, Londres, 1885, p. 16, 17 ; pi. ix, ligne 7, dans ses fouilles de Tell el~ Maskhula, sur une stèle de Ptolémée Philadelphe. On en conclut que cet endroit devait être non loin de Phithom ce qui convient bien au mouvement dés Israélites revenant sur leurs pas. Il faudrait alors le chercher sur les bords du lac Timsah. Mais comme la conséquence est que le passage de la mer Rouge aura eu lieu par les lacs Amers, les adversaires de cette opinion reculent Phihahiroth vers le sud jusqu'à 'Adjrûd, qui se trouve à quatre heures au nord-ouest de Suez, et dont le nom renferme des consonnes semblables ou analogues. "Voir Phihahiroth, col. 253. L'Écriture nous dit bien que Phihahiroth était entre Migdol ou Magdal et la mer, vis-à-vis de Ba’al $efôn ou Béelséphon. Mais ces points de repère nous sont eux-mêmes inconnus. Le mot Migdol, qu’on retrouve dans les inscriptions égyptiennes sous la forme Maktl, signifie « tour, forteresse ». Il indique donc ici une de ces enceintes fortifiées qui défendaient la frontière de l’Egypte contre les invasions des tribus pillardes du désert. Mais comme il y en avait un certain nombre, le renseignement reste nul. Voir Magdal 1, t.iv, col. 538. Quant à Ba’al §efôn, il indique un sanctuaire de « Baal du nord ». Gomme le culte de Baal s'établissait surtout sur les hauts lieux, et que le Set égyptien assimilé à Baal était un dieu de la mer, on peut croire que le nom en question désigne une montagne qui domine la mer, le Djebel (rene/féh ouïe Djébél 'Ataqa.Voir Béelséphon, t. i, col. 1545. Quelques-uns uns mettent Béelséphon à l’est sur la colline de Tussum.GC.E. Naville, The StoreCity of Pithom, p. 22 et carte.

3° Hypothèses. — C’est avec ces données incertaines qu’il nous faut retrouver le chemin des Hébreux. Elles suffisent cependant pour nous permettre de condamner certaines hypothèses et d’en établir de probables.

1. Hypothèse du P. Sicard. — Le P. Sicard, missionnaire jésuite, est le premier voyageur qui ait eu la gloire d'étudier scientifiquement la question. Il entreprit, en 1720, un voyage en Egypte, dont le principal motif était d’examiner de près la route des Israélites. Le résultat de ses recherches a été publié dans une Lettre au P. Fleuriau sur le passage des Israélites à travers la mer Rouge, dans les Lettres édifiantes et curieuses, édition de Toulouse, 1840, t. v, p. 2Il sq. Il commence par établip que le pharaon de l’exode ne demeurait pas à Tanis, mais à Memphis. Ramsès est pour lui Bessatin, petit village à trois lieues du vieux Caire, à l’orient du Nil. De là, pour se rendre sur les bords de la mer Rouge, les Hébreux suivirent la vallée qui est entre le mont Tora et le mont Diouchi, et ils passèrent la mer à une certaine distance audessous de Suez, en face de 'Ayân Musa. Cette opinion eut un grand succès et compta un très grand nombre de partisans. Le P Pujol, de la Compagnie dé Jésus, la défendait encore en novembre 4$72, dans les Études religieuses. Elle a cependant pour défaut capital d’assigner aux Israélites un faux point de départ : le pharaon ne résidait pas à Memphis, et Ramsès n’est pas Bessatin. Si le livre de l’Exode ne nomme pas expressément la résidence du roi, le Psaume lxxvii (hébreu, lxxviii), 12, 43, dit formellement que les merveilles opérées par Moïse eurent lieu « dans les champs de Tanis ». C’est, du reste, une vérité généralement reconnue aujourd’hui. D’autre part, Ramsès était dans la terre de Gessen ; or la terre de Gessen n'était pas sur le Nil, comme Bessatin, mais bien plus au nord de l’Egypte. Voir Gessen, t. iii, col. 218. Ce sys tème est done à rejeter, quel que soit le point d’arrivée qu’il fixe sur les bords de la mer Rouge.

