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ROCHER — ROGEL (FONTAINE DE)


accompagne. Plusieurs commentateurs, au lieu de supposer une translation du rocher, ont cru que l’eau qui en était issue formait une rivière qui suivait les Hébreux partout, ou même que ceux-ci se contentaient d’emporter avec eux de cette eau pour l’utiliser dans les lieux aridesCf. Cornely, 1 Epist ad Cor., Paris, 1890, p. 275-277. Saint Paul n’authentique pas ici la tradition juive, comme on l’a cru. Cf. Drach, Épîtres de saint Paul, Paris, 1871, p. 179. Il se réfère à la comparaison biblique qui appelle si souvent Jéhovah un « rocher ». Il neparle que d’un rocher spirituel, procurant un breuvage spirituel. Il appelle de même la manne un aliment spirituel, I Cor., x, 4, c’est-à-dire ] un aliment fourni directement par Dieu. Le même Dieu, le « rocherspirituel », qui était déjà le Christ, a ménagé partout aux Hébreux le moyen de trouver de l’eau, et deux fois l’a procurée par un miracle, quand la nature n’en fournissait pas. D’ailleurs les textes du Pentateuque notent formellement que ce qui accompagnait les Hébreux, c'était Jéhovah lui-même. « Je me tiendrai devant toi sur le rocher qui est en Horeb. » Et Moïse appela ce lieu Maassa/t et Meribah, parce que les Hébreux avaient tenté Dieu en disant : « Jéhovah est-il au milieu de nous, ou non ? » Exod., xvii, 6, 7. La seconde fois, au désert de Sin, Dieu dit à Moïse et Aaron : « Vous parlerez au rocher. » Num., xx, 8. La parole ne s’adressait évidemment pas au rocher matériel, mais à celui qui se tenait au-dessus, à Jéhovah. Le rocher qui suivait les Hébreux n'était donc autre que Jéhovah, par conséquent son Christ et son Esprit, qui accompagnaient le peuple élu afin de pourvoir à tous ses besoins corporels et spirituels. À ce titre, saint Paul peut dire que « ces choses ont été des figures » de ce qui se passe pour le peuple nouveau, I Cor., x, 6, puisque le Christ qui prit soin des anciens Hébreux est aussi Je Dieu des chrétiens.

    1. ROGEL##

ROGEL (FONTAINE DE) (hébreu : 'Ên-RôgU. Septante : lïrjTi Piayi>. ; Vaticanus : III Reg., i, 9 : PwyiîX ; Vulgale : fons Rogel), source voisine de Jérusalem. Les anciens ont toujours traduit ce nom « la fontaine du Foulon ».

I. Identification.— 1° Opinion ancienne. — Depuis longtemps, le puits-source connu sous le nom de Bir 'Ayûb, « le puits de Job » (flg. 238) était communément tenu pour l’antique « fontaine de Rogel ». Rbbinson en 1841, Williams, Schulz, Kraft en 1845 et 1846, Tobler en 1853, Thrupp en 1855, Lewin et Sepp en 1863, de Vogué en 1865 et plusieurs autres le reconnaissaient encore comme tel. Ce sentiment pouvait se réclamer de trois principaux arguments, fondés sur le nom particulier de la fontaine, la description de la limite de Juda et Benjamin, de Josué, et la tradition locale. — 1. On connaît deux sources, dans les vallées au sud de Jérusalem et du Temple : Bir 'Ayûb et la fontaine appelée aujourd’hui 'Aïn Ummel-Deradj, « la fontaine des Degrés » et par les Européens, la fontaine de la Vierge, située à 650 mètres au sud de la première. Celle-ci est toujours appelée dans les écritures et dans les récits de Josèphe « la fontaine de Siloé ». Son canal et son issue en sont désignés sous le même nom ou sous celui de Gihon. Nulle part on ne trouve que c’est la même fontaine qui est nommée, dans les livres anciens « la fontaine de Rogel ». Il faut donc reconnaître que celle-ci est une source différente. — 2. Deux fois Josué nomme « la fontaine de Rogel » : « La limite [de Juda] passe aux eaux de 'En-SéméS et arrive à 'ËnRôgêl ; et [de là], la frontière monte la vallée de BenRinnom, au côté du Jébuséen, au midi, c’est-à-dire de Jérusalem, » xv, 7-8. Reprenant le même tracé en revenant de l’ouest, xvtii, 16-18 : « La frontière [de Benjamin]… descend, dit-il, Gè-Hinnom, au côté du Jébuséen, au midi, et arrive à 'Ên-Rôgêl ; et elle tourne, MttN, au nord et parvient à 'Ên-SémeS. » Bîr 'Ayûb

