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PURGATOIRE


partir du ixe siècle av. J.-C, l’âme demeurait trois jours auprès du corps, après la mort, puis, suivant la valeur morale de ses actions, passait à travers des contrées agréables ou horribles pour aller subir son jugement. Au sortir du tribunal, l’âme arrivait au pont Schinvât, qui passe par-dessus l’enfer et mène au paradis ; condamnée, elle culbutait dans l’abîme ; pure, elle parvenaitTaisément au séjour de la divinité. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. iii, p. 589, 590. Entre cet enfer et ce ciel existait pourtant un état intermédiaire, appelé Hamêstakdn. VAvesla postérieur ignore cet état. L’enfer purifiait les coupables, de sorte qu’à la fih tous étaient

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203. — Allât, déesse des enfers.

D’après la Bévue archéologique, 1879, t. xxxviii, pi. 25.

sauvés et participaient à la résurrection. « Ainsi, jugement particulier, jugement’général, paradis, enfer et purgatoire, résurrection des corps, toute cette eschatologie est assez semblable à celle du christianisme, hormis le pardon de tous. » Lagrange, La religion des Perses, Paris, 1904, p. 30. Mais, dans cette doctrine, l’état intermédiaire n’est pas très déterminé et l’enfer a le caractère d’un véritable purgatoire ; déplus, la date de ces idées ne peut guère être fixée.

IL Dans l’Ancien Testament. — 1° On a cru quelquefois qu’il était question de sacrifices pour les morts dans ce passage de Tobie, iv, 18 : « Fais servir ton pain et ton vin à la sépulture des justes. » Mais il ne s’agit ici que des repas funèbres par lesquels on célébrait la mémoire des morts. Cf. Jer., xvi, 7.

2° Le seul texte qui implique l’idée de purgatoire est celui de II Mach., xii, 43-46. Après une bataille gagnée sur Gorgias, Judas Machabée s’aperçut que ceux de ses soldats qui gisaient sur le sol portaient sous leurs tuniques des objets idolâlriques provenant du pillage de

Jamnia. Ces objets étant essentiellement impurs aux yeux de la Loi, il y avait eu faute à les garder. Judas vit un châtiment providentiel dans la mort de ses soldats. « Puis, ayant fait une collecte, où il recueillit la somme de deux mille drachmes, il l’envoya à Jérusalem pour être employée à un sacrifice expiatoire. Belle et noble action inspirée par la pensée de la résurrection ! Car, s’il n’avait pas cru que les soldats tués dans la bataille dussent ressusciter, c’eût été chose difficile et vaina de prier pour des morts. Il considérait en outre qu’une très belle récompense est réservée à ceux qui s’endorment dans la piété, et c’est là une pensée sainte et pieuse. Voilà pourquoi il fit ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu’ils fussent délivrés de leurs péchés. » La Vulgate traduit un peu différemment la dernière phrase : « C’est donc une sainte et salutaire pensée que de prier pour les morts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés. » Dans le fond, l’idée exprimée est la même. Ce texte se lit dans toutes les versions et dans tous les plus anciens manuscrits. C’est donc sans raison qu’on a prétendu qu’il avait été ajouté. Voici ce qui ressort de ce passage. Les soldats avaient commis une faute, mais cette faute n’était pas mortelle, puisque l’auteur sacré suppose qu’elle pouvait être remise après la mort ; ou bien, si elle était mortelle, on est en droit de croire que les coupables s’étaient repentis avant de mourir, comme l’avaient, fait jadis beaucoup de ceux que le déluge avait engloutis. I Pet., iii, 19, 20. Ces soldats devaient ressusciter un jour, autrement la prière pour les morts serait vaine. Ressuscites, ils auraient part à la récompense réservée à ceux qui s’endorment dans le Seigneur. Mais auparavant, il fallait qu’ils fussent libérés de leurs péchés, et c’est ce résultat que procurait le sacrifice expiatoire offert à Jérusalem. Les âmes de ces défunts n’étaient donc pas en enfer, où il n’y a point de rémission ; elles n’étaient pas au ciel, encore fermé, et dans lequel elles ne seraient d’ailleurs pas entrées à cause de leurs péchés. Il fallait que ces péchés fussent expiés pour qu’elles pussent prétendre à la récompense. La situation dans laquelle ces âmes se trouvaient est précisément celle que nous appelons le purgatoire, lieu où les âmes se purifient dans la souffrance, mais où elles sont aidées dans leur purification par les prières et les sacrifices des vivants. C’est un homme très attaché à la religion et aux traditions de ses pères, Judas Machabée, qui prend l’initiative de la collecte et du sacrifice. Nullement surpris de la proposition, ses compagnons lui répondent généreusement. Le texte ne dit pas comment on prit la chose à Jérusalem ; mais il faut penser qu’elle ne pouvait élonner personne, puisque Judas envoie la collecte sans autre justification que sa demande même. Enfin, l’auteur inspiré raconte le fait avec une visible insistance, en accompagnant le récit de réflexions destinées à bien inculquer la légitimité de la croyance et de la pratique.

3° On peut se demander comment Cette croyance et cette pratique apparaissent tout d’un coup dans le texte sacré, sans que rien semble les préparer dans les livres antérieurs. Il faut observer tout d’abord qu’entre Esdras et Judas Machabée, il s’est écoulé une période d’environ trois siècles, durant laquelle un silence à peu près complet enveloppe l’histoire des Juifs. Au cours de ces longues années, bien des points de doctrine se sont éclaircis, qui auparavant étaient demeurés dans une ombre plus ou moins profonde. Telle, par exemple, la doctrine de la vie future si fortement exposée dans le livre de la Sagesse, n-v. Il a dû en être de même pour la doctrine du purgatoire et de la prière pour les morts. Peu à peu, à l’heure marquée par la Providence, elle s’est dégagée pour se manifester au grand jour quand l’occasion en devint propice. On voit bien, d’après le texte des Machabées, que cette doctrine est entrée dans