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PURGATOIRE


la croyance des Juifs pieux, mais qu’elle a encore besoin d’être affirmée. Elle devait, en effet, se heurter à une-vive opposition des sectaires sadducéens qui ne croyaient pas à la vie future, et même rencontrer quelques hésitations chez ceux qui n’aimaient pas les innovations et prétendaient s’en tenir à la Loi et aux prophètes. On pourrait être tenté d’attribuer à l’influence des idées perses l’introduction en Israël de la croyance au purgatoire et à l’utilité de la prière pour les morts. Mais les doctrines de l’Avesta, tout en présentant certaines analogies avec celles que formule l’auteur des Machabées, sont par trop indécises, et, sur des points importants, trop différentes de ces dernières, pour qu’une influence directe et efficace puisse être admise. Cf. de Broglie, Cours de l’histoire des cultes non chrétiens, Paris, 1881, p. 41, 42. Ce qu’on peut croire plus légitimement, c’est qu’au contact de la religion iranienne, la doctrine juive s’est développée en vertu de sa propre force interne et dans le sens voulu de Dieu. L’obscurité qui enveloppe toute une période de l’histoire juive ne permet pas de suivre avec plus de précision le travail religieux accompli durant ce temps.

4° Les livres juifs, même assez postérieurs à la prédication évangélique, ne renferment aucune mention d’un état intermédiaire entre le. ciel et l’enfer. Par la suite, les Juifs assignèrent comme séjour aux âmes qui n’étaient ni justes ni impies la géhenne supérieure, comprenant les six régions les plus élevées de l’enfer-Les âmes s’y purifiaient pendant douze mois dans la souffrance, avant d’être admises parmi les justes. Un fils devait prier pour son père défunt tous les jours pendant onze mois, et à chaque sabbat toute l’assem Slée récitait une prière solennelle appelée « souvenir es âmes ». Cf. Iken, Ariliquitates hebraicm, Brème, 1741, p. 614, 615 ; Drach, De l’harmonie entre l’Église et la synagogue, Paris, 1844, 1. 1, p. 16. III. Dans le Nouveau Testament. — 1° Il n’y est pas directement question du purgatoire, mais son existence est clairement supposée par quelques textes. Il est certain tout d’abord qu’après le jugement général, le purgatoire n’existera plus ; le "souverain Juge ne mentionne, en effet, dans sa sentence que l’élernel supplice et la vie éternelle. Matth., xxv, 46. Mais Notre-Seigneur parle aussi d’un péché contre le Saint-Esprit qui ne sera remis ni en ce siècle, èv toC™ rà oîûvi, ni dans le siècle à venir, lv t<j> [liMovxt, c’est-à-dire ni en cette vie ni en l’autre. Dans l’Évangile, le mot aîûv, seecu-Iwn, désigne habituellement la vie présente, Matth., xiii, 22, 39 ; xxiv, 3 ; Marc, lv, 19 ; Luc, xvi, 8 ; xx, 34, etc., et l’expression aîûv epxojiivov^ identique à.aîûv [iéXXov, se rapporte non au temps à venir sur la terre, mais au temps qui suit la mort, celui dans lequel on obtient la vie éternelle. Marc, x, 30 ; Luc, xviii, 30. Il y a donc des péchés qui, n’ayant pas été remis en cette vie, peuvent l’être dans l’autre. À la rigueur, on aurait droit de croire que ces péchés remis dans l’autre vie le sont au moment même du jugement, grâce au repentir du pécheur et à la miséricorde de Dieu, car Notre-Seigneur ne parle d’aucune peine à subir pour obtenir cette rémission. Mais, étant donnée la croyance à l’existence du purgatoire, il paraît plus naturel de penser que ces péchés sont expiés par la peine temporaire, alors que le péché contre le Saint-Esprit n’est pas expié même par la peine éternelle. Aussi, de ce texte, a-t-on généralement conclu à l’expiation subie en purgatoire. Cf. S. Augustin, De civ. Dex, xxt, 24, t. xli, col. 738 ; S. Grégoire, Dial., iv, 39, t. lxxvii, col. 396 ; Bellarmin, De purgatorio, i, 4, etc.

