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ROUGE (MER)

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ROUGE (MER) (hébreu : yâm-sûf, « mer des Roseaux », Exod., x, 19 ; xiii, 18 ; xv, 4, 22, etc. ; parfois simplement hay-yàm, « la mer », Exod., xiv, 2, 9, 16, 21, 28, etc. ; une fois sûf, Deut., 1, 1 ; Septante : t| Épu8pà ÔàXautra, Exod., X, 19 ; xiii, 18, etc. ; eiXamra, Exod., xiv, 2, 9, 16, etc. ; 7) ê^xà-tr] 80cXa<70-<), III Reg., » x, 26 ; ôâXaaaï] Eeîep, Jud., xi, 16 (Codex Vaticanus) ; les écrits grecs de l’Ancien et du Nouveau Testament ont èpo6pà 9â/a<j<7 ?j, Judith, v, 14 ; Sap., x, 18 ; xix, 7 ; i Mach., iv, 9 ; Act., vii, 36 ; Heb., xi, 29), grand golfe de l’extrémité nord-ouest de l’océan Indien, entre l’Asie sud-occidentale à l’est et l’Afrique nord-orientale à l’ouest. Célèbre par le passage miraculeux des Israélites à travers ses eaux, elle est connue dans la Bible surtout par ses deux pointes septentrionales, le golfe <Ie Suez et le golfe d’Akabah.

, I. Noms. —1° Le vrai nom de la mer Rouge en hébreu -est yâm sûf. Mais le mot sûf n’a pas un sens très précis ; tout en désignant des plantes aquatiques, il peut s’appliquer aux roseaux, aux joncs et aux algues. "Voir Algues, t. i, col. 364. Nous croyons cependant que le sens qui prime est celui de « roseaux ». Cf. Exod., h, 3, 5 ; Is., xix, 6. Le mot est transcrit en égyptien

par s=> % y. X *îf> tufl, « papyrus » ; mais, d’après

W. Max Mûller, Asien und Europa nach altâgy ptischen Denkmâlern, Leipzig, 1893, p. 101, il ne se rencontre pas dans l’ancien empire et paraît un emprunt fait aux Sémites. Il se retrouve encore dans le copte sous la forme iooiT’q, « jonc, papyrus ». Cependant la version copte, Exod., x, 19 ; xiii, 18, a traduit yâm sûf par io six ïiuj*.pi, yom n-’sari. Mais la signification est la même, car sari représente l’ancien égyptien sar, plante aquatique dont il est question dans une inscription du temple d’Edfou, et dont on mâchait les tiges comme celles du papyrus. Cf. G. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, Leipzig, 1881, p. 532-533 ; Ch. Joret, Les plantes dans l’antiquité, 1™ partie, Paris, 1897, p. 174. On comprend d’ailleurs que le nom de « mer des Roseaux » ait quelque chose de spécifique, tandis que celui de « mer des Algues » ne convient pas d’une façon spéciale à la mer Rouge. Cependant, comme les roseaux n’existent aujourd’hui qu’en quelques endroits des bords de cette mer, notamment au sud du djebel’Atâqa, à l’embouchure de Youadi Jauâriq, et par groupes, mais en moins grande quantité, dans le golfe Elanitique ou d’Akabah, on a voulu rapporter le nom de sûf aux algues ou varechs (fucus) que la mer Rouge renferme, ainsi que la Méditerranée, et qui forment « omme des prairies sous-marines, visibles par un temps calme jusqu’à une grande profondeur, ou bien « ncore aux bancs de coraux recouverts d’algues qu’on aperçoit près des côtes. Mais ces raisons ne peuvent infirmer celles que nous avons fait valoir ; elles prouvent simplement que l’état de la mer Rouge, sous ce rapport, devait être autre à l’époque des Hébreux. Il fallait, en effet, que l’abondance des roseaux y fût remarquable pour qu’ils aient cherché dans ce fait une dénomination caractéristique. Or, cette plante et ses semblables croissent surtout au voisinage des eaux douces. Comme celles-ci sont rares sur les bords des deux golfes dont nous parlons, il est donc probable qu’il faut remonter à un état ancien où le golfe occidental s’avançait plus haut dans les terres, en s’unissant aux lacs Amers. C’est dans cette région septentrionale que les Israélites connurent surtout la mer Rouge, et nous verrons plus loin que cette hypothèse du prolongement a ses raisons et ses partisans. On comprend alors qu’ils aient été frappés pa.r les fourrés de roseaux qui devaient occuper les bords plus ou moins marécageux de cette partie, où venaient aboutir certains canaux du Nil.

