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RÉDEMPTION


Le fût-elle, la même formule est répétée dans saint Luc à propos du sang ; par conséquent, l’idée de rédemption est aussi formellement exprimée par saint Luc que par les deux autres synoptiqnes. Il faut aussi faire entrer ici en ligne de compte le récit de saint Paul, qui se fait évangéliste pour raconter la dernière Cène. Son récit a d’autant plus d’importance que lui-même l’a reçu àitb to-j Kupîou, « du Seigneur ». I Cor., xi, 23. Les anciens commentateurs et beaucoup de modernes admettent qu’il s’agit ici d’une révélation immédiate. La préposition âitô a très souvent ce sens : [/.ciŒte ait ' è|xou, « apprenez de moi ». Matth., xi, 29 ; cf. Act, , ix, 13 ; Col., i, 7 ; iii, 24 ; I Joa., i, 5, etc. Cf. Cornely, In J ad Cor., Paris, 1890, p. 335-336. Saint Paul rapporte ainsi l’institution de. l’Eucharistie : « Le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit et dit : Ceci est mon corps, pour vous (ou : qui est rompu pour vous) ; faites ceci en mémoire de moi. De même, après avoir soupe, il prit le calice et dit : Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang ; toutes les fois que vous en boirez, faites ceci en mémoire de moi. » I Cor.. xi, 23-26. D’après saint Luc et saint Paul, le corps est « donné pour vous », ou simplement « pour vous » ; d’après saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, le sang est « versé pour beaucoup » ou « pour vous », ÛTtÈp TtoVAwv ou û(iûv, ou 7tEpl nn&v. Les prépositions , -ùitÉp et itepi précèdent en grec le nom de la personne en faveur de qui se fait une chose. On meurt ùirép tivôç, « pour quelqu’un », Sophocle, Trach., 708 ; Euripide, Bec, 314 ; Platon, Conviv., 1796 ; on court un danger itepî-uvô ; . Hérodote, viii, 74. Le sang versé pour beaucoup, c’est donc la vie donnée et sacrifiée pour eux. Dans les textes grecs, le participe est au présent, l-/.yyw61.piov, « versé », d’où il suit que cette effusion du sang se fait dans le sacrifice eucharistique lui-même, mais n’y est possible que si ce sang a été versé effectivement dans le sacrifice de la croix. La Vulgate remplace le présent par le futur : quod pro vobis tradelur, « qui sera livré pour vous », I Cor., xi, 24, qui pro niultis eftundetur, « qui sera versé pour beaucoup », Matth., xxvi, 27 ; Marc, xiv, 24, ou, qui pro vobis fundelur, « qui sera versé pour vous ». Luc, xxii, 20. La formule liturgique du canon de la messe est aussi au futur : pro vobis et pro mullis effundetur, « qui sera versé pour vous et pour beaucoup ». L’effusion du sang est alors rapportée au sacrifice de la croix, avec lequel le sacrifice de la messe est étroitement uni. Enfin saint Matthieu ajoute à la formule les paroles « pour la rémission des péchés, » qui caractérisent encore plus nettement la valeur expiatrice du sacrifice de Jésus-Christ. Dans tous ces textes, la mission rédemptrice est l’objet des affirmations les plus positives, sous les formes variées. Il serait contraire à toute critique de [n’y voir qu’une idée mentionnée en passant, ou même introduite après coup dans la contexture des Évangiles. Tout peut donc se résumer dans la parole proférée par le Sauveur à l’occasion de la requête des fils de Zébédée : « Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie pour la rançon, Vitpov, redemptio, d’un grand nombre. » Matth., xx, 28 ; Marc, x, 45.

3° Dans les Actes. — Saint Pierre montre Jésus « livré en vertu d’un dessein arrêté par la prescience de Dieu, » Act., ii, 23 ; il l’appelle « sauveur » exalté par Dieu. Act., v, 31. Philippe explique au ministre de la reine Candace le chapitre lui d’Isaïe en l’appliquant à Jésus-Christ. Act., viii, 30-35. Saint Pierre dit au centurion Corneille que tous ceux qui croient en Jésus doivent « recevoir la rémission des péchés en son nom. » Act., x, 43. Saint Paul répète la même affirmation. Act., xiii, 38, 39 ; xxvi, 18. Ces quelques indications laissent entrevoir que la prédication des

Apôtres, sur la question de la rédemption, se conformait aux données consignées plus tard dans les Évangiles.

