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PSAUMES DE SALOMON


quante ans, l’objet de discussions 1res vives. — 1° D’assez nombreuses critiques, à la suite du D r H. Ewald, Geschichte des Volkes Israël, in-8°, t. iv, 3e édit., p. 392, attribuaient aux psaumes de Salomon une date assez reculée, celle du règne d’Antiochus Épiphane (175-164 avant.J.-C.), et plus spécialement celle delà prise de Jérusalem par ce prince (170 avant J.-C). Naguère encore, le D r W. Frankenberg essayait de faire revivre ce sentiment dans l’ouvrage Die Datierung der Psalmen Salomo’s, in-8°, Giessen, 1896. Comme preuves, ces savants allèguent en particulier les passages i, 8 ; ii, 3 ; viii, 12-14, où il’est parlé de la profanation du temple et de l’autel. Mais c’est à plusieurs reprises que des profanations de ce genre eurent lieu, à des époques très diverses, et rien n’indique que l’auteur de nos psaumes ait eu en vue celles qui se rattachent à la persécution d’Antiochus Épiphane. Tout au contraire, il affirme que l’oppresseur sacrilège d’Israël était venu des extrémités de l’Occident, vii, 26, .tandis qu’Antiochus venait seulement de la Syrie pour attaquer les Juifs.

2° D’autres, notamment Frz. Delitzsch, Commentar ûber den Psalter, in-8°, t. ii, Leipzig, 1860, p. 381, et T. Keim, Geschichte Jesu von Nazara, t. i, p. 243, retardaient la composition de ces poèmes jusqu’à l’époque d’Hérode le Grand (40 avant J.-C, - 1 après J.-C), également sans raison suffisante. Suivant eux, ce prince serait « l’homme étranger » qui s’éleva contre la dynastie alors régnante en Palestine. Cf. xvit, 9. Mais c’est Jaune erreur manifeste d’interprétation, car « l’homme étranger » ne diffère pas en réalité de l’envahisseur ennemi qui s’empara de Jérusalem et emmena captifs des Juifs nombreux, xvii, 14 ; ce qui ne futnullement lecas pour Hérode.

3° L’historien juif H. Grâtz, Geschichte der Juden, 2e édit., in-8°, Leipzig, t. iii, p. 439, est allé encore plus loin, en affirmant que le psautier de Salomon aurait eu une origine chrétienne, et en lui assignant comme date la fin du premier siècle de notre ère ; mais il a abandonna son opinion dans une édition subséquente. On ne trouve pas, dans ce recueil, le plus léger détail qui trahisse la main d’un chrétien.

