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RAHAB — RAHABIA


l’un et l’autre par les circonstances extraordinaires dans lesquelles elle se trouvait. Le mensonge était regardé par les peuples païens comme une chose insignifiante, et Rahab croyait avoir une raison grandement suffisante d’y recourir. Cf. S. Augustin, Cont. mendac, xv, t. xl, col. 540. Si elle abandonna son peuple pour se ranger du côté des Hébreux, ce fut par suite d’une lumière supérieure, qui lui montra que le Dieu d’Israël était l’unique vrai Dieu. Voir P. Keil, loc. cit.

Le motif de sa conduite si étonnante envers les ennemis de ses compatriotes a donc consisté dans un mouvement de foi très vive, comme on le voit par le langage qu’elle tint à ses hôtes, Jos., ii, 9--11 : « Je sais que le Seigneur (dans l’hébreu, « Jéhovah » ) vous a livré ce pays… Nous avons appris qu’à votre sortie d’Egypte le Seigneur (encore « Jéhovah » ) a desséché devant vo-us les eaux de la mer Rouge…, car le Seigneur ( « Jéhovah » ) votre Dieu est Dieu en haut dans les cieux et en bas sur la terre. » Ce n’est donc pas en vainque l’Épltre aux Hébreux, xi, 31, 1a range parmi les héros de la foi, et dit à son sujet : « C’est par la foi que Rahab la prostituée ne périt point avec les rebelles — c’est-à-dire avec les habitants de Jéricho demeurés incrédules — parce qu’elle avait reçu les espions avec bienveillance… » D’un autre côté, saint Jacques, ii, 25, la loue d’avoir été <s. justifiée par les œuvres, lorsqu’elle reçut les messagers et les fit partir par un autre chemin. » Ce langage des deux écrivains du Nouveau Testament, comme celui de Rahab elle-même, suppose d’une manière évidente une conversion sincère de l’ancienne meretrix, sous le rapport religieux et moral. Aussi a-t-on supposé très souvent, et avec raison, croyons-nous, qu’elle ne tarda pas à accepter entièrement les croyances et la religion des Hébreux. Il n’est guère probable qu’un chef de la tribu de Juda, Booz, l’eût épousée (voir ci-dessous), si elle était demeurée païenne. Cf. H. Ewald, Geschichte des Volkes Israël, in-8°, 2e édit., t. ii, p. 246. Aussi les Pères voient-ils volontiers dans cette femme le type des nations païennes qui se convertirent plus tard au christianisme ; on l’a nommée en ce sens primitise gentium. Cf. J. Grimm, Geschichte der Kindhêit Christi, in-8°, 2e édit., Ratisbonne, 1890, p. 198-200. Les anciens Docteurs de l’Église, à la suite du pape saint Clément, I Cor., , xii, t. i, col. 231, aiment aussi à faire un usage allégorique de l’histoire de Rahab. Ils se complaisent surtout à tirer parti de la corde écarlate dont elle se servit pour rendre sa maison facile à reconnaître, Jos., Il, 21. Cette corde représenterait d’après eux, comme s’exprime saint Clément, loc. cit., « la rédemption qui aura lieu, par le sang du Seigneur, pour tous ceux qui croient et qui ont confiance en Dieu. » S. Justin, Contra Tryph., cxi, t. vi, col. 733 ; S. Irénée, Adv. hwr.. iv, 20, t. vi, col. 1043 ; Origène, Helecta in Jesum Nave, hom. iii, t. xii, col. 820 ; S. Jérôme, Adv. Jovinian., i, 23, t. xxiii, col. 243, et Epist. LU, ad Nepotian., iii, t, xxii, col. 530. Voir F. de Hummelauer, Josue, Paris, 1903, p. 118-119.

Non seulement Rahab est devenue membre de la nation théocratique et a mérité d’être louée pour sa foi, mais elle a eu encore l’honneur incomparable de compter parmi les ancêtres du Messie, et d’être citée exceptionnellement comme son aïeule, dans sa généalogie officielle, avec trois autres femmes qu’on est tont d’abord surpris d’y rencontrer aussi : Thamar, Ruth et Bethsabée. En effet, nous lisons Matth., i, 5 : « Salmon engendra Booz, de Rahab. » Cf. Luc, iii, 32. Celle-ci avait, donc épousé, comme nous l’apprend aussi d’une manière indirecte un passage de l’Ancien Testament, Ruth, iv, 21, Salmon, fils de Naasson, qui était prince de la tribu de Juda durant les pérégrinations des Hébreux à travers le désert, cf. Num., vii, 12, et par lui

