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Joseph. Gen, , xxxix, 20 ; XL, 3 ; xli, 10. Nous en.avons assez dit pour montrer qu’à la Cour nombreuses étaient les fonctions militaires qui purent échoir à Putiphar. Lés expressions vagues de la Bible, d’une part, et, de l’autre, les mystères qui enveloppent encore la hiérarchie égyptienne ne permettent pas de faire un choix entre elles. Toutefois, si l’on peut marquer une préférence, ce serait pour le commandant des vétérans de la garde que Maspero, foc. cit., p. 24, et Brugsch, Die Aegyptologie, p. 213, identifient avec V &pxt.atax<XTayùla. f, dont il est si souvent question à l’époque ptolémaïque. Strack, Die Dynastie der Ptolemaër, 1897, p. 219, 246, 251, 252, 256, *257, 275 ; Grenfell, Greek Papyri, 1896, n. xxxviii, lig. 1, p. 69 ; n. xlii, lig. 1, p. 73.

II. Putiphar et Joseph. — Putiphar s’aperçut vite que le Seigneur était avec Joseph et qu’aux mains de celui-ci toutes choses prospéraient. Il le tira doncdu rang des esclaves, le mit à la tête de sa maison et en fit l’administrateur de tous ses biens. Maison et biens furent bénis à cause de Joseph, au point que Putiphar lui en abandonna la pleine direction, ne s’informant plus de rien avec lui, et n’ayant d’autre souci que de prendre sa nourriture. Gen.. xxxix, 3-6 ; cf. le texte hébreu. Moïse ne pouvait mieux exprimer la confiance absolue de Putiphar en son serviteur devenu le surintendant — le wakil moderne — d’une grande maison et de ses domai T nés. Voir Joseph, t. iii, col. 1657-1658 ; cf. Heyes, Bibel und Aegypten, t. i, p. 125-128. Putiphar, d’ailleurs, en jetant ainsi les yeux sur un, esclave étranger, restait dans la tradition des bords du Nil. Tout nous montre que l’Egypte ne fut jamais un pays fermé. Le mérite d’un étranger, même esclave, y était reconnu et mis à profit. Aux exemples déjà cités, voir Pha.ra.on, col. 202, on peut ajouter le sémite Jsaa premier officier de bouche de Thothmès I er. Wiedemann, Ëgyptian monuments at Dorpat, dans Proceedings, t. xvi, 1894, p. 154155 ; le juge Pa-Jmerui, « l’Amorite », dont la femme se nommait Karouna et dont les deux fils aux noms égyptiens étaient l’un, Ouser-min, prêtre, l’autre, Merina, le suivant et le porte-carquois de Thothmès III. Mariette, Catalogue d’Abydos, n » 1055. Et nous ne savons pas combien d’autres étrangers se cachent sous le nom égyptien qu’ils reçurent, à l’exemple de Joseph, Gen., xli, 45, en guise de lettres de naturalisation, au moment de leur élévation. Tous, en effet, n’imitent pas Ramsès-m-per-râ, le premier porte parole de Menephtah, qui se vantait d’être le chananéen.Ben-Matana, Mariette, loc. cit., n. 1136. On ne compte pas moins de sept fonctionnaires d’origine étrangère dans l’affaire de la conjuration contre Ramsès III. Cf. Deveria, Le Papyrus judiciaire de Turin, dans Mémoires et fragments, t. ii, 1897, p. 207, 209, 211, 213, 215, 218, 221 (Biblioth. égypt., ). Il faut y joindre un autre coupable signalé par le Papyrus Lee n" i, lig. 4. Deveria, loc. cit., p. 197. — Mais voici que Joseph fut sollicité par la femme de son maître et accusé du crime qu’il avait refusé de commettre. Gen., xxxix, 7-19. Putiphar s’indigna grandement et le fit jeter dans la prison où étaient détenus les prisonniers d’État : jï. 19-20. Ce traitement a paru trop doux à plusieurs et ils ont cherché à l’expliquer par le fait que Putiphar aurait eu des doutes sur la réalité des faits. Crellier, La Genèse, 1901, . p. 372, n. du y. 20, dans La Sainte Bible de Lethielleux. Il se peut que Putiphar ait eu ces doutes. Pourtant Moïse ne nous y fait guère songer quand il nous dépeint la colère de Putiphar devant l’accusation portée par sa femme contre Joseph. L’effet de cette colère va tout entier contre celui qu’il fait emprisonner en vertu de son droit de maître offensé et que, par suite, il paraît croire sim^ plement coupable. En tout cas, là se bornait son rôle et l’accusé tombail dès lors sous la juridiction de lajustice royale. À celle-ci revenait le soin de la procédure : enquête