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PSAUMES (LIVRE DES)


Psaumes, ils les chantent aussi bien chez eux qu’en public.. Et quel enseignement n’y puisons-nous pas ? l'éclat de la force, la perfection de la justice, la gravité de la tempérance, la plénitude de la prudence, la manière de faire pénitence, la juste mesure de la patience, en un mot toute sorte de biens ! Là se trouve une théologie parfaite, là les prophéties de l’Incarnation, la menace du jugement, l’espérance de la résurrection, la crainte du supplice, les promesses de la gloire, la révélation des mystères ; tout cela se trouve dans le Psautier comme dans un grand et riche trésor. » Théodoret s’exprime d’une façon presque identique dans la Préface de son Commentaire, t. lxxx, col. 857.

XIII. Beauté des psaumes.

Sur ce fond tout divin fourni par l’inspiration, les auteurs du Psautier ont jeté leur empreinte personnelle, en le colorant des pensées et des sentiments les plus variés, les plus grandioses, les plus vifs, les plus profonds et les plus humains vis-àvis de Dieu, de son temple, de sa cité sainte, de sa loi, de sa création tout entière, du peuple croyant, des nations infidèles, des destinées du monde ou des nécessités de l’existence personnelle. À la vérité la langue hébraïque manque de nuances et de précision, elle n’a pas la souplesse et la logique de nos idiomes : mais les Psaumes n’y perdent guère, ils y prennent plutôt un caractère d’universalité et de grandeur hiératique d’où est banni tout ce qui est trop personnel et trop étroit, trop étudié ou trop mesquin : leur rythme poétique, grâce au parallélisme, à la strophe ou au refrain, est facilement traduisible en nos langues ; et leur grandeur un peu abstraite permet à chacun de se les appliquer. Rien n’est beau, dans aucune poésie, comme les Psaumes messianiques : Quare fremuerunt génies ; Deus judicium tuum régi da ; Misericordias Domini ; Dixit Dominus ; rien n’est grandiose, recueilli, coloré et varié comme les tableaux de la création dans Domine Dominus noster ; Cœli enarranl ; Benedic anima mea Domino ; comme la peinture de la tempête dans le Diligam te et Afferte Domino : rien n’est sublime comme la description des attributs de Dieu dans le premier Benedic anima mea] ; le Domine probasti me. Aucun sanctuaire vénéré, aucune des cités du monde antique n’ont été aimés, chantés, glorifiés et pleures comme Jérusalem et son temple dans les Psaumes religieux, triomphants, prophétiques ou élégiaques des fils de Coré et d’Asaph. Le groupe des cantiques graduels (Psaumes du pèlerinage hiérosolymitain) est plein de vie, de fraîcheur, de naïveté, d’enthousiasme ; il donne les leçons de la foi la plus sublime et de la morale la plus pure dans une langue simple, animée et populaire. Aucune littérature n’a rien qui égale le sentiment de confusion, de repentir, de confiance aussi dans le pardon divin des Psaumes de la pénitence, surtout du Miserere et du De profanais. Aucune histoire n’a été décrire comme celle d’Israël dans les trois Psaumes Confitemini, VExurgat, Vin exitu Israël ; nulle religion, nulle philosophie n’a été exposée, développée, méditée et surtout exaltée et aimée comme la loi de Jéhovah dans les Psaumes moraux l, cxix(cxviii). Aussi saint Jérôme pouvait-il écrire dans sa Prsef. in Chronic. Euseb., t. xxvii, col. 36 : Quid Psallerio canorius, quod in morem nostri Flacci et Grseci Pindari nunc iambo currit, nunc alcaïco Personal ! L’impression de beauté et de perfection ne fait que s’accroître si l’on met en face des Psaumes hébreux les chants religieux des autres peuples, Vêdas, Gathas, textes égyptiens, psaumes assyriens et babyloniens : ces derniers sont ceux qui se rapprochent le plus de nos Psaumes ; mais malgré des coïncidences partielles, ils en demeurent encore séparés de toute la distance de l’humain au divin.

