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ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL


3. Les néo-critiques sont allés plus loin, et ont prétendu découvrir dans, les livres de Samuel des contradictions véritables, qui démontreraient encore mieux leur thèse relative à l’origine de ces écrits. Cette autre affirmation ne résiste pas non plus à l’examen sérieux des faits. Les soi-disant contradictions concernent Samuel, l’origine de la royauté chez les Hébreux, l’introduction de David à la cour de Saûl, la mort de ce dernier, la prise de Sion par David, enfin le géant Goliath.

— à) Les récits relatifs au prophète Samuel seraient deux fois contradictoires. En premier lieu, d’après I Reg., vii, 15, il exerça « durant tous les jours de sa vie » les fonctions de juge en Israël, et pourtant nous le voyons, I Reg., viii, 1, cf. xii, 2, déléguer son autorité à ses fils. Mais cette difficulté s’explique au moyen d’une distinction fort simple : Samuel, devenu vieux, cessa de rendre des jugements et d’exercer certaines prérogatives de sa charge, trop fatigantes pour lui ; mais il ne se démit jamais entièrement de son autorité de juge, et il n’en avait d’ailleurs pas le droit, puisqu’elle lui avait été déléguée par Dieu lui-même. I Reg., viii, 4, après qu’il a été question de son remplacement partiel par ses fils, nous voyons le peuple s’adresser à lui pour avoir un roi. Même sous le règne de Saûl, il conserva son autorité suprême, que le roi ne songea nullement à contester. Cf. I Reg., xv, 2-34. David aussi recourut à lui comme à un guide officiellement institué par Dieu. I Reg., xix, 18, etc. On objecte aussi que, d’après IReg., XV, 35, à partir de tel instant, « Samuel ne vit plus Saül jusqu’au jour de sa mort, » tandis qu’il est dit plus tard, I Reg., xix, 24, à propos de Saül : « Il prophétisa… devant Samuel. » Ici encore, la conciliation est aisée : le premier trait signifie que le prophète cessa d’aller visiter le roi ; le second annonce simplement qu’il le rencontra d’une façon accidentelle.

— 6) Les rationalistes trouvent deux autres contradictions dans les récits relatifs à l’institution de la royauté. Les raisons pour lesquelles les Hébreux désirèrent et demandèrent un roi suivant notre livre leur paraissent inconciliables : d’une part, la cupidité des fils de Samuel, I Reg., viii, 3-5 ; de l’autre, les craintes que les Ammonites inspiraient au peuple, I Reg., xii, 1213. Mais en quoi ces motifs s’excluent-ils ? Ils se complètent mutuellement, au contraire, et le narrateur n’était pas tenu de les indiquer en même temps. Autre objection sur le même événement : I Reg., x, 1, nous apprenons que Saül reçut l’onction royale des mains de Samuel, sur l’ordre direct du Seigneur ; d’après I Reg., x, 20, 25, il futélu par le sort et ensuite reconnu par le peuple. Mais il n’existe pas d’opposition réelle entre les deux faits : Dieu désigna d’abord Saül en secret à son prophète, qui lui conféra l’onction sainte ; ^ette onction secrète ne pouvant suffire pour donner une autorité publique au nouveau roi, il fallait une révélation extérieure et solennelle de la volonté divine, et l’élection par le sort la fournit. — c) La difficulté tirée de la présentation de David à la cour royale est plus sérieuse. Nos adversaires affirment qu’elle est racontée dans le I er livre des Rois sous deux formes tellement différentes, d’abord xvi, 14-23, puis xvii, 1-xvin, 5, qu’il n’est pas possible de faire concorder les récits : preuve, ajoute-t-on, qu’ils ont été empruntés à des sources différentes, que le rédacteur a maladroitement réunies. Voici les détails de l’objection : « Quand Samuel arrive à Bethléhem (pour sacrer David), l’historien nous fait connaître le père et les frères de David, IReg., xvi, 113, et, un peu plus loin, il les présente de nouveau au lecteur, comme s’il n’en avait jamais encore parlé. I Reg., xvii, 12-15. Avant la guerre, Saül fait de David, qui est très brave, son écuyer, I Reg., xvi, 21, et, au moment de la guerre, nous voyons David gardant son troupeau, et n’allant au camp que par hasard, afin d’apporter des vivres à ses frères. I Reg., xvii, 17. Mais