préliminaire, réunion du tribunal, interroga toire, audition, des témoins, , puis jugement, Capart, Esquisse d’une histoire du droit pénal égyptien, 1960, p. 15-32, extrait de la Revue de l’Université de Bruxelles, t. y, 1899-1900 février. Un papyrus de Bologne, qui date des Ramessides, contient un cas tout à fait semblable. Un esclave syrien s’est échappé du temple de Thot d’Hermopolis, Le maître, le grand prêtre Ramessou, charge son fils de retrouver le fugitif qui est livré à la justice. Celle-ci décidera de l’affaire dans ses grandes assises. Revillout, Notice des papyrus démotiques archaïques, 1896, p. 127-128 ; Mélanges de métrologie, 1895, p. 437-439. L’acte de Putiphar n’aboutissait donc qu’à la détention préventive, il ne préjugeait rien, , et il ne faut pas le mesurer à la peine réservée par la loi aux adultères. ! Moïse n’a pas jugé à propos de nous dire quel fut le résultat de la procédure contre Joseph. Il est probable que le crime ne fut pas établi ni son innocence complètement reconnue, pour une cause ou pour, l’autre, car il demeura en prispn, environ trois ans. Gen., xli, 1, 46. Gunkel, Die Genesis, 1901, p, 382-383, a prétendu, au contraire, qu’il, est à peine croyable qu’un esclave, sous l’accusation d’avoir attenté à l’honneur de sa maîtresse, ait été, mis en prison. Le châtier sévèrement, ou le rendre eunuque, ou l’appliquer à des travaux plus durs, ou le vendre, cela se concevrait encore ; mais le mettre en prison et se priverainsi de son travail, on ne l’imagine pas. C’est là un raisonnement en l’air. Il ne tient pas compte des lois égyptiennes relatives à l’adultère, à cet adultère si redouté devant le juge des morts et qui interdisait l’entrée du ciel, Pierret, Xe livre des morts, 1882, p, , 370. Aux anciennes époques, l’adultère était un crime capital., « Une femme dont le mari est éloigné te remet des écrits, dit le scribe Ani, t’appelle chaque jour si elle n’a pas de témoin. Elle se tient debout, jetant son filet, et cela peut être réputé crime digne de mort, même quand elle n’a pas accompli son dessein en réalité. » « C’est un homme qui court à la mort celui qui va auprès de la femme ayant un mari, » dit un papyrus du Louvre. Revillout, Notice, p. 210. Au Papyrus Weslcar, « la Majesté, du roi de la haute et de la basse Egypte, Na.bka, à la voix juste, fit conduire la femme (adultère) d’Ouabou-anir au côté nord du palais ; on, la brûla et on jeta ses cendres au fleuve. » Maspero, Les contes populaires, 3° édit., p. 27. Ce n’est que bien plus tard et sous l’influence des étrangers que s’adoucirent les peines contre l’adultère. Vers l’époque romaine, « elles condamnaient celui qui avait fait violence à une femme libre à la mutilation. Pour l’adultère commis d’un consentement mutuel, l’homme était condamné à recevoir mille coups de verge et la femme à avoir le nez coupé. » Diodore, i, 78. — Le raisonnement de Gunkel ne tient pas davantage compte de la condition sociale de l’esclave en Egypte, Le papyrus de Bologne cité plus haut nous a montré que, au cas de délit, on poursuivait l’esclave en justice comme un homme libre, et, par conséquent, il devait avoir la même prison que les autres prévenus. « L’esclave, ainsi compris, n’était nullement celui dont le vieux Romain nourrissait à son gré ses poissons et qu’il pouvait brutaliser, violer ou tuer à son gré. » Revillout, Précis du droit égyptien, t. ii, 1903, p. 885. Le même auteur dit encore : ~ <t Si la Genèse nous montre Petiphra ou Putiphar livrant à la justice et faisant enfermer en prison son esclave Joseph, acheté pour de l’argent, dont il avait à se plaindre, les documents égyptiens ne sont pas moins formels pour une multitude d’esclaves se trouvant dans les mêmes conditions, » p. 971, n. 1. Cf. Cours de droit égyptien, t. i, 1884, p. 89-96. — Que Putiphar fût différent du gouverneur de la prison, sarbêf lias sohar, cela ressort de la Genèse, xxxix, 19-21. Ce gouverneur, du chef de sa charge, peut être dit, comme Putiphar, le maître de Joseph prisonnier, xl, 7, texte hébreu, et celui-ci. son