XIV. Les psaumes et la récitation du bréviaire.

La récitation du Bréviaire crée pour ceux qui y sont obligés, une véritable nécessité de faire une étude spéciale du Psautier, non seulement abstraite et purement scientifique, mais encore au point de vue spécial de la prière. Il est incontestable que cette étude doit être basée sur le sens littéral des Psaumes, sur celui que le Saint-Esprit, leur auteur, avait en vue, et non pas sur les accommodations plus ou moins arbitraires par lesquelles on s'évite la peine de pénétrer jusqu’au sens véritable. Le reproche de saint Jean Chrysostome, dans son commentaire sur les Psaumes, serait plus grave, s’il s’appliquait aux ecclésiastiques, qu’il ne l'était adressé aux fidèles qu’il instruisait : Vos qui ah infanlia ad extremam usque senectutem Psalmuin hune méditantes, nihil aliud quant verba tenetis, quid aliud facitis nisi quod thesauro absconso assidetis, et obsignatam crumenam circumfertis ? In Ps. ext, t. lv, col. 427. Ce serait négliger une portion obligatoire et principale de la science ecclésiastique, se priver du vrai moyen de dire pieusement le saint office et renoncer à une véritable jouissance spirituelle non moins qu’intellectuelle. Il faut donc, principalement pour le nombre relativement restreint des Psaumes de récitation fréquente, s’appliquer à en saisir le sens général, en bien préciser le sujet, à voir surtout l’enchaînement des idées, souvent indiqué par la division strophique, sans vouloir néanmoins que dans la récitation l’esprit s’attache à tous les détails, ni même exiger que dans l'étude préalable il en approfondisse d’abord toutes les obscurités. Il ne faut pas quitter ce sens littéral dans la récitation des Psaumes théologiques, messianiques ou moraux du Bréviaire. Les premiers nous dépeignent Dieu, ses attributs, la création, son gouvernement du monde, sa justice, sa miséricorde et finalement sa royauté établie sur toute création ; les secondes décrivent les gloires du Messie, ses souffrances, son empire sur les nations et nous servent à nous unir à la prière qu’il fait lui-même à son Père : Postula a me, et dabo libi génies hxreditalem luam. Ps. ii, 8. C’est l’accomplissement de sa loi en nous et dans les autres que nous devons demander dans les Psaumes moraux, tels que i, xviii (xix), et surtout cxviii (exix), dont chaque verset est comme la répétition des demandes du Pater, adveniat regnum tuum, fiât voluntas tua. Les Psaumes relatifs à Jérusalem, à sa beauté, à ses épreuves, à ses triomphes, aux destinées glorieuses que Dieu lui réserve, sont des chants prophétiques qui ont bien plus en vue l'Église et la Jérusalem céleste que celle de la terre, comme on le voit dans lxxxvi (lxxxvii), cxxi (cxxii), cxlvii, et autres. Les Psaumes historiques, outre leur sens propre déjà suffisant à remplir l’esprit des pensées de la puissance, de la bonté et de la justice de Dieu dans la conduite d’Israël, ont en outre un sens figuratif ou spirituel, suivant la doctrine de saint Paul et de toute l'Écriture ; H sec omnia in figura conlingebant illis. I Cor., x, 'II. C’est ainsi que le Psaume ex (exi) relatif à la sortie d’Egypte, aux prodiges du désert, à la promulgation de la loi, à la prise de possession de la Palestine est appliqué par les Pères à la conversion des nations, à leur évangélisation, aux biens spirituels de l'Église, à la patrie céleste ; on peut dire que c’en est l’interprétation générale dans saint Augustin, Enarrationes in Psalm., t. xxxvii, col. 674966. Enfin les Psaumes personnels sont rédigés de telle sorte que leur texte, loin d'être particulier à David, à Asaph ou aux autres Psalmistes, trouve une application facile à la vie intime de chacun des lecteurs, comme déjà on en voit, la remarque dans saint Athanase, Epist. ad Marcellin., t. xxvii, col. 19 : Hoc sibi proprium et admirandum habet quod eliani uniuscujusque animi motus eorutnque mutatxones et castigationes in se descripta et expressa contineat… singuhs in rébus quisque reperiet divina cantica ad nos nostrosque motus motnumque temperationes accommodata. Les Psaumes de la pénitence, ceux de recours à Dieu au milieu des