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PUDENS


On parle de ce Pudens dans les Actes des saintes Pudentienne et Praxède, mais on n’y dit rien de sa noblesse ni de sa dignité sénatoriale. Àcta sanctorum, maii t. iv, p. 299 ; Baronius, Annales, ad ann. 159 ; Fiorent, Martyrol., p. 701 sq. ? Le récit du Liber pontificalis dans la biographie du pape Pie I er, à ce sujet est une interpolation d’après Mgr Duchesne, Liber poniificalis, 1. 1, p. 1331. Cependant Adon, dans son martyrologe, appelle sainte Pudentienne illuslrissimi generis. Adon, MariyrOl., 19 mai.

Dans ces documents, quoique apocryphes, il y a certainement un fond de vérité historique, comme J. B. De Rossi l’a aussi reconnu, Bull, d’arch. crisliana, 1867, p. 3. Mais on ne peut pas accepter tout ce qu’ont imaginé à ce sujet, d’abord Bianchini et Febeo et, depuis, plusieurs autres qui ont fait des confusions incroyables. Bianchini soupçonne que Pudens était de la gens Cornelia et de famille sénatoriale, et la chose est possible ; mais on est arrivé après jusqu'à dire qu’il jetait le même personnage que le centurion Corneille baptisé par saint Pierre en Palestine et on lui a attribué aussi des inscriptions qui sont certainement fausses. De Rossi ne partagea jamais ces opinions qui néanmoins lui ont été attribuées. Bull, di arch. crise, 1880, p. 53.

Enfln il y a un auteur qui a cru reconnaître le Pudens de saint Paul dans un personnage nommé sur une inscription de la Grande-Bretagne et en a fait un fils de Pomponia Grsecina ( ! ) Mais, ces rêveries ont été justement réfutées par Hùbner, Corp. inscr. lat., vii, p. 19, et dans le Rheinisches Muséum, t. xiv, 1859, p. 358.

Voici ce que l’on peut établir à cet égard. Il est sûr qu’il y a eu à Rome de nobles matrones qui ont porté les noms de Pudenliana et de Pudentilla réunis aux noms de famille des Cornelii et des JEmilii. De Rossi, Borna sotterranea, t. i, p. 312. Il est certain que, au commencement du ine siècle, demeurait à Rome sur l’Aventin, près de l’endroit où on bâtit après l'église de sainte Prisque, un personnage appelé C. Marins Pudens Ccrnelianus, qui était originairement de la gens Cornelia, adopté après dans la gens Flavia, et qui devait se nommer Cornélius Pudens. Un de ses descendants fut probablement ce M. Marins Pudens, dont le nom est marqué sur quelques briques. Marini, lscrizioni doliari, 152, 6. Ce Cornélius Pudens demeurait sur l’Aventin tout près de l’endroit où l’on reconnaissait au moyen âge la maison d’Aquila et de Prisque (église de Sainte-Prisque) ; et on sait que ces deux célèbres personnages nommés par saint Paul dans sa lettre aux Romains, eurent leur sépulture dans le cimetière de Priscille sur la voie Salaria, cimetière qui prit le nom de la mère de Pudens, le maître de la maison sur le vicus patricius (aujourd’hui SaintePudentienne) et qui fut enseveli aussi dans le même cimetière. Cette circonstance ne peut pas être attribuée au hasard ; mais elle nous autorise à supposer qu’il y eut des relations entre les deux maisons chrétiennes de l’Aventin et du vicus patricius et que le centre où ces souvenirs se réunissaient, était le cimetière de Priscille sur la voie Salaria. J.-B. De Rossi retrouva dans le cimetière de Priscille une inscription d’un PUDENS FELIX et il fit remarquer que ce cognomen Félix peut bien faire penser à un « Cornélius ». Inscrip. scelle délia B. V. Maria, p. 17. On peut donc tirer la conclusion que très probablement le Pudens nommé par saint Paul était le fondateur du cimetière de Priscille et qu’il pouvait très bien être un Cornélius Pudens.