2. Hypothèse de H. Brugsch. — Une nouvelle opinion, qui suscita quelque émoi dans le monde savant, fut soutenue eu 1874 par un égyptologue bien connu, Henri Brugsch, d’abord dans une conférence faite à Alexandrie, puis, le 12 septembre de la même année, au congrès des orientalistes à Londres. Cf. H. Brugsch, La sortie des Hébreux d’Egypte, Alexandrie, 1874 ; Report of the proçeedings of the second international Congress of the Orienlalists held in London, 1874, Londres, 1874, p. 28 ; L’Exode et les monuments égyptiens, discours prononcé à l’occasion du Congrès international d’orientalistes à Londres, Leipzig, , 1875. Disons tout de suite qu’elle est fausse dans le point de départ qu’elle assigne aux Hébreux et dans le point où elle les conduit. L’auteur prétend d’abord que Ramsès est la même ville que Tanis. Nous avons suffisamment réfuté cette idée. Voir Ramsès, Tanis. S’appuyant ensuite sur un document égyptien, dont il arrange la traduction pour les besoins de la cause, il place dans la direction de l’est les stations de Soccoth, Etham, Magdal et Phihahiroth. Arrivés à Etham, les Hébreux auraient tourné vers le nord, « pour entrer dans les basses du lac Serbonis, » le Barduil actuel. H. Brugsch, L’Exodeel les monuments égyptiens, p. 28. Ils auraient ainsi passé sans traverser aucune mer, par l'étroite langue de terre qui séparait le lac Serbonis de la Méditerranée ; les troupes égyptiennes, surprises par une haute marée, auraient été ensevelies dans les gouffres du lac, comme le furent plus tard les soldats d’Artaxercès. Diodore, xvi, 46. La géographie de H. Brugsch n’est pas moins singulière que son exégèse. La Bible, le seul texte autorisé dans la question, renverse de fond en comble le système du savant allemand, en nous parlant, non de la Méditerranée, mais de la mer Rouge. La tradition israélite n’a pu confondre deux mers si différentes. Yàm Sûf n’indique ni le lac Serbonis ni les autres lacs de la Basse-Egypte. Il désigne, nous l’avons vii, la mer qui baigne la péninsule sinaïtique, s’appliquant aussi bien au golfe Élanitique qu’au golfe de Suez.

3. Hypothèse des lacs Amers. — Les systèmes précédents ont marqué, au nord et au sud, deux lignes extrêmes qui se trouvent complètement en dehors de la route suivie par les Hébreux. Reste donc à chercher entre les deux. Quelques-uns des ingénieurs qui ont pris part au percement de l’isthme de Suez ont soutenu que les Israélites avaient passé à travers les lacs Amers, qui, à cette époque, n’auraient fait qu’un avec la mer Rouge. M. Lecointre surtout s’est fait le défenseur de cette hypothèse, Du passage de la mer Rouge par les Hébreux, avec deux cartes, dans les Études religieuses, octobre 1869, p. 557-582 ; réponse au P. Pujol, dans la même revue, juillet et août 1873. Il regarde comme incontestable et incontesté que les lacs Amers communiquaient avec la mer Rouge ; que le soulèvement de Schalouf a interrompu la communication ; que la salure de l’eau des lacs était supérieure à celle de la mer ; ce qui amène forcément à conclure que la communication était intermittente ; par conséquent, il existait à Schalouf, non pas un gué, mais un passage ordinairement à sec. Il place Étham au Sérapéum, à l’extrémité nord des lacs Amers ; il prend Magdal pour une chaîne de montagnes, et l’identifie avec le Djébél Genefféh ; Béelséphon est Chebrewet, le seul pic remarquable de cette plaine ; Phihahiroth est la plaine située entre le Djébél Genefféh et la mer ; le lieu de campement des Hébreux est la partie de cette plaine située au pied de Chebrewet. Moïse, en quittant Étham, suivit la rive occidentale des lacs Amers, alors remplis d’eau, dans l’intention d’aller rejoindre le passagede Schalouf et d’entrer dans le désert à l’est du golfe de Suez. Mais il ne put y réussir ; les chars du pharaon, venant du sud-ouest, du côté de