Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/544

Cette page n’a pas encore été corrigée
1069
1070
RÉSURRECTION DES MORTS


été détruits par le désert, et ceux qui ont été engloutis par les poissons de la mer et par les bêtes, afin qu’ils reviennent et qu’il s’appuient sur le jour de l'Élu ; car il n’y a rien qui périsse devant le Seigneur des esprits, et il n’y a rien qui puisse périr. » Hénoch, lxi, 5. « Alors les justes surgiront de leur sommeil, la sagesse se lèvera aussi et leur sera donnée. » Hénoch, xci, 10 ; cf. xcii, 3 ; c, 5. L’ange Remeiel est préposé par Dieu aux ressuscites. Hénoch, xx, 8. Ces passages doivent s’entendre d’une résurrection générale aussi bien des Gentils que des Israélites, bien que dans d’autres parties du livre, dû à des auteurs différents, la résurrection corporelle soit restreinte aux justes et à certaines catégories de Gentils. Gf. Fr. Martin, Le livre d' Hénoch, Paris, 1906, p. xxxvxxxvii. — La résurrection des justes est encore affirmée dans le Psautier de Salomon, antérieur d’environ un demi-siècle à Jésus-Christ. Les justes ressusciteront, mais les méchants, ou seront détruits, ou, plus probablement, ne ressusciteront pas « pour la vie ». Psalt. Salom., iii, 16 ; xiv, 2, etc. Cf. Touzard, Le développement de la doctrine de l’immortalité, dans la Revue biblique, 1898, p. 240. — Plus tard, la doctrine de la résurrection générale est encore professée dans VApocalypsede Baruch, xxx, 1-5 ; l, 1 ; 'li, 6 ; IV Esd., vii, 32 ; le Testament des XII patriarches, Juda, 25 ; Benjamin, 10. Mais il se peut que ces apocryphes aient déjà subi l’influence chrétienne. — Philon, contemporain de JésusChrist, s’en tient à peu près aux données des apocryphes. Il ignore la résurrection des corps et, quant aux âmes, s’il croit fermement à l’immortalité des âmes des justes, il dit seulement que les âmes des méchants sont déjà comme mortes en ce monde. Cf. J. Martin, Philon, Paris, 1907, p. 247-254.

A l'époque qui précède immédiatement l'Évangile, la croyance à la résurrection se présente donc sous la forme suivante : les Israélites, fidèles ou infidèles, ressusciteront dans leur corps avant le dernier et solennel jugement ; en attendant, leur âme séparée du corps peut avoir à subir une expiation dont l’exemptent plus ou moins les prières des vivants. Quant à ceux qui ne sont pas Israélites, ils subiront le jugement divin et il est à croire qu’eux aussi ressusciteront dans leur corps. II. Dans i.e Nouveau Testament. — 1° Doctrine de Notre-Seigneur. — Le Sauveur déclare que son Père lui a donné le pouvoir de juger les hommes, en sa qualité de Fils de l’homme. Il ajoute, en s’adressant aux Juifs : « Ne vous en étonnez donc pas ; car l’heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix. Et ils en sortiront, ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie ; ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de condamnation. » Joa., v, 28, 29. Ici, plus de différence entre Juifs et Gentils ; « tous ceux qui sont dans les sépulcres, » par conséquent, tous les morts, ressusciteront pour être jugés. Dans sondiscours sur le pain de vie, Notre-Seigneur promet de ressusciter lui-même au dernier jour celui qui croira « n lui, Joa., vi, 39, 40, celui qui obéira à l’appel et à Ja grâce du Père, Joa., vi, 44, et celui qui se nourrira du pain eucharistique. Joa., vi, 54. Ceux que le Sauveur ressuscitera « lui-même » ressusciteront « pour la vie ». Cette affirmation n’exclut pas celle qui précède, sur la résurrection des méchants. Celui qui fait du bien aux pauvres aura sa récompense « à la résurrection des justes, » Luc, xiv, 14 ; car, à celle des méchants, il n’y aura que des châtiments. À Marthe, qui atteste sa foi en la résurrection du dernier jour, Notre-Seigneur déclare qu’il est lui-même « la résurrection et la vie, » c’est-à-dire le principe de la résurrection pour ceux qui auront cru en lui. Joa., xi, 25. Avant le dernier jugement, « il enverra ses anges avec une trompette et une voix puissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, des hauteurs des cieux à leurs limites. » Matth., xxiv, 31 ; Marc, xiii ; 27. Puis, les bons seront placés à

droite et les méchants à gauche, et la sentence sera . prononcée selon les mérites de chacun. Matth., xxv, 32, 33, 46. Ces images supposent que le souverain Juge fait comparaître devant lui tous les hommes en corps et en âme. Elles ne prouvent pas à elles seules qu’il en sera ainsi, mais elles s’harmonisent parfaitement avec les autres déclarations qui les complètent.

