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PUTIPHAR


était Égyptien, et non sans raison, puisque sous les Hyksos, qui devaient appeler aux charges principales surtout ceux de leur race, il n’en fut pas moins grand officier de la couronne, « eunuque du pharaon et chef de l’armée, » selon la Yulgate. Gen., xxxrx, i. — 1° Eunuque du pharaon. — L’hébreu porte sdrîs dout le premier sens est castrat. Chez les sémites on employait le castrat dansle service des harems. Putiphar en était-il un ? C’est possible, si nous jugeons de l’Egypte ancienne d’après les autres peuples de l’Orient. À l’exception du peuple juif, cf. Lev., xxii, 24 ; Deut., xxiii, 1, tous ces peuples polygames pratiquèrent la castration. Hérodote, viii, 105 ; Layard, Nineveli and its remains, t. ii, 1849, p. 324-326, 334, 340 ; Botta-Flandin, Monuments de Ninive, t. ii, 1849, pi. 145. C’est possible encore si nous voyons et s’il est légitime de voir cette même Egypte à travers l’Egypte musulmane où l’eunuque est dans tout harem de la haule classe. Les voyageurs à l’envi ont parlé des eunuques modernes, de leur recrutement et aussi de leur influence. Caillaud, Yoxjage à Méroé, t. iii, 1826, p. 117-118 ; E. Delmas, Egypte et Palestine, 1896, p. 260-251. Cet argument a pari trouve-t-il sa justification dans les monumenls antiques de la vallée du Nil ? Rosellini, Monumenli dell' Egittoe délia Nubia, 1836, part. 11, t. nr, p. 132-134, et Monumenti civili, pi. 34, fig. 2 ; pi. 68, fig. 2 ; pi. 77, fig. 12 ; pi. 79 et 88, fig. 3, a prétendu avoir rencontré des eunuques et les avoir reconnus. Ebers, Aegyplen und die Biicher Mose’s, 1868, p. 298, les a distingués, croit-il, à leur obésité et aux plis graisseux de leur poitrine, surveillant des fileuses dans la tombe de Khnoumhotep à Beni-llassan. Cf. Newberry, BeniHasan, part. 1, 1893, pi. xxix. Mais on accordera bien que cela ne suffit pas à la démonstration. La preuve topique fait défaut et les inscriptions n’en révèlent rien. Il y a mieux. Dans cette même tombe et dans les autres du même groupe, il n’y a pas que les surveillants des fileuses qui soient ainsi, mais c’est la règle' générale pour tous les préposés à quelque service, comme on peut s’en convaincre à l’examen des scènes diverses. Voir Newberry, loc cit., pi. xxx, xii, etc. On remarque ailleurs la même loi : les directeurs des corps de métiers, le bâton ou la courbache, ou même l’aiguillon à la main contrastent par leurs formes replètes avec la maigreur de l’entourage. On peut voir en eux l’embonpoint de l'âge, et non les chairs boursouflées de l’eunuque, ou tout au plus l’application d’un canon imposé au peintre et au sculpteur. Cf. La tombe d’Apoui, dans Mémoires de la Mission du Caire, t. v, I891, pl.netp.610. Voir Eunuque, t. ii, col. 2044, fig 622, où dans une scène de marché des vendeuses échangent aux acheteurs des melons, des poissons, des concombres contre du blé, une étoffe et le contenu d’un sac. Pour le plaisir de la variété, à un seul des acheteurs le peintre a donné une taille ramassée, un aspect vieillot, un torse chargé de graisse. Le rapprocher des tireurs des chadoufs, pi. i, loc. cit. Tous ces personnages ne nous rappellent à peu près rien, par l’ensemble de leurs traits, des eunuques que l’on rencontre à chaque pas dans les rues du Caire. Leurs pareils, plus ou moins âgés, ne sont pas rares au musée du Caire. Bas-reliefs 20473 et 20474. Sans s’en douter, les premiers égyptologues se sont laissé conduire par l’idée reçue de leur temps que l’Egypte sur le point des eunuques devait ressembler aux autres nations orientales. Un exemple bien connu nous montrera quelle réserve s’impose à juger sur la mine des gens peints ou sculptés, et combien il faut tenir compte de la mode et de la fantaisie de l’artiste. Qui plus qu’Anénophis IV Khounaten a « dans l’ensemble de sa* personne ce type particulier et étrange que la mutilation imprime sur la face, les pectoraux et l’abdomen des eunuques ? » Mariette, cité par Lenormant, Bistoire ancienne de l’Orient, t. ii,

9e édit., 1882, p. 212. Qui plus que lui a été traité d’eunuque ? Ce prince, toutefois, non seulement était marié, mais l’on voit avec ses années de règne le nombre de . « es filles augmenter. Il en eut jusqu'à sept. Cf. Maspero, Bistoire ancienne de l’Orient classique, t. ii, 1897, p. 326, fig. p. 328.

