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PUTIPHAR

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Ataiouhi. » Sous ce mot sârîs n il faut évidemment comprendre ici l’officier. » W. M. Mûller, toc. cit., Col. 3813. Par ailleurs, Putiphar était marié, et cela montre bien l’idée que l’écrivain sacré attachait au mot sdrïs en le lui appliquant. Que l’on n’objecte pas que l’on a vu des eunuques mariés et possédant même un harem. Ebers, loc. cit., p. 299. Ce sont là chez les musulmans des cas exceptionnels qui n’infirment pas la règle générale et qui, du reste, ne pouvaient se produire chez les Égyptiens, d’après ce qui a été dit plus haut. Putiphar était donc un officier, du palais, probablement un de ces connus du roi, de ces amis uniques, de’ces courtisans, en un mot, à qui le pharaon distribuait les emplois de confiance. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 287-281.

2° Car hat-tabbaîm. — Tel est le nom hébreu de la charge confiée à Putiphar. Si nous consultons les Sep--tante, il faudrait entendre par là « le chef », sar, « des cuisiniers », hat-tabbaîm : àf>-/mcifeîpoç. En effet, tabbah, I Reg., IX, 23, 24, désigne un cuisinier, et la position de chef des cuisines royales pouvait être inv portante à la cour, si nous supposons qu’elle donnait autorité sur l’armée des officiers de bouche. Cf. Maspero, loc. cit., p. 279-280 ; Études égyptiennes, t. ii, p. 10-11, 61-63, où la liste de ces nombreux personnages, d’après le Papyrus Uood, est donnée par ordre hiérarchique ; Brugsch, Die Aegyptologie, 1897, p. 219221. Mais rien ne nous prouve que le surintendant des cuisines eût un pouvoir si étendu, et cela serait-il que la traduction des Septante n’en serait pas justifiée, car tabbah a bien plutôt le sens de « celui qui tranche égorge, tue », d’où satellite, garde du corps. Cf. Gesenius, Handw., 9e édit., p. 303. ?ar hal-tabbahim semble donc désigner une fonction militaire, soit le chef de ceux qui exécutent les ordres du maître. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 33. C’est ainsi que l’a compris saint Jérôme qui rend l’expression par magister miliium, Gen., xxxvii, 36 ; pr inceps exercitus, xxxix, 1 ; princepsmilitum, xl, 3, xli, 10 ; dux militum, xli, 12 ; cmtos carceris, xl, 4. Et cela avec d’autant plus de raison que le même titre devenu plus tard rab-tabbah.îm marque une dignité militaire pour Nabuzardan, IV. Reg., xxv, 8, 11, 20, Jer., xxxix, 9, etc., et pour Arioch, Dan., ii, 14, quoique les Septante continuent à le traduire par àpxijiàfsîpoç. Le Targum d’Onkelos et la version syriaque, rendant sar hal-tabbahîm par « chef des exécuteurs » ou « chef des gardes du corps » > confirment la nature des fonctions de Putiphar, Pour les Septante, « on ne peut rendre compte de leur traduction qu’en supposant qu’ils ont vu une allusion aux fonctions de Putiphar dans le passage où Moïse dit que le maître de Joseph ne s’occupait de rien si ce n’est de ce qu’il mangeait. » Vigouroux, loc. cit., p. 32 ; Gen., xxxvi, 9.

Si nous consultons maintenant les documents antérieurs à la XVIIIe dynastie, c’est-à-dire les documents qui ne dépassent pas l’époque de Joseph, nous verrons que plusieurs titres militaires peuvent convenir à Putiphar. Il était peut-être un de ces chefs d’armée

%k - — Ul£ ; i, nier mSà, que nous rencontrons déjà

sous l’Ancien Empire, Sethe, Urkunden des Alten Reichs, t. i, 1903, p. 92, lig. 1 et p. 148, lig. 3, 16, que nous retrouvons à la XIIe et à la XIIIe dynastie. Breasted, The Wadi Halfa stela of Senwosret I, dans Proceedings, etc., t. xxiii, 1901, pi. 233 et pi. iii, lig. 11, 23 ; .Lepsius, Denkmâler, ii, pi. 151 c. Ou bien encore avait-il reçu le commandement des Mazaiou. Ces mercenaires nubiens, voir Phuth, col. 348, qui, dès l’Ancien Empire, servent dans les armées égyptiennes, Sethe, loc. cit., p. 10/1, lig. 14, et qu’on a chargés delà sécurité publique. Le Papyrus xym de Boulaq, qui date de la fin du