elle devint la mère de Booz, l’aïeule de David. Peutêtre, comme on l’a souvent conjecturé, Salmon était-il l’un des deux explorateurs sauvés par elle ; de la sorte, on comprend qu’il ait voulu lui témoigner sa reconnaissance, en l’épousant quelque temps après. En tout cas, cette union n’a rien d’invraisemblable en elle-même. C’est aussi en vertu d’une hypothèse injustifiable qu’on a parfois prétendu qu’il s’agirait, dans les trois arbres généalogiques que nous avons cités, d’une autre Rahab que celle du livre de Josué. Voir le professeur hollandais G. Outhov, dans l’ouvrage Bibliotheca Bremensis litter. philolog., theolog., p. 438-439. On affirme que la’Pa^àê de Matth., i, 5, ne saurait être la même que la’Paâ6 des Septante, de l’Épltre aux Hébreux, et de saint Jacques ; mais cette difficulté philologique disparaît, lorsqu’on voit Josèphe, Ant. jud., V, xi, 15, appeler la Rahab du livre de Josué tantôt’Paxiëïi, tantôt’Pixitr, .

Rahab dans les écrits rabbiniques. — On conçoit que les anciens écrivains juifs fassent le plus brillant éloge de celle qui avait rendu un si éminent service aux Hébreux, à un moment critique de leur histoire. Quelquefois ils lui font épouser, contrairement aux textes cités plus haut, non pas Salmon, mais Josué lui-même. Voir Megill., ꝟ. 14, 2 ; Kohélelh Rabba, viii, 10, dans A. Wûnsche, Bibliotheca rabbinica, der Midrasch Koheleth, in-8°, Leipzig, 1880, p. 116 ; Juchasin, x, 1. Wetsteiri, Novum Testam. grsscum, in Matth., i, 5. À en croire les rabbins, il y aurait eu jusqu’à huit prophètes parmi ses descendants, entre autres Jérémie et Baruch, sans compter la prophétesseHolda.Cf. Lightfoot, Horse hebr. et talmud. in Matth., i, 5 ; Meuschen, Nov. Testam. ex Tàlmude illustratum, p. 40-43 ; A. Wûnsche, Neue Beitràge zur Erlâulérung der Evangelien aus Talmud und Midrasch, in-8°, Gœttingue, 1878, p. 3-4. Au dire de Josèphe, Ant. jud., V, i, 7, Josué lui aurait douné un territoire qui lui appartenait en propre. On lui attribuait aussi différentes bonnes œuvres. Voir F. Weber, System der altsynagogalen palàstinischen Théologie., in-8°, Leipzig, 1880 ; p. 318. L. Fillion.

2. RAHAB (hébreu : Rahab ; Septante : ’P<zï6), nom symbolique dé l’Egypte. Ps. lxxxvii (lxxxvi), 4. Comme râhàb, Ps. XL (xxxix), 5, et rôhab, Ps. xc (lxxxix), 10, signifie « orgueilleux, orgueil, superbe », un certain nombre de commentateurs ont cru que ce surnom avait été donné à l’Egypte à cause de son orgueil, mais il est plus probable que rahab signifie un monstre marin et en particulier le crocodile, animal qui abonde dans le Nil et que c’est à cause de cette circonstance que Rahab est devenu l’emblème de l’Egypte. Rahab, dans le sens de monstre marin ( « le monstre impétueux », qui fait bouillonner les flots, de la racine rdhab, tumultuatus est) se rencontre cinq fois dans l’Ancien Testament, Job, ix, 13 ; xxvi, 12 ; Ps. lxxxvii, 4 ; lxxxix, 11 ; Is., xxx, 7. Quelques interprètes voient dans plusieurs de ces passages une allusion à l’Egypte, Job, xxvi, 12 ; Ps. lxxxix, 11 ; Is., xxx. 7. Certains exégètes qui découvrent volontiers des allusions mythologiques dans les livres de l’Ancien Testament ont cru en retrouver aussi dans le nom de Rahab, H. Gunkel, Schôpfung und Chaos, in-8°, Gœttingue, 1895, p. 30-40, mais tout ce qu’ils disent à ce sujet est pure hypothèse.

    1. RAHABIA##

RAHABIA (hébreu : Rehabyah, I Par., xxiii, 17 ; Rehabyahû, ! Par., xxiv, 21 ; xxvi, 25 ; « Yah a dilaté, » c’est-à-dire a rendu heureux ; Septante : ’Paëti ; Alexandrinus : ’Paa6câ, I Par., xxiii, 17 ; ’Paêia, I Par., xxiv, 21 ; ’Patêia ; , Alex. : "Paa61a « . 1 Par., xxvi, 21), fils unique d’Éliézer, de la tribu de Lévi. Il était petit-fils de Moïse et eut une nombreuse postérité,