A défaut des représentations, l’existence du harem royal nous révélera peut-être l’existence des eunuques. En effet, à côté de la reine, son épouse légitime, dame de fa maison, libre de ses mouvements, commandant à un nombreux personnel, le roi possédait un harem

flfll » m ou, hhent. Cf. Maspero, loc. cit.,

t. i, 1895, p. 270. Le Khent avait sa hiérarchie de fonctionnaires : un intendant, Papyrus judiciaire de 7ur » ' », iv, 4 ; des scri bes, IV, 5 ; v, 10, et Mariette, Catalogue général des monuments d’Abydos, 1880, n. 686, 719 ; des délégués, Papyr. jud. de Turin, v, 9 ; des portiers, V, 1, et stèle C 6 du Louvre. Or, de plusieurs de ces fonctionnaires, et précisément de ceux qui passaient leur vie dans le harem, les portiers, nous savons qu’ils étaient mariés. Papyr. jud. de Turin, V, 1, Celui de la stèle C 6 du Louvre, nommé Kefenou, avait de nombreux enfants. Sans doute les Égyptiens en contact avec les peuples d’Orient ont dû connaître l’institution des eunuques. Mais autre chose est connaître une institution, autre chose l’admettre chez soi. Aucune momie n’a révélé l’aspect d’une opération faite durant la vie. On ne peut pas s’appuyer sur la légende d’Osiris émasculé par Typhon son ennemi à qui Horus fit subir la peine du talion. Texte des Pyramides, Teti, lig. 276-277 ; Pepi, 1, lig. 30-31 ; Lefébure, Sur différents mots et noms égyptiens, dans Proceedings, etc., t. xiii, 1890-1891, p. 342-353 ; Plutarque, De Iside et Osiride, c. lv. C’est une pure légende qui peut refléter une coutume d’ennemi à ennemi, mais aucunement un usage de la vie sociale. Visiblement inspiré de cette légende, dans la partie qui nous concerne, Le conte des deux frères, que l’on a parfois invoqué, n’a pas plus de valeur. Papyrus d’Orbiney, p. 7, lig. 9, et p. 9, lijj. 6 ; Maspero, Les contes populaires de l’ancienne Egypte, 3e édit. (1905), p. 9-12. Il est très probable même que le terme d’eunuque, au sens strict, n’existe pas dans la langue égyptienne. Si on avait eu la chose, comment le mot ne se rencontrerait-il pas et même souvent ? Lefébure, loc. cit., p. 345, a cru toutefois le

reconnaître dans S <* %k, hem ou hemti, de J, hmt, « femme ». Mais ce mot se traduit d’ordinaire par « lâcbe », « poltron », et dès l’Ancien Empire, ne se trouve jamais que comme une épithète flétrissante jetée à la face des gens de rien. Maspero, Études égyptiennes, t. ii, p. 82 ; Champollion, Notices, t. ii, p. 186 ; Stèle de Pianchi, où il est dit qu’il n’y a « pas de durée à une armée dont le chef est hemti. » Lefébure le constate lui-même, p. 342, 456. Dès lors hemti ne peut convenir à Putiphar, et si celui-ci était l’eunuque du pharaon, ce ne peut être qu’exclusivement dans un sens dérivé. Eunuque devint en effet dans les langues sémitiques synonyme d’attaché au prince, de ministre de la Cour, cf. Gesenius, loc. cit., probablement parce que, en Asie, spécialement à Ninive et à Babylone, les eunuques parvenaient aisément aux postes les plus importants. Il est tout naturel, par suite, que l’hébreu désigne par ce nom l’officier du palais du pharaon. C’est avec ce sens d’officier que le mot sâris pénétra en Egypte aux basses époques, du lemps de Cambyse, de Darius et de Xerxès, et on le lit dans les inscriptions rupestres de l’Ouadi Hammamat. Rosellini, Monumenti slorici, l. ii, pi. Il c et p. 174 ; Golenischeff, Bammamat, pi. 18. L’inscription de l’an XXXVI de Darius et de l’an XIII de Xerxès se termine par ces mots : « Fait par le sâris, M _~-, de Perse, prince de Coptos