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PSAUMES (LIVRE DES)


ses citations du Psautier étant prises aux Septante, il n’y a guère de conclusion spéciale à en déduire.

Le Psautier est un des livres de l’Ancien Testament le plus souvent reproduit dans les manuscrits grecs : mais c’est aussi un de ceux dont le texte a reçu le plus grand nombre d’altérations : les travaux critiques d’Origène, loin de lui conserver sa pureté primitive, ont souvent même contribué à augmenter la confusion, car on a parfois substitué aux Septante, ou même on leur a superposé les différentes traductions grecques des Hexaples, supprimant les signes diacritiques, astérisques et obèles, et mélangeant dans une rnéme phrase des versions différentes : ainsi au début de xxii (xxi) nous lisons à ©s’oc, 6 ©eô ; (no-j, np6<r/e{ [loi, traduit dans la Vulgate exactement : Deus Deus meus, respice in me : or ce sont deux traductions juxtaposées des mêmes mots hébreux : 'Êlî 'Êli, qu’on peut entendre Deus meus, Deus meus, ou bien in me, in me (sous entendu respice). Dans l'Évangile, Notre-Seigneur le cite selon l’hébreu et la traduction qui y est jointe omet le respice in me des Septante. Eusèbe, InPsalm., t. xxiii, col. 204, fait aussi remarquer que npôoye ; jjioi n’a pas d'équivalent dans l’hébreu. Saint Jérôme avait soigneusement indiqué ces signes critiques dans son Psautier ex Origenis Hexaplis ou gallican ; mais là aussi les copistes les supprimèrent comme il s’en plaint souvent, par exemple Epist., cvi, 55, t. xxii, col. 857 : Qux signa dum per scriplorum negligenliam a plerisqae quasi superflua relinquuntur, magnus in legendo error exoritur. Toute cette lettre de saint Jérôme est pleine de remarques critiques analogues qui s’appliquent aussi bien au Psautier grec qu’au lalin. Au Ps. cxxxii (cxxxi), 4, on lit un doublet d’origine analogue : toi ; pUtpàpot ; i.av vj<tc « y(jiôv xa àvimxvaiv toï ; y.poiàçoiî (iou, (si dedero) soninum oculis mets, et palpebris nieis dornritationem, la seconde partie étant une deuxième traduction des mêmes mots hébreux empruntée à Théodotion. Dans le même Psaume nous lisons, ꝟ. 15, ttjv yjipoiv (aOir, ; bio^ûiv tvloyr^aui) viduam (ejus benedicam benedicam), qui est une altération subséquente pour tï|v Oïipàv : « Ubi enim nostri legunt viduam ejus benedicens benedicam… in hebrseo habel Seda idest cibaria ejus. » S. Jérôme, Qusest. hebraic. in Gen., xlv, 21, t. xxiii, col. 1000.

Mais les altérations les plus nombreuses et les plus profondes sont antérieures à la traduction grecque : les scribes d’alors transcrivaient les textes hébreux, et le Psautier particulièrement, avec des négligences qui contrastent vivement avec le soin dont leurs successeurs commencèrent à faire preuve après l'ère chrétienne. Dans le Ps. ix-x (ix des Septante et de la Vulgate), qui est alphabétique, on n’a conservé que la moitié des strophes primitives, les autres appartiennent à une composition différente et sans alphabétisme : les autres Psaumes alphabétiques sont copiés plus exactement, mais il y a aussi des lacunes, et souvent addition d’un verset final non alphabétique. Le début du Psaume vm est évidemment altéré de même que le y. 3, lema’an sorarêka lehasbïf 'ôyeb u-mitnaqêm, propter inimicos ut destruas inimicum etultofem ; le texte du Psaume xviii (xvii) est fort différent de la reproduction qui en est donnée dans II Sam. (Reg., xxii), où le texte semble meilleur ; le Ps. xxiv (xxm) a une finale ꝟ. 7-10 étrangère au sujet, le portrait du juste ; la finale de xxxix (xxxviii) paraît écourtée : xlii-xli et xlih-xui sont séparés sans raison ; xlvi (xlv) a perdu son premier refrain après jꝟ. 4 ; lui (lu) et xiv (xm) identiques offrent des variantes multiples ; lx (lix) et cvm (cvn) dans leur partie identique présentent des variantes nombreuses ; lxxx (lxxix) a perdu son troisième refrain ; lxxxvih (lxxxvii) a perdu sa conclusion ; , cvhi (cvii) offre des variantes inattendues de lx et lviii qu’il’copie ; les deux parties de cxvi, séparées dans les Septante et la Vulgate, sont réunies à tort dans l’hébreu, etc. Grætz a