4° Bans saint Paul. — La doctrine de l’Apôtre sur la rédemption peut se ramener aux points suivants :

1. Dieu nous a réconciliés avec lui par son Fils. Rom., v, 10 ; II Cor., v, 18-19 ; Eph., ii, .4-16 ; Col., i, 19-23 ; ii, 13, 14 ; I Thés., i, 10. Voir Réconciliation, col. 1005. —

2. Dieu a satisfait aux exigences de sa justice à notre égard en sacrifiant son Fils. « C’est lui que Dieu a montré comme victime propitiatoire par son sang au moyen de la foi, afin de manifester sa justice. » Rom., iii, 25. a. En envoyant, pour le péché, son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché, il a condamné le péché dans la chair, afin que la justice de la loi fût accomplie en nous. » Rom., viii, 3, 4. Il « n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré à la mort pour nous tous, » Rom., viii, 32, « il l’a faitpéché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. » II Cor., v, 21 ; cf. Gal., iii, 13. Jésus-Christ « a été livré pour nos offenses. » Rom., iv, 27 ; cf. Is., lui, 4, 5. — 3. Le Sauveur s’est livré lui-même pour nous. Il s’est « fait pauvre pour nous, afin de nous enrichir de sa pauvreté, » II Cor., viii, 9 ; « il s’est humilié, il s’est soumis jusqu'à la mort, et la mort de la croix, » Phil., h, 8 ; « il est mort pour nous, » I Thés., v, 10 ; « il est mort pour tous, » II Cor., v, 15 ; « le Christ, au temps marqué, est mort pour les impies… Lorsque nous étions encore des pécheurs, Jésus-Christ est mort pour nous. » Rom., v, 6, 8, 9. Il s’est livré pour son Église, Eph., v, 25-26, et pour chaque âme en particulier. Rom., xiv, 15 ; I Cor., viii, 11 ; Gal., ii, 20 ; I Tim., i, 15, Il « nous a aimés et s’est livré lui-même à Dieu pour nous en oblation et en sacrifice d’agréable odeur. » Eph., v, 2. « Le Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Écritures, » I Cor., xv, 3 ; " « il s’est donné lui-même pour nos péchés. » Gal., i, 4. En disant que Jésus-Christ est mort pour nous, qui étions des impies et des pécheurs, et que Dieu l’a fait péché et l’a livré à la mort, afin que sa justice fût manifestée, saint Paul fait entendre que l’injuste seul méritait le châtiment, et que le juste ne l’a subi que par substitution. Or, dans tous ces passages de ses Épifres, l’Apôtre, au lieu d’employer la proposition qui indique la substitution, àvT ! , « à la place de », se sert toujours de ûirip, « pour ». C’est que cette seconde préposition marque mieux l’intention du Sauveur, la fin qu’il se propose expressément en mourant pour nous. De plus, les anciennes victimes étaient bien immolées àv-ri, « à la place » des coupables ; mais c’est tout ce qu’elles pouvaient faire. Le Sauveur ne se contente pas de mourir « à la place » des coupables ; I Tim., ii, 6 ; il meurt « pour » eux, c’està-dire que, par sa mort volontaire, non content de se substituer à nous et de nous soustraire au châtiment, il nous assure encore les plus grands biens. Rom., viii, 32. — 4. Par sa mort, Jésus-Christ a efficacement assuré notre rédemption. Rom., iii, 24 ; v, 9, 10. Ce rachat a été opéré « à grand prix, » I Cor., vi, 20 ; vii, 22, 23, car le Fils de Dieu « s’est donné lui-même pour notre rançon. » I Tim., ii, 6. Il nous a délivrés de la servitude du péché, Col., 1, 14 ; Eph., i, 7 ; Tit., ii, 14 ; de celle de la loi mosaïque, Rom., vii, 4 ; Gal., iii, 13 ; iv, 5 ; decelle de Satan, II Tim., ii, 26 ; Col., ii, 15, et de celle de la mort. II Tim., i, 10. Par contre, il nous a donné la vie.I Thess., v, 10 ; Col., ii, 13 ; II Cor., v, 15. — 5. Les idées de saint Paul sur la rédemption ont leur expression encore plus complète dans l'Épltre aux Hébreux, qui traite spécialement du sacerdoce et du sacrifice de Jésus-Christ. Le Sauveur est venu « dans la chair et le sang, afin de briser par sa mort la puissance de celui qui a l’empire de la mort, afin d'être un Pontife miséricordieux et qui s’acquittât fidèlement de ce qu’il faut auprès de Dieu pour expier les péchés du peuple. »