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ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL

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A défaut du nom de l’auteur, nous pouvons du moins indiquer d’une manière approximative l’époque à laquelle il vivait. Plusieurs petits détails insérés çà et là dans le récit montrent qu’il a écrit un certain temps après les événements racontés. 1° I Reg., IX, 9, il croit devoir expliquer un terme usité à l’époque de Samuel et qui était tombé en désuétude : « Autrefois, dans Israël, tous ceux qui allaient consulter Dieu s’entredisaient : "Venez, allons au Voyant ; car celui qui s’appelle aujourd’hui Prophète, 9’appelait alors le Voyant. » 2° I Reg., xxvii, 6, il dit que la ville de Sicéleg était demeurée au pouvoir « des rois de Juda » jusqu’au moment où il écrivait. Or, le titre de « roi de Juda » ne semble pas avoir été en usage avant le schisme des dix tribus, lorsqu’une distinction fut établie entre les royaumes d’Israël et de Juda : ce trait nous conduirait donc au moins au règne de Roboam (962946 av. J.-C). 3° II Reg, . xiii, 18, l’auteur nous apprend que les princesses royales étaient autrement vêtues du temps de David que du sien ; ce furent sans doute les femmes étrangères introduites à la cour par Salomon qui apportèrent des modes nouvelles. D’autre part, la composition ne saurait dater d’une période de beaucoup postérieure à David et à Salomon, car le style est encore celui de l’âge d’or de la langue hébraïque. Une addition qu’on lit dans les Septante aux passages II Reg., viii, 7, et xiv, 27, et où Roboam est mentionné nommément, semblerait supposer que nos deux livres ont été écrits sous le règne de ce prince, après l’invasion du roi J’Égypte Sésac en Palestine ; mais leur authenticité est douteuse. En fait, de nombreux ëxégétes se décident aujourd’hui en faveur de ce règne, et leur opinion est pour le moins très vraisemblable. Voir F. Keil, Lehrbuch der… Einleitung in das A. T., 2 8 édit., p. 208 ; Erdmann, Die Bûcher Samuelis, p. 37 ; Cornely, lntrod. specialis, p. 270-271 ; F. Vigouroux, Man. bibl., 12e édit., t. ii, p. 85. Plusieurs rationalistes, entre autres Ewald, Thenius, Hævernick, sans parler de quelques protestants orthodoxes, attribuent même la composition à l’époque de David ou de Salomon. D’ailleurs, la plupart des critiques, malgré la fausseté de leurs systèmes par rapport à l’origine des deux premiers livres des Rois, n’hésitent pas à regarder des parties notables de cet écrit comme très anciennes, et à les dater du x » ou du IXe siècle avant notre ère. Voir E. Kœnig, Einleitung in das Alte Test., in-8°, Bonn, 1893, p. 261-263 ; Jewish Encyclopedia, t. xi, p. 12. Il est vrai, comme il sera dit plus bas, qu’ils regardent d’autres nombreux passages comme beaucoup plus récents et qu’ils reculent la composition finale jusqu’après l’exil.

2° Sources. — À ce sujet aussi, on peut faire des conjectures très raisonnables, bien qu’il soit impossible de fournir des détails absolument certains. L’auteur dut avoir à sa disposition, d’une part, des documents écrits, assez abondants et contemporains des faits ; de l’autre, des traditions orales conservées jusqu’à lui. « C’est ainsi seulement que l’on peut s’expliquer la délicatesse de touche, la vivacité dramatique, la finesse des traits biographiques et la fraîcheur incomparable des récits renfermés dans les livres de Samuel. » La Bible annotée, Les livres historiques, t. iii, .Neucbàtel, 1893, p. 184. — Plusieurs des sources écritesauxqûelles l’historien sacré recourut sans doute sont désignées en propres termes au I er livre des Paralipomènes. Il y eut d’abord, d’après I Par., xxix, 29, « le livre de Samuel le Voyant », « le livre du prophète Nathan », et « le livre de Gad le Voyant » ; puis, d’après I Par., xxvii, 24, les « Fastes du roi David » : sortes d’annales dont on ne saurait décrire au juste la nature et l’étendue, mais qui pouvaient inspirer toute confiance, puisqu’elles provenaient d’auteurs contemporains, d’une autorité incontestable. Ces documents paraissent avoir été utilisés à tour de rôle par l’auteur des deux premiers

livres des Rois et par celui du I er des Paralipomènes : on le voit par un certain nombre de passages où ces récits coïncident d’une manière souvent presque littérale. Les suivants méritent une mention à part. Comparez :

I Reg., xxxi, 1-13, et I Par., x, 1-12.

