Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/577

Cette page n’a pas encore été corrigée
1135
1136
ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL


superposées et des rédactions successives, des remaniements nombreux jusqu’à l’agencement définitif, ne pouvait manquer d’être appliqué â ces deux livres, de même qu’il l’avait été au Pentateuque, au livre de Josué et au livre des Juges. Les néo-critiques n’ont pas épargné leur peine pour découvrir ce qu’ils nomment les sources primitives et les éléments secondaires de notre écrit. Le jugement qu’ils portent sur lui est sévère : « C’est une combinaison d’éléments divers et inégaux, une compilation de documents souvent incohérents et contradictoires, dont on ne peut extraire qu’avec de grandes précautions et difficultés les faits dignes d’être acquis à l’histoire. » Maurice Vernes, dans VEncyclopëdie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. xi, Paris, 1881, p. 445. « Tels qu’ils ont été conservés dans le canon, les livres de Samuel ne sont évidemment pas l’œuvre d’hommes contemporains des événements racontés. Derrière ces documents on découvre <les traditions variées et contradictoires, que le compilateur, se conformant à la méthode de l’historiographie hébraïque primitive, a incorporées… dans une seule, sans faire aucun effort pour mettre d’accord les différences. » The Jewish Encyclopœdia, t. XI, NewYork, 1905, p. 12. — La dissection du livre de Samuel en fragments plus ou moins nombreux, groupés tardivement, assure-t-on, par des mains assez inhabiles, remonte au début du xixe siècle. Les plus célèbres rationalistes d’alors, tels que Eichhorn, Bertholdt, puis Gramberg, ébauchèrent ce travail. Thenius le compléta dans son commentaire, paru en 1849. Voir de Hummelauer, Comtn. in libr. Samuelis, p. 3. Mais c’est surtout -à Wellhausen età ses études réitérées sur cette question que se rattachent les théories généralement admises aujourd’hui par les néo-critiques. Il fait porter simultanément ses recherches sur les livres des Juges, de Samuel (I et II Reg.) et des Rois (III et IV Reg.), dans lesquels il prétend reconnaître les mêmes errements, la même méthode de remaniements successifs et d’additions contradictoires. À la base du système, il y a cette assertion bien connue : le Pentateuque se compose de trois parties, savoir, le Deutéronome, le Code sacerdotal, et le récit jéhovisle, qui est le plus ancien des trois. Le Deutéronome fut retrouvé, et même probablement composé de toutes pièces, à l’époque du roi Josias, en 621 ; prêtres et prophètes s’entendirent pour lui donner force de loi, et pour restreindre dès lors le culte au temple de Jérusalem. Le Code sacerdotal est plus récent que le Deutéronome et postérieur â l’exil ; il eut pour but de faire accroire aux Juifs que le culte unique, établi en réalité sous le règne de Josias, remontait jusqu’à Moïse. Pendant l’exil de Babylone, les anciens livres historiques, notamment ceux des Juges, de Samuel et des Rois, furent révisés et remaniés, pour qu’ils se trouvassent d’accord avec les pratiques religieuses adoptées depuis Josias. De nombreux détails ont donc été modifiés dans ces livres, tout particulièrement dans ceux de Samuel, sous l’influence et d’après l’esprit du Deutéronome. — Tel est le fondement de la théorie développée par Wellhausen dans les ouvrages qui seront énumérés plus loin (col. 1144). On voit combien il est faux, arbitraire, et par conséquent fragile. Voir Pentateuque, col. 86-107. « L’historiographie deutéronomique i> comme on la nomme, c’est-à-dire la rédaction définitive de « la plus grande partie des écrits historiques d’Israël… sous l’influence de la loi deutéronomique, » se serait prolongée pendant près de deux siècles, entre les années 621 et 433 avant J.-C. « Commencée à la fin de l’indépendance nationale d’Israël, elle contient un jugement porté sur tout le passé du peuple dans la Terre Promise ; son but proprement dit, très visible partout, est de donner un avertissement sérieux à la nation, qui espérait avec certitude son rétablissement, en s’appuyant sur la pa role des prophètes. » C’est donc « à la lumière de la loi deutéronomique » que fut modifiée toute l’ancienne histoire d’Israël. Cette historiographie est « une grande théodicée, qui démontre comment la ruine du peuple de Jéhovah fut une conséquence de la justice divine. » G. Wildeboer, Die Litteralur des Allen Testaments nach der Zeitfolge ihrer Entslehung, trad. du hollandais, in-8°, Gœttingue, 1895, p. 232-242. Cela revient à dire que, sous l’influence du Deutéronome, les idées surnaturelles auraient pénétré après coup dans les livres des Juges, des Rois et de Samuel. Cet aveu explique pourquoi de nombreux passages sont rejetés en détail par les rationalistes.