2° Les Septante traduisent régulièrement par f] épuBpà

  • â).ocr<ra, « la mer Rouge ». C’est le nom qu’on trouve

dans les écrits grecs de l’Ancien et du Nouveau Testament, Judith, v, 14 ; Sap., x, 18 ; xix, 7 ; I Mach., iv, 9 ; Act., vii, 36 ; Heb., xi, 29. C’est celui qui est usité chez les historiens et géographes grecs, Hérodote, Strabon, etc. ; les Latinsont de même Mare Èrythrseum, Mare Rubruni. Mais ces auteurs lui donnent une bien plus grande extension, en l’appliquant à l’océan Indien lui-même et au golfe Persique ; ils réservent à la mer Rouge proprement dite et à son bras oriental les appellations spéciales de golfe Arabique et golfe Elanitique, comme nous le verrons tout à l’heure. Pour le moment, demandons-nous d’où est venu ce nom de « mer Rouge ». Il n’est pas facile de le savoir. Il va sans dire, selon la remarque de Niebuhr, Beschreibung von Arabien, Copenhague, 1772, p. 417, que l’eau de cette mer n’est pas plus rouge que celle de la mer Noire n’est noire, que celle de la mer Blanche des Turcs (Archipel) n’est blanche. C’est donc à quelques circonstances particulières qu’est due cette appellation. Dans certains cas et sous certains aspects, les herbes flottantes sous-marines peuvent produire des reflets donnant une teinte rougeâtre à la surface. C’est ce qu’a constaté en 1843, sur une longueur de 475 kilomètres, le D r Montagne, qui attribue cette couleur écarlale principalement â des Erythronema ou algues de la tribu des Oscillatoriées. Cf. Montagne, dans le Bulletin de la Société de géographie, Paris, 1844, p. 151 ; et Mémoire sur la coloration de la mer Rouge, 1845. Quelques bancs de sable et de corail ont aussi cette nuance. On fait appel également à la rougeur du ciel qui se reflète dans la mer, à la lumière éblouissante des monts et des rochers environnants. Une autre hypothèse ferait.de « rouge » le synonyme de « torride » ; on sait, en effet, que la chaleur est suffoquante sur cette mer. Beaucoup enfin croient que l’étymologie vient plutôt du « Peuple rouge » qui habitait autrefois une bonne partie de ses rives. C’est la signification A’Edoni en hébreu, de Himyar (dérivé de Ahmar) en arabe, de Pount en égyptien. Ce dernier nom désignait une grande tribu chananéenne du golfe Persique, qui fonda des colonies sur les bords de la mer Rouge, du golfe d’Aden, puis de là eh Afrique ; d’où il fut appliqué par les Egyptiens à l’Arabie et au pays de Somâl. Ces Chananéens, essaimant sur la Méditerranée, devinrent les « Êoîvixeç des Grecs ou les Phéniciens, les Pœni ou Puni de Carthage pour les Romains. On pourrait trouver un appui à cette hypothèse dans le nom que les Égyptiens donnaient à la région déserte qui les environnait, par opposition à leur propre pays, c’est-à-dire les bords du Nil. Ils appelaient celui-ci Kam, Kem ou Kemi, « le Noir », sans doute en raison de la couleur du sol, tandis qu’ils nommaient celle-là ta désert, « le [pays] Rouge », et le golfe Arabique « la mer du pays rouge ». C’est peut-être de là que les Grecs et les Romains auraient tiré le nom de « mer Erythrée » ou « Rouge ».

3° Nous avons dit que les historiens et géographes classiques appelaient la mer Rouge proprement dite « le golfe Arabique », 6’Apiëioç ou’Apaëixôç xoXnoç, Arabicus sinus. Cf. Hérodote, ii, 11, 159, etc. ; Strabon, xvii, 798, 803 ; Pline, H. N., vi, 28, etc. Mais le bras occidental portait aussi le nom de « golfe Héroopolite », ’IIpwoTroXïTVj ; x6Xtto ; ou ja-j^o ; , "Hpwoç xoXttoç, Théophraste, Hist. PL, IV, 8, dénomination tirée d’une ville qui se trouvait près du lac Timsah, l’ancienne Pithom, ce qui tend à prouver, nous le verrons, que la mer Rouge, dans les temps anciens, remontait beaucoup plus au nord que maintenant. Le bras oriental était appelé « golfe Elanitique », AîXaviTr)ç, ’EXavrér]ç, ’EXavt-Tixb « jcôXtt&ç ou (rJx° ! > de la ville d’Élath, située à l’extrémité du golfe. VoirÉLATH, t. ii, col. 1643. On trouve dans Pline les formes Mliniticus, Aleniticus et Lseniticus sinus.