Ce rapprochement nous oblige de dire un mot sur le célèbre cimetière de la voie Salaria dont l’histoire et la topographie a été éclairée d’une lumière inattendue par les études de mon maître J.-B. De Rossi et après aussi par les miennes.

Il est maintenant certain que ce cimetière est le plus ancien de tous les autres cimetières chrétiens de Rome et que ses monuments peuvent remonter jusqu'à l'âge apostolique. À la suite des nouvelles fouilles, mon maître a pu démontrer que le célèbre cimetière de la voie Salaria avait été fondé par la noble famille des Acilii Glabriones dont un membre, Manius Aciliùs Glabrio, consul de l’an 91, fut mis à mort par ordre de Domitien à cause de sa profession de foi chrétienne. Bull, d’arch. crist., 1888-1889, p. 3-4. Il y retrouva des inscriptions qui mettent en rapport les Acilii avec quelques nobles femmes qui portent le nom de Priscilla et il en a tiré la conclusion que le Pudens de la légende de sainte Pudentienne était lié de parenté avec la famille même des Acilii et qu’il fut le fondateur de ce vénérable cimetière, le plus ancien de tous, où il fut enseveli et où furent déposées aussi ses filles Pudentienne et Praxède.

Priscille, la mère de Pudens, pouvait être aussi de la gens Acilia ; et en effet on trouve dans le nom de cette famille le cognomen « Priscus ». Dans le musée du Vatican on voit l’inscription d’un Acilhis Priscus.

Après de longues recherches sur le cimetière de la voie Salaria, je suis parvenu à démontrer que dans le cimetière de Priscille on vénérait le grand souvenir de la première prédication de saint Pierre et de la fondation de l'Église romaine ; et qu’on y doit reconnaître le célèbre cimetière Ostrien où l’Apôtre aurait administré le baptême, c’est-à-dire le cœmeterium ad nymphas appelé aussi cœmeterium fontis S. Pétri. En voir les preuves développées dans plusieurs articles publiés par moi dans le Nuovo Bullettino di archeologia cristiana, 1901-1908. La célèbre indication du catalogue de Monza du vie siècle, sedes ubi prius sedit sanclus Pelrus, doit être considérée comme une indication topographique et être attribuée au cimetière de Priscille. Nuovo Bullettino, 1908, n. 1-2.

Or cette identification a une grande importance pour la question du Pudens de la légende ; elle nous confirme que, dans cette légende, il y a un fond de vérité quand on met saint Pierre et sa première venue à Rome en relation avec un personnage qui avait été le fondateur d’un cimetière creusé dans un endroit de la banlieue romaine où l’apôtre avait inauguré son épiscopat dans la capitale de l’empiré.

Le cimetière de Priscille peut être appelé aussi le cimetière de Pudens car il y avait là son tombeau de famille. D’après les dernières fouilles on pourrait reconnaître ce monument dans la région du cimetière qui est près de l’entrée actuelle et dans les environs de la chambre sépulcrale que l’on appelle la « chapelle grecque ». Mais le monument le plus important de ce cimetière, et qui renfermait, pour ainsi dire, tous ses grands souvenirs, était la basilique établie à la surface du sol dans la maison même de campagne des Acilii Glabriones qui a pu être très bien la maison de campagne de Pudens. Cette basilique (ou il y avait les tombeaux de sept papes) fut retrouvée et rebâtie par mon initiative aux frais de la commission d’archéologie sacrée, l’an 1907. Voir Nuovo Bullettino di arch. crist., 1908 n. 1-2. Après le cimetière de la voie Salaria, un autre souvenir de Pudens était le titulus Pudentis, c’est à dire la maison même habitée par lui à l’intérieur de la ville où est aujourd’hui l'église de Sainte-Pudentienne. Les documents qui nous fournissent des indications sur l’origine de l'église de Sainte-Pudentienne sont les récits dits de Pasteur et de Timothée ; les lettres de Pie I er à Juste de Vienne, et le Liber pontificalis. Les deux premières classes sont apocryphes ; mais nous avons plusieurs motifs de penser qu’elles contiennent un fond de vérité, comme j’ai déjà dit. D’après ces documents, il y avait là primitivement la