Moyen Empire parle des Mazaiou et des capitaines ou « grands de Mazaiou, » J^ ^~, ^ ^ ^’) $, ur

n Mazaiu. Borchardt, jain Reichnungsbuch des KOniglichen Hofes, dans Zeitsehrift fur âg. Spr., t. xxviii, 1890, p. 94-97. Putiphar put être surtout du nombre

de ces suivants 1 V, ëemsu, qui apparaissent de

bonne heure autour des rois. Un certain Thethi, par exemple, ne quittait pas d’un pas ses maîtres Antef I et Antef II. Breasted, Ancient Records, t. i, 1906, p. 202203. Ces suivants ou gens de la suite, vrais gardes du corps, se multiplient sous la XII 8 dynastie. Cf. Mariette, Catalogue d’Abydos, n. 634, 649, 699, 744 ; Lepsius, Denkmâler, ii, 136 e, g, 138 g, 144 i, k. Le Papyrus xvin de Boulaq contient aussi une liste de suivants stationnant à la cour avec leurs officiers. Borchardt,

loc. cit., p. 92-94. Les officiers portent le titre de fit, seliez setnsu, « commandant des suivants ». Cf. Mariette, loc. cit., n.664, 780, 864. À ces gens de la suite le roi donnait les charges et les missions importantes. Témoin cet Aménémhat cumulant les titres de commandant des suivants et de commandant de la milice nationale, Lepsius, loc. cit., ii, 138 a, qui formait en Egypte une classe spéciale. Maspero, Études égyptiennes, t. ii, p. 34-36. Témoin encore ce Sehotepabra, « le suivant de son maitre dans toutes ses allées et venues, surintendant de tous les travaux du palais, chancelier, etc., » qui demande d’être après sa mort « un suivant de Dieu ». Maspero, Sur une stèle du Musée de Boulaq, dans Études de mythologie et d’archéologie égyptiennes, t. iv, 1900, p. 134-137 [Bibliothèque égyptologique, vin). Une stèle récemment découverte, celle de Sebekhou, surnommé Zaa, nous montre où pouvait arriver un suivant entre les mains du roi. Zaa fit d’abord partie, en qualité de suivant, de la troupe personnelle d’Osortésen III ; puis il en devint un des chefs, sehez ; puis il obtint la charge de « grand ouârtou », quelque chose comme gouverneur de la résidence royale. Garstang, Et Arabah, 1901, pi. rv-v, p. 32-33. Quelques années plus tard, après l’achèvement de sa stèle, en l’an IX d’Aménémhat III, nous retrouvons Zaa à Senméh relevant la côte du Nil à la seconde cataracte. Il était alors « ouârtou du souverain ». Lepsius, loc. cit., ii, 136 b. — À côté des suivants se trouvaient ceux que les textes nomment « les hommes du cercle », les familiers de l’entourage

immédiat du pharaon : X. Il m ' Na^ ' > Senitu. Entre

ces derniers et les premiers la différence n’était peut-être — cela soit dit sous toute réserve — qu’une question de degré de courtisan à courtisan. Les familiers n’auraient été que les premiers des suivants. Ainsi le suivant Sehotepabra était en même temps « le familier du roi, se tenant derrière son maître, » pour le protéger, « le véritable ami de cœur, le confident intime, etc. » Maspero, toc. cit., p. 136-137, Plus tard, dans une liste de charges, on signale parmi les premiers dignitaires de la Cour un « commandant des soldats doyens des familiers » ou vétérans de la garde. Maspero, Études égyptiennes, t. ii, p. 23-24. Il serait bien tentant de voir dans les « ^suivants » et les « familiers » ceux que la Bible appelle les eunuques de pharaon. C’étaient là des titres qui n’indiquaient pas une fonction définie, semble-t-il, mais plutôt une prérogative de cour, une aptitude à remplir les premières charges, comme celles de grand échanson, par exemple, ou de grand panetier. Gen., xl, 1. Putiphar lui-même, en qualité de suivant ou de familier aurait été choisi pour être soit général d’armée, soit capitaine des Mazaiou, soit chef de la milice, soit commandant de la garde du corps, et à tous ces titres la prison d’État aurait été sous ses ordres, pour une part au moins, cette prison où il lit jeter