ce qui est plus extraordinaire encore, Saül qui, avant d’aller combattre les Philistins, avait choisi David comme écuyer et le connaissait très bien, ainsi que son père, I Reg., xvi, 18-22, ne sait pas quel est ce jeune homme qui terrasse Goliath. I Reg., xvii, 15-16. » F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., Paris, 1902, t. iv, p. 495-496. Telles sont les antilogies apparentes de la narration. Le même auteur nous en donne la solution, ibid., p. 496-498. Après avoir fait remarquer très justement qu’un narrateur européen aurait ordonné son récit d’une autre manière que l’écrivain israélile, lequel a compliqué visiblement les faits par les répétitions chères à sa race, il reprend : « Les deux récits dont nous nous occupons ne sont pas d’ailleurs complètement indépendants. L’historien ne parle pas la seconde fois des frères de David comme s’ils nous étaient totalement inconnus, et, au sujet de David lui-même, il a soin de rappeler qu’il l’avait déjà fait connaître à ses lecteurs : David, dit-il, le fils de cet homme d’Éphrata (dont il a été déjà parlé, explique justement la Vulgate), de Bethléhem de Juda. I Reg., xvii, 12. Mais comment, insiste-t-on, Saül peut-il ignorer qui est David, puisqu’il avait fait demander à son père de le lui laisser comme écuyer, I Reg., xvi, 19-22, et comment Abner n’en sait-il pas plus long que son maître ? La réponse est facile, et il y a longtemps qu’elle a été donnée par saint Ephrem. Le roi connaissait suffisamment le berger de Bethléhem pour l’attacher à sa personne, en qualité d’écuyer et de musicien ; mais le courage de David l’étonné et fait qu’il s’intéresse davantage à lui ; de plus, ayant promis sa fille au vainqueur de Goliath, il désire des informations plus précises sur la parenté de celui qui peut devenir son gendre, et c’est pour ce motif qu’il charge Abner de s’en occuper, I Reg., xvii, 55-57… Nous n’avons donc ici aucune contradiction réelle. » Il est remarquable, en effet, que, dans le texte sacré, IReg., xvii, 53-56, Saûl ne demande pas qui était personnellement David, mais de qui il était fils, à quelle famille il appartenait. Ajoutons que Saül avait plusieurs écuyers, selon l’usage d’alors, cf. II Reg., xviii, 15, de sorte que David, après avoir distrait pendant quelque temps le roi par son talent de harpiste, était ensuite retourné à la maison paternelle, où il se trouvait lorsque la guerre fut déclarée. On a allégué aussi que les passages I Reg., xvii, 12-31 et xvii, 56-xvin, 5, qui donnent le plus lieu à la difficulté proposée, sont supprimés dans la version des Septante ; ce qui prouverait que les traducteurs d’Alexandrie ne croyaient pas à la possibilité d’établir une conciliation entre I Reg., xvi, 18-22, et xv, 55-58. Mais cette omission ne démontre rien par elle-même, car la Bible des Septante présente d’autres nombreux exemples de suppressions, d’additions, de transpositions, etc. D’ailleurs, si le Cad. Vaticanus ne contient pas les versets en question, d’autres manuscrits les renferment, et les anciens interprètes grecs, entre autres Théodoret de Cyr, lntrod. in I Reg., t. lxxx, col. 567-568, s’efforçaient déjà d’harmoniser les deux récits. Voir aussi Procope de Gaza, Comm. in libr. 1 Reg., t. lxxxvii, col. 1109. — d) Si les narrations relatives à la mort de Saûl, I Reg., xxxi, 2-6, et II Reg., i, 2-12, sont réellement contradictoires, la faute n’en retombe pas sur l’écrivain sacré, qui donne la véritable version au premier des passages indiqués, mais sur l’Amalécite qui fit à David un récit mensonger, pour se faire bien venir de lui. Voir Théodoret, l. c, t. lxxx, col. 598. — e) Il est dit, I Reg., xvii, 54, que David porta la tête de Goliath à Jérusalem, puis, assez longtemps après, II Reg., v, 9, qu’il s’empara de la citadelle de Sion. Mais ouest la contradiction ? Sans doute, les Jébuséens demeurèrent longtemps les maîtres de la citadelle ; mais la ville, c’est-à-dire Jérusalem, était déjà au pouvoir des Hébreux, qui l’habitaient en paix. — f) S’il