se trouve précisément au sommet du coude que doit décrire la frontière en arrivant à l’extrémité de Vouâd' er-Rebâby, l’ancienne Gê-Hinnom, pour remonter la vallée du Cédron et aller prendre 800 mètres plus haut, 250 au-dessus de la « fontaine des Degrés », en fléchissant vers l’est, le col au sud du mont des Oliviers par où elle descendra à 'Aïn el-Blaûd ÇÊn-Sémés'). — 3 « L’ancienne version arabe éditée par Walton, où souvent les noms bibliques sont remplacés parles noms arabes qui les ont supplantés, au lieu de 'Ên-Rôgêl porte Jos., xv, 7 : 'Aïn 'Ayûb. — Le plan de Jérusalem de Marin Sanut, publié dans les Gesla Dei per Francos, de Bongars, et celui de 1308, donné par M. de Vogué, dans les Églises de la Terre Sainte, Paris, 1868, par la place assignée à la * fontaine de Rogel, » désignent indubitablement Bîr 'Ayûb. Voir t. iv, fig. 473 et 474, col. 1783 et 1784 ; la description anonyme du xiie siècle reproduite en appendice par M. de Vogué, Ion. cit., p. 247 ; Fretellus, t. clv, col. 1048 ; Jean de Wurzbourg, ibid., col. 1072 ; Burchard, édit. Laurent, Leipzig, 1863) p. 69-70, etc. ; Antonin de Plaisance, vers 670, ltineraro’tttn, 32, t. lxxii, col. 910. Eusèbe parle de « la piscine de Foulon », certainement voisine de la fontaine, si, elle n’est elle-même la fontaine, au mot ©açs6. Onomasiicon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 216. Josèphe mentionne, Ant. jud., IX, x, 4, r t xœXoujiivii 'Epu>Yrj, près de laquelle, à l’occident, est une montagne, située elle-même devant la ville, 7tpô ttj ; tiô/.êm ; , et à l’ouest du jardin du roi. Érogé est évidemment Enrogel, « la fontaine du jardin du roi », près de laquelle Adonias offrit un banquet à ses partisans. Ibid. VII, xiv, 4. Tel est le sentiment général des anciens.

2° Opinion moderne. — Les archéologues modernes préfèrent au Bir 'Ayûb la fontaine dite Umm edDeradj « là fontaine des Degrés » ou de la Vierge. — M. Clermont-Ganneau ayant entendu, en 1870, un fellah de l’endroit désigner du nom de Zûheiléh le quartier rocheux qui est au nord du village de Silôân et directement en face, à l’est, de « la fontaine des Degrés », en conclut que celle-ci est l’En-Rogel des anciens. La plupart des savants paraissent aujourd’hui favorables à cette identification nouvelle et la défendent par les arguments suivants : — 1. La fontaine de Rogel, selon I (III) Reg., i, 9, était « à côté de la pierre de Zohéleth. » Or, Zûheiléh est évidemment la Zohéleth biblique : la fontaine de Rogel qui était à côté ne peut donc être que 'Aïn Umm ed-Deradj, située de l’autre côté de la vallée et en face de Zûheiléh, à moins de cent mètres de distance. Clermont-Ganneau, dans Pal. Expl. Fund, Quarterly Stalement, 1870, p. 252-253 ; The Survey of Western Palestine, Jérusalem, p. 293-294. Cet argument est le principal. — 2. Le Bir 'Ayûb n’est pas une « fontaine », en, 'aïn ; c’est un « puits », bîr. Ce n’est point de lui dont il peu^ être question. Fr. Liévin de Hamme, Guide indicateur de la Terre Sainte, 3e édit., Jérusalem, 1887, p. 382. P. Barnabe Meistermannn, La ville de David, p. 114, 118 ; Nouveau Guide, p. 173. — 3. Il n’y avait à Jérusalem qu’nne seule fontaine permanente, c’est ce qu’atteste Tacite, Hist., v, 12. Or, la seule fontaine désignée comme telle par toute l’antiquité c’est la fontaine de Siloé ou de la Vierge. C’est donc bien elle aussi qui est la fontaine de Rogel. — 4. Lors d’une grande sécheresse qui dura cinq ans (513-518), le patriarche Jean (III), raconte Cyrille de Scythopolis, fit creuser dans le torrent de Siloé, près de la colonne Saint-Côme, sur le chemin de la grande Laure ou de Saint-Sabas, un puits profond de 40 toises. Vila S. Sabæ, édit. Cotelier, Paris, 1686, p. 334. Ces indications conviennent fort bien au Bîr 'Ayûb, et comme il n’est jamais question d’un puits dans ces parages avant le vie siècle, il n’est pas permis de soutenir que