4° On admet très généralement aujourd’hui que ces dix-huit poèmes furent composés vers l’époque de la conquête de Jérusalem par Pompée, en 63 avant J.-C ; quelques-uns peut-être avant cette date, quelques autres certainement un peu plus tard, de sorte que les années 80-40 avant notre ère peuvent servir de date moyenne. En effet, les psaumes de Salomon, surtout les psaumes ii, viii, xvii, supposent la situation suivante : Les Juifs sont gouvernés par des rois qui n’appartiennent pas à là race de David, xvii, 5-8, mais à une famille d’usurpateurs qui se sont emparés de la couronne, et sous l’administration desquels toute la nation est tombée dans le péché, xvii, 7-8, 21-22. Le Seigneur renversera ces mauvais princes ; contre eux s’est levé un envahisseur étranger, qui, conduit par Dieu, est arrivé des extrémités de la terre, déclarant la guerre à Jérusalem et à la nation entière, xvii, 8-9. Les chefs du peuple sont allés au devant de lui et lui ont ouvert les portes de la ville, de sorte qu’il y est entré comme dans sa propre maison, viii, 15-20. Après s’être installé dans la cité, il a massacré de nombreux habitants, choisis parmi les plus distingués, et il a renversé les remparts au moyen du bélier. Cf. ii, 1, 20 ; viii, 21-24. L’autel du Seigneur n’a pas été épargné, n, 2. En grand nombre aussi, d’autres citoyens ont été emmenés captifs dans l’Occident, et les princes ont subi d’odieux outrages. Cf. ii, 6 ; viii, 24 ; xvii, 13-14. Mais finalement, le « dragon » qui avait humilié Jérusalem a péri lui-même, égorgé près des montagnes d’Egypte, sur la mer, et son cadavre a été privé d’une sépulture honorable, ii, 29-31. Or, il est évident que ces diffé rentes circonstances se rapportent à la conquête de Jérusalem par Pompée, puis à sa mort (48 avant J.-C). « Les princes qui s’étaient arrogé la royauté en Israël et s’étaient emparés du trône de David sont les Ilasmonéens, qui, depuis Aristobule I « r, portaient le tilre de rois… L’homme étranger, qui frappe avec force, que Dieu a amené de l’extrémité de la terre, c’est Pompée. Les princes qui vont au devant de lui sont Aristobule II et Hyrcan 11. Les partisans de ce dernier ouvrirent les portes de la ville à Pompée, qui s’empara ensuite par la force du reste de la ville, où le parti d’Àristobule s’était retranché. Tous les autres détails, la violation du temple par les envahisseurs, le massacre des citoyens les plus distingués, la déportation des prisonniers en Occident, et aussi des princes pour qu’ils servissent au triomphe du vainqueur, tous ces détails correspondent à l’histoire, » telle qu’elle nous est racontée par les anciens historiens. Schûrer, Geschichte des Volkes Israël, 3e édit., t. iii, p. 152. Le transport des prisonniers en Occident, xvii, 14, est une circonstance décisive en cet endroit, car, indépendamment de la conquête de Jérusalem par Titus, de laquelle il ne saurait élre question ici, ce trait ne convient à aucune autre victoire que celle de Pompée. S’il restait encore quelque doute, il disparait dès qu’on lit les détails relatifs à la mort du conquérant, tant ils correspondent à la lettre avec ce que les anciens auteurs nous racontent de la fin tragique de Pompée. Cf. Plutarque, Pompée, lxxx, 1-2 ; Tacite, Hist., v, 9 ; Strabon. XVI, ii, 40 ; Dion Cassius, xxxviii, 15-16 ; xlii, 3-8. Voir aussi Josèphe, Bell, jud., i, vi-xix ; Ant. jud., XIV, iii-iv ; Orose, Hist. Eccl., vi, 6, t. xxxi, col. 1004-1U06. En somme, les Psaumes de Salomon appartiennent à la dernière période de l’histoire de l’ancienne théocratie.

IV. Esprit religieux de ces psaumes. — Il confirme ce que nous venons de dire au sujet de l’époque de leur composition. Il ne diffère pas de l’esprit légal, de l’esprit pharisaïque, tel qu’il est si bien décrit dans nos évangiles ; aussi, plusieurs des savants qui se sont occupés de ce petit psautier, entre autres MM. Ryle et James, Font-ils nommé assez justement « le psautier des pharisiens. » Voir col. 841. Une très grande importance y est attachée aux œuvres légales ; c’est d’elles que nos psaumes font dépendre la résurrection pour la vie éternelle ou l’éternelle condamnation. La gjxaioaiivr 7tpo(7Tay(i(2Tii>v, c’est-à-dire l’accomplissement intégral, non pas précisément de la loi divine, mais surtout des prescriptions pharisaïques, y apparaît comme le comble de la vertu. Cf. iii, 16 ; ix, 9 ; xiv, 1, etc. Les psaumes de Salomon doivent donc avoir été composés dans le cercle des pharisiens, qui luttait alors de toutes ses forces contre le parti sadducéen. Ce.s cantiques insistent fréquemment sur le contraste qui existe entre les hommes pieux et les impies, les justes et les pécheurs. Mais ces dénominations sont prises surtout par le dehors : les hommes pieux sont ceux qui pratiquent les observances pharisaïques ; par contre, les impies ne diffèrent pas des Sadducéens. — On voit par ces détails que les Psaumes de Salomon sont d’un » grande utilité pour nous faire connaître le judaïsme de l’époque à laquelle ils appartiennent, avec ses sentiments religieux, son idéal politique et historique.

V. Auteur. — Le P. de la Cerda, qui admettait l’authenticité du titre général, « Psaumes de Salomon », et des titres spéciaux placés en tête de la plupart de ces dix-huit cantiques, « de Salomon », etc., croyait que Salomon était réellement l’auteur de notre collection. Mais cette opinion, condamnée, nous venons de le voir, par le contenu mêmedes poèmes, fut réfutée de bonne heure et ne trouva dès lors aucun défenseur sérieux. Cf. Huet, Demonstr. evangel., iv ; Neumann, De Psaltcrio Sal&monis, Wiltemberg 1687. Aucun dé-