raison de dire que le Psautier, précisément à cause de son caractère populaire, est l’un des livres les plus altérés de la Bible, Kritischer Kommentar zu den Psalmen, Breslau, 1882, t. i, p. 145 ; mais il exagère outre mesure quand il ajoute que « très peu de Psaumes sont demeurés totalement intacts, tandis que beaucoup fourmillent de tant de fautes qu’il sont devenus totalement incompréhensibles. » Les altérations qu’a subies le texte des Psaumes sont d’ailleurs sans importance grave au point de vue doctrinal. Elles intéressent surtout les critiques et l’on en trouve d’analogues dans tous les livres anciens qui ont été fréquemment transcrits.

Traduction des Septante.

Quant à la version grecque dite des Septante, elle a été faite au deuxième siècle avant Jésus-Christ, en un temps où l’hébreu était un peu moins altéré que le texte massorétique, mais où il avait déjà perdu en très grande partie son intégrité primitive. En outre, les interprètes à qui l’on doit la version des Psaumes sont de beaucoup inférieurs aux traducteurs du Pentateuque ; ils connaissent l’hébreu vulgaire de leur temps, fortement aramaïsé, mais paraissent fortpeuau courant de la langue littéraire classique ; ils distinguent rarement entre les différentes significations d’un mot ; et dans les passages difficiles, fréquents dans les Psaumes à cause de leur caractère poétique, ils se contentent de traduire isolément chaque terme hébreu par un mot grec, sans se préoccuper du sens, ou de l’absence de sens, qui en peut résulter pour l’ensemble. Les relations des mots entre eux, quand elles sont exprimées en hébreu, le sont souvent par des particules fort différentes des conjonctions ou prépositions grecques par lesquelles ils essaient de les traduire, le vav conjonctif hébreu par exemple, signifiant à lui seul suivant les cas, et, maïs, ou, alors, au contraire, parce que, quoique, etc. : or, ils le traduisent presque toujours par %oà, qui donne un sens fort différent ; enfin le verbe hébreu exprime la modalité, certaine et incertaine, absolue ou conditionnée, et nullement la division du temps, présent, passé ou futur ; or, ilsohtrendu presque invariablement la modalité certaine par le passé, l’incertaine par le futur. Il faut ajouter que le texte hébreu alors n'était pas ponctué de voyelles, que les mots n’y étaient pas séparés, non plus que les phrases ni les Psaumes eux-mêmes. S’ils n’ont pas commis plus d’erreurs, il faut l’attribuer à une certaine connaissance traditionnelle qui leur restait de la signification des Psaumes et de leur emploi dans le "culte judaïque. C’est à eux que l’on doit faire remonter la responsabilité des nombreux passages étranges que renferme la Vulgate.

Traduction latine des Psaumes dans la Vulgate.

La version latine en effet est une traduction très littérale des Septante ; sa forme primitive nous est connue par les citations des Pères et quelques rares manuscrits ; outre les particularités de la lingua rustica qu’elle partage avec tous les textes bibliques antérieurs aux travaux de saint Jérôme, elle a les qualités et les défauts de la version grecque du Psautier : texte hébreu plus ancien que la recension massorétique, et multiples imperfections des premiers traducteurs, auxquelles vinrent se joindre beaucoup de fautes de copistes et de multiples interpolations. Ce texte servit de base au premier travail de saint Jérôme pendant son séjour à Rome sous le pape saint Damase ; il fut fait vraisemblablement sur Vltala, qu’il revit, non sur l’hébreu, mais sur la KoivtJ ou Vulgate grecque : ce fut une revision partielle et hâtive : Psalterium Romæ dudum positusemendaram… ; et juxta Septuaginla interprètes cursim, … magna ex parte, dit-il lui-même ; il ajoute que le texte ainsi expurgé fut bientôt altéré de nouveau : Scriptorum vitio depravatum, plusque antiquum errorem, quam novam emendationeni valer.e.