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RAPHIDIM


d’après l’Exode, le pays de Raphidim, qui, comme nous avons vii, veut dire « halte ou lieu de repos », semble bien comprendre la région où le peuple d’Israël ne trouva point d’eau et celle où il campait après la défaite des Amalécites. Eusèbe et saint Jérôme, en effet, indiquent à Raphidim tant l’événement de l’eau miraculeuse que la défaite infligée par Josué à Amalec, et retendent jusqu’à Pharan, l’ancienne ville épiscopale de l’oasis Feiran. Onomasticon, t. xxiii, col. 916. Àntonin le Martyr, Itinerarium, 40, P. L., t. lxxii, col. 912, est du même, avis, quoique sa description soit un peu confuse dans les détails. Cosmas Indicopleuste, Topographia christiana, v, t. lxxxviii, col. 200, localise justement Raphidim à Pharan ; mais après avoir fait aller Moïse avec les anciens du peuple d’Israël jusqu’au mont Choreb, c’est-à-dire au Sinaï, qui selon lui est distant seulement de six milles de Pharan, pour y opérer le miracle des eaux au bénéfice d’Israël, il localise dans ce même endroit la défaite

222. — Le rocher de Hésl el-Khattatin.

d’Amalec et la visite de Jéthro. Un pareil manque de précision s’explique aisément dans la description de ce marchand devenu moine, qui n’avait pas assez bien saisi le sens de l’Exode, xvii, 6. Nous nous dispenserons de relater les témoignages d’autres pèlerins plus récents, parce qu’ils sont presque tous d’accord, même ceux qui transportent au mont Horeb le théâtre du prodige des eaux que fit jaillir Moïse.

Les témoignages des pèlerins et des écrivains qui placent Raphidim à Feiran sont appuyés par le témoignage des monuments archéologiques chrétiens. A l’époque de la Peregrinatio Sylvise le Djebel Tahounéh, qui se dresse à l’entrée de l’oasis de Feiran, était couronné d’une église pour perpétuer la mémoire de l’endroit où Moïse se tenait en prière pendant la fameuse bataille, Exod., xvir, 8, qui amena la défaite d’Amalec. Antonin le Martyr, loc. cit., parle d’une ville près de laquelle eut lieu la bataille, et où se trouvait un oratoire dont l’autel était bâti sur les pierres qui servirent d’appui à Moïse priant pendant le combat. Les premiers chrétiens rattachèrent donc à la ville épiscopale de Pharan, qui s’élevait à l’entrée occidentale de l’oasis, le souvenir des mémorables événements qui avaient eu lieu à Raphidim. On voit encore au jourd’hui à Pharan les ruines de nombreuses églises et chapelles, de monastères, de cellules et de tombeaux. Cf. S. Nil, Narratio M, t. LXXix, col. 620. La plupart des maisons bâties dans l’oasis avec les débris de bâtiments plus anciens semblent remonter au xii « siècle. Parmi les débris qui jonchent le sol, les explorateurs anglais ont trouvé un chapiteau de grès sur lequel on voit un homme vêtu d’une tunique et les bras levés dans l’attitude de la prière, c’est-à-dire tel que l’Exode, xvii, 11, nous représente Moïse pendant la bataille de Raphidim. Cf. E. H. Palmer, The désert of the Exodus, t. i, p. 168. Un bas-relief, placé au-dessus d’une porte et divisé en trois compartiments, représente aussi trois personnages dans une attitude semblable. On comprend sans peine que les habitants de Raphidim aient aimé à représenter par la sculpture la principale scène du grand acte auquel ces lieux étaient redevables de leur célébrité. De plus, la topographie des lieux concorde parfaitement avec le récit de l’Exode, comme on le verra plus loin.

II. Description. — L’ouadi Feiran est la vallée la plus longue et la plus importante de toute la péninsule. Elle reçoit le nom de Feiran au nord-est de la chaîne du Serbal ; mais de fait, elle n’est que le prolongement de l’ouadi Sclieikh qui prend naissance aa mont Sinaï, décrit une grande courbe au nord, traverse l’oasis de Feiran, et après avoir pris la direction du nord-ouest, elle se dirige vers le sud-ouest, et va aboutir dans la mer Rouge à travers la plaine d’ei-Qaah. La vallée est tantôt large comme le lit d’un grand fleuve, tantôt resserrée entre des rochers souvent perpendiculaires, formant d’étroits déniés, avec des tournants brusques et inattendus qui varient l’aspect du paysage à l’infini. Aux roches crayeuses succèdent des calcaires plus durs, puis le grès bigarré et le granit traversé du nord au sud de filons réguliers de porphyre rouge et de diorite noir. Le sol sablonneux n’est couvert que d’une maigre végétation. Les flancs de l’ouadi Feiran sont fréquemment entrecoupés par des vallées latérales. Un peu plus d’un kilomètre à partir d’une de ces vallées, l’ouadi Umm ïus, et après avoir rencontré à droite des inscriptions nabatéennes, le voyageur voit apparaître à gauche devant le Djebel Sulldh un énorme rocher de granit détaché de la montagne qui semble vouloir barrer le chemin. C’est le Hési el-Khattatin, le rocher traditionnel d’Horeb ou de Raphidim (fig.222). Les méandres de la gorge aride s’accentuent de plus en plus pendant la marche d’une heure jusqu’à l’oasis A’el-Kessuéh, le Raphidim de la Peregrinatio Sylvise, où le sol se couvre d’une belle végétation ; partout poussent de hautes herbes au milieu de bouquets de tamaris, de nebqs et de seyals ; et de multiples filets d’eau claire entretiennent une fraîcheur délicieuse. À une heure A’el-Késsuéh on arrive à la pittoresque vallée A’Aleyât, qui, encaissée dans des pics de granit, débouche à droite dans l’ouadi Feiran. C’est le lieu très probable de l’attaque d’Israël contre les Amalécites qui venaient lui barrer le passage dans l’oasis de Feiran. En effet, à ce point l’ouadi Feiran débouche, entre le Djebel Tahunéh à gauche et le petit Djebel Meharret à droite, dans l’oasis de Feiran, nommée à bon droit « la perle du Sinaï », parce que tout y est gai, riant, animé ; c’est vraiment « le paradis terrestre des Bédouins ». À l’entrée occidentale de l’oasis s’élevait jadis la ville épiscopale de Pharan dont le nom rappelle le vaste désert qui s’étend au nord de la presqu’île sinaïtique, appelé aujourd’hui et-Tih, Voir Pharan, col. 187. Puisque le nom de Pharan ou Paran, Ebers, Durch Gosen zum Sinai, 2e édit., p. 414, signifie « un pays montagneux sillonné et déchiqueté par des ravins », il convenait aussi bien à cette localité qu’au désert A’et-Tîh. Les Arabes pourtant ont transformé le mot Pharan en celui de Feiran