2° Dans un autre endroit, le Sauveur compare le péché à une dette pour laquelle on est mis en prison. Il conseille donc à l’homme de s’entendre avec son .adversaire pendant qu’il est avec lui sur le chemin, c’est-à-dire dérégler ses comptes avec Dieu pendant la

vie présente ; autrement il serait mis en prison, et, conclut le Sauveur, « tu n’en sortiras pas que tu n’aies payé jusqu’à la dernière obole. » Matth., v, 26. On pourrait encore être tenté, à première vue, d’appliquer ce texte au purgatoire, cette prison d’où l’on ne peut sortir avant d’avoir payé sa dette complètement. Mais la généralité des Pères et des commentateurs l’entendent de l’enfer, d’où l’on ne sort jamais parce qu’on n’y peut jamais payer sa dette. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 220. Cependant, observe Jansénius, In Sancl. J. G. Evangel., Louvain, 1699, p. 56, le Sauveur n’affirme pas que la dernière obole ne pourra pas être payée, mais il ne le nie pas non plus. Aussi saint Cyprien, Èpist. x, ad Anton., 20, t. iii, col. 786, entend-il le texte du purgatoire, quand.il met en opposition ceux qui attendent leur pardon et ceux qui sont parvenus à la gloire, ceux qui sont en prison jusqu’à ce qu’ils aient payé la dernière obole et ceux qui ont immédiatement reçu la récompense, ceux qui demeurent longtemps dans le supplice du feu pour s’y purifier de leurs péchés et ceux qui ont tout expié par le martyre. Il est donc possible de voir dans ce, texte une allusion au purgatoire ; mais cette interprétation ne s’impose pas exclusivement et elle n’a pas par conséquent une valeur dogmatique absolue.

3° Saint Paul s’exprime ainsi, en parlant des divers prédicateurs de l’Évangile : « Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui est déjà posé, c’est-à-dire Jésus-Christ. Si l’on bâtit sur ce fondement avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, l’ouvrage de chacun sera manifesté, car le jour (du Seigneur) le fera connaître, parce qu’il va se révéler dans le feu, et le feu même éprouvera ce qu’est l’ouvrage de chacun. Si l’ouvrage que l’on aura bâti dessus subsiste, on recevra une récompense ; si l’ouvrage de quelqu’un est consumé, il perdra sa récompense ; lui pourtant sera sauvé, mais comme au travers du feu. » I Cor., iii, 11-15. L’ouvrage en question est manifestement celui des prédicateurs qui, sur le fondement qui est Jésus-Christ, érigent une œuvre plus ou moins solide. Le jour du Seigneur est, selon les interprètes, le jour de l’épreuve, le jour de la mort et du jugement porticulier, ou, bien plus probablement, le jour du second avènement du Seigneur et celui, du jugement général. Le jugement divin est ordinairement comparé à une conflagration, à un feu qui éprouve. II Thess., r, 8 ; II Pet., iii, 7. Ce jugement manifestera la valeur de l’œuvre des différents prédicateurs de l’Évangile. Celle-là seule méritera la récompense qui aura été jugée digne par le Seigneur ; tout le reste disparaîtra à la lumière de ce jugement, comme le bois et la paille à la chaleur du feu. Il ne peut s’agir ici du feu du purgatoire, car le purgatoire ne peut être confondu avec le « jour du Seigneur », et ce n’est pas le feu du purgatoire qui éprouve les œuvres des hommes. Mais l’Apôtre, I Cor., iii, 15, ajoute que le prédicateur dont l’œuvre aura été détruite « sera sauvé, oM-^u^xi, comme au travers du feu. » Au moment du jugement général, le prédicateur qui aura fait une œuvre fragile et, à ce titre, aura été condamné, pourra donc cependant être lui-même sauvé, si sa faute n’a pas été sans rémission et si lui-même a passé par le feu. Ce feu représente spécialementle^purgatoire. Par analogie, on conclut que tous les fidèles qui emportent avec eux des dettes rémissibles dans l’autre monde peuvent aussi être sa uvés, « mais comme au travers Au. feu, » c’est-à-dire en passant par les épreuves douloureuses et expiatriees qui constituent le purgatoire. Cf. Cornely, I Epist. ad Cor., Paris, 1890, p. 86-92.

4° Saint Paul prie le Seigneur de faire miséricorde à Onésiphore, qui lui a rendu grand service à Rome et à Éphèse. II Tim., 1, 16-18. Il est probable qu’alors Onésiphore n’était plus de ce monde. La prière faite