II Reg., Hꝟ. 2-5, et — iii, 1-3.

v, 1-10, et — xi, 1-5.

v, 11-25, et — xiv, 1-17.

vi, 1-11, et — xiii, , 1-14.

vi, 12-23, et — xv, 25-29.

vii, 1-viii, 18, et.— xvii, 1-xvin, 17.

x, 1-xi, l, et — xix, 1-xx, 1.

xii, 26-31, et - xx, 1-3.

xxi, 18-22, et - xx, 4-8.

xxiii, 8-39, et - xxi, 10-47.

xxiv, 1-25, et — xxi, 1-27.

En étudiant ces divers passages, on se rend compte que l’auteur des Paralipomènes n’a pas fait directement d’emprunts à celui des Rois, ou réciproquement, mais qu’ils ont puisé tous deux à des sources communes, très vraisemblablement celles qui ont été marquées ci-dessus. Voir Hummelauer, Comment, in libr. Samuelis, p. 5-6, 16-17. — L’auteur des livres de Samuel noua apprend lui-même, I Re§., , °j, ï.’vl a. emprunté au « livre des Justes », déjà mentionné Jos., x, 13 (voir Justes [Le livre des], t. iii, col. 1873-1875), l’élégie de David sur la mort de Saùl et de Jonathas. Il est fort probable qu’il a transcrit le « cantique du Rocher », II Reg., xxii, 1-51, du premier livre des Psaumes, cf. Ps. xvii. Il a aussi puisé le cantique d’Anne, I Reg., ii, 1-10, et les « dernières paroles de David », II Reg., xxiii, 1-7, dans d’autres documents authentiques. — La tradiiion orale, encore très vivante sur des faits si importants, si récents, lui a pareillement fourni d’abondants matériaux. Ses narrations le prouvent, il existait encore des monuments relatifs à plusieurs des faits racontés, cf. I Reg., vi, 18 ; vii, 12 : des proverbes qui y faisaient allusion, cf. I Reg., x, ll, II Reg., v, 8 ; des noms significatifs donnés aux lieux et aux personnes, cf. I Reg., 1, 20 ; iv, 21 ; vii, 12 ; xxiii, 28 ; II Reg., Il, 16, etc. — De tout cela il s’est servi comme un écrivain intelligent, habile et fidèle.

iv. style. — Le style, comme il a été déjà insinué plus haut, est celui de l’âge d’or de la langue hébraïque. L’auteur de nos deux livres est regardé à juste titre comme l’un des meilleurs prosateurs de la littérature sacrée. « Il n’a point les archaïsmes du Pentateuque ; … il n’a pas non plus ce qu’on a appelé les provincialismes de l’auteur des Juges… ; il est supérieur à celui des Paralipomènes, qui appartient à l’âge de fer, et aussi à l’auteur des troisième et quatrième livres des Rois, chez qui l’on trouve un certain nombre d’aramaïsmes, tandis qu’on n’a pas pu en découvrir plus de six dans les deux livres de Samuel. » F. Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, 12e édit., p. 84. — Parmi les expressions qui lui sont propres, il faut mentionner surtout l’appellation Yehôvdh sebd’ôf, « Seigneur des armées », par laquelle il est le premier à désigner le Dieu d’Israël. Il l’emploie dix fois : I Reg., i, 3, 11 ; iv, 4 ; xv, 2 ; xvii, 45 ; II Reg., v, 10 ; vi, 18 ; vii, 8, 26, 27. Elle est devenue fréquente après lui. Citons aussi l’expression nahalaf Yehôvâh, « héritage du Seigneur », pour marquer la nation théocratique, I Reg., xxvi, 19 ; II Reg., xx, 19 et xxi, 3 ; les formules Usée faciat Dominus et hsec addat, IReg., m, 17 ; xiv, 44 ; xx, 13, etc. ; tinnient aures ejus, I Reg.-, m, 11 : le titre nâgîd, « c prince », pour désigner le roi, etc. Voir F. Keil, Lehbruch der Einleitung, p. 174.

V. LES DEUX PREMIERS LIVRES DES ROIS ET CES

néo-critiques. — 1° Exposé des théories principales.

— Le système des documents multiples, des couches