Il serait sans utilité de suivre un à un, sur ce terrain, tous ceux des néo-critiques qui ont émis quelque théorie plus spéciale au sujet de la composition des livres de Samuel. Ici, comme à propos du Pentateuque et de la plupart des écrits bibliques, nous assisterions à une vraie surenchère, chacun voulant aller plus loin que ses prédécesseurs en fait de négation. C’est ce que montre fort bien le tableau d’ensemble placé par le D r Nowack aux pages xxx-xxxiv de son commentaire des livres de Samuel, composé aussi dans un sens rationaliste. Nous nous contenterons donc de signaler l’analyse des sources de nos deux livres, telle que la donne le D r K. Budde, qui s’est acquis une certaine notoriété sûr ce point ; il ne fait, du reste, que développer la théorie de Wellhaqsen.

Comme ceux qui lïont précédé dans cette voie, il attire d’abord l’attention du lecteur sur trois formules des livres de Samuel, I Reg., vii, 15-17 ; xiv, 47-52 et II Reg., viii, 15-18, qui auraient servi de conclusion à trois documents anciens, consacrés, le premier à Samuel, le second à Saûl, le troisième à David. Elles doivent, dit-il, leur forme actuelle à la « main deutéronomique », par laquelle auraient été amalgamés les documents en question. Des répétitions et même des contradictions assez nombreuses, que nous examinerons en détail (col. 1138), attesteraient aussi l’existence de plusieurs sources écrites, que des compilateurs ou rédacteurs successifs auraient cousues l’une à l’autre, maladroitement, sans remarquer qu’elles ne correspondent plus au même point de vue religieux ou politique. La première de ces sources aurait été simplement remaniée ; les deux autres auraient subi des modifications importantes. La première, qui est postérieure au Deutéronome, présente de grandes affinités avec l’écrit élohiste du Pentateuque que l’on désigne par le sigle E ; la seconde, beaucoup plus ancienne, serait l’œuvre de l’écrivain jéhoviste, J^ Mais, d’un examen plus attentif, il ressort que ces deux documents ont été remaniés plusieurs fois, de façon à produire, d’une part J’jJ 2, et de l’autre E 1, E 2. Le rédacteur qui les a unis sans essayer de les concilier est désigné par les lettres R JE. Après lui vint un dernier rédacteur R", animé de l’esprit deutéronomique. Voici quel serait le résultat final de cette minutieuse enquête :

J -I Reg., ix, l-x, 7, 9-16 ; xi, 1-11, 15 ; xiii, 1-7°, 15>>18 ; xiv, 1-46, 52 ; xvi, 14-23 ; xvrn, 5-6, 11, 20-30 ; xx, 1-10, 18-39, . 22>> ; xxii, 1-4, 6-18, 20-23 ; xxiii, 1-14° ; xxvi ; xxvii ; xxix-xxxi. — Il Reg., 1, 1-4, 11, 12, 17-27 ; n, l-9, lOb, 12-32 ; m ; iv ; v, 1-3, 6-10, 17-25 ; vi ; ix-xi ; xii, 1-9, 13-31 ; xiii, 1-xx, 22.

J2 — I Reg., x, 8 ; xiii, 7M5°, 19-22.

E — I Reg., iv, lMrii, 1 ; xv, 2-34 ; xvii, 1-11, 14-58 ; xvrn, 1-4, 13-19 ; xix, 1, 4-6, 8-17 ; xxi, 1-9 ; xxii, 19 ; xxlii, 19-xxiv, 19 ; xxv ; xxviii. — II Reg., i, 6-10, 13-16, vu.

E 2 — I Reg., i, 1-28 ; ii, 11.-22°, 23-26 ; iii, 1-iv, 1° ; vu, 2-vin, 22 ; x, 17-24’; xii.

Rje _ I Reg., x, 25-27 ; xi, 12-14 ; xv, 1 ; xviil, 2 ; xix, 2, 3, 7 ; . xx, 11-17, 40-42° ; xxii, 10>> ; xxiii, 14M8 ; xxiv, 16, 20-22°. - II Reg., i, 5.