2° La négation des Sadducéens. — Dans les derniers jours de sa vie, Notre-Seigneur fut abordé par des sadducéens, « qui nient la résurrection. » Ces sectaires n’admettaient ni l’immortalité de l'âme, ni les châtiments et les récompenses de l’autre vie, et ils prétendaient que les âmes périssent avec les corps. Cf. Josèphe, Bell, jud., II, viii, 14 ; Ant. jud., XVIII, i, 4. « Encore que les Juifs eussent dans leurs Écritures quelques promesses des félicités éternelles, et que vers les temps du Messie, où elles devaient être déclarées, ils en parlassent beaucoup davantage, comme il parait par les livres de la Sagesse et des Machabées, toutefois cette vérité faisait si peu un dogme formel et universel de l’ancien peuple, que les sadducéens, sans la reconnaître, non seulement étaient admis dans la Synagogue, mais encore élevés au sacerdoce. » Bossuet, Disc, sur l’hisl. univers., Il, 19, édit. Bar-Ie-Duc, 1870, t. ix, p. 467. Pour justifier leur négation, ils avaient imaginé un cas qu’ils croyaient insoluble et péremptoire contrela résurrection : Une femme a successivement épousé sept frères ; si l’on ressuscite, duquel des sept serait-elîe l'épouse ? La difficulté eût été la même avec deux époux successifs ; mais en compliquant le cas, les sadducéens pensaient fortifier leur argument. Notre-Seigneur renverse d’un mot leur échafaudage, en leur faisant observer que les hôtes du ciel deviennent comme les anges de Dieu, par conséquent immortels et dégagés des liens de la matière ; ils n’ont donc pas à contracter ou à renouer des unions qui ont pour but la propagation de l’espèce humaine, puisqu’au ciel cette propagation n’a pas de raison d'être. Le coté négatif de la thèse sadducéenne ainsi écarté, le Sauveur passe à la démonstratation positive de la résurrection. L’argument choisi est emprunté aux paroles du Seigneur à Moïse : « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. » Exod., iii, 6. Or, conclut le Sauveur, « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants. » Matth., xxii, 23-33 ; Marc, xii, 18-27 ; Luc, xx, 27-40. Saint Jérôme, In Matth., iv, 22, t. xxvi, col. 165, observe que Notre-Seigneur aurait pu citer des textes beaucoup plus probants, par exemple, Is., xxvi, 19, et Dan., xii, 2 ; mais il prétend que Notre-Seigneur pris un texte de l’Exode parce que les sadducéens n’ao. mettaient dans l'Écriture que le Pentateuque. Cette assertion, empruntée à Origéne, et reproduite par les Philosophumena, IX, 29, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 469, et d’autres, ne s’appuie sur aucun témoignage authentique et ne peut être considérée comme exacte, d’après Schiirer, Geschichte des jûdisch. Volket, t. ii, p. 411, 412. Ce qui est vrai, c’est que les sadducéens n’admettaient que les pratiques prescrites par la Loi et rejetaient celles qu’avaient introduites les docteurs. Puisqu’ils connaissaient si bien la Loi, ils auraient dû remarquer le texte si mémorable que Notre-Seigneur signale à leur attention, et c’est pourquoi ce texte leur est cité. La valeur de l’argument venait de ce que le Seigneur n’a pas dit : « J’ai été le Dieu d’Abraham, » mais « Je suis le Dieu d’Abraham. » Comme Dieu n’est que le Dieu des vivants, il suit de là qu’Abraham, Isaac et Jacob sont encore vivants, non par leur corps, qui est au sépulcre, mais par leur âme. Or l’immortalité de l'âme entraînait, pour les Juifs, la résurrection future du corps, comme le donne à conclure le texte II Mach., xii, 43-46. Si cette manière d’argumenter peut paraître manquer de rigueur, c'était celle des Juifs. Notre-Seigneur se met à leur portée ; il est compris et sa démonstration est