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PSAUMES (LIVRE DES)


que le juste ne demeurera pas dans le sëôl, qu’il vivra devant la face de Jéhovah y trouvant plénitude de joie et des délices éternelles ; xvii (xvi), 14-15, exprime le même espoir presque dans les mêmes termes ; le juste se trouve plus heureux que le méchant, rassasié de richesses, comblé d’enfants et de petits-enfants ; xux (xlviii), 15, représente les impies conduits au sëôl par la mort qui sera leur berger : tandis que le juste sera racheté par Jéhovah de l’étreinte du sëôl, et que Jéhovah le prendra avec lui. C’est l’acheminement à la croyance à l’immortalité de l’âme, sinon déjà une pleine profession de cet article de foi, mis par l’Évangile seul dans toute sa lumière. Les Psaumes vi, xxx (xxix), xxxix (xxxviii), lxxxvih (i.xxxvii), sont moins précis : ils nous représentent le sëôl comme la terre de l’oubli, de l’éternel silence et de l’éternelle nuit que la pensée et la louange de Jéhovah n’interrompent jamais, sorte d’état, non d’anéantissement total, mais d’effacement et de semi-inconscience, analogue aux croyances babyloniennes, mais dont les mythes babyloniens eux-mêmes, tels que la descente d’Istar aux enfers, nous montrent qu’on ne doit pas prendre toutes les expressions au pied de la lettre, pas plus qu’il ne faudrait le faire dans les textes hébreux. Quand nous-mêmes nous disons d’un mourant qu’il a cessé de vivre, qu’il n’est plus, nous sommes loin de faire une profession de foi matérialiste ; il n’en faut pas voir davantage dans les formules des Psaumes : et amplius non ero : . « (donne-moi un peu de repos) avant que je cesse d’être (parmi les vivants), » sans préjudice à l’existence subséquente, dont les seules conditions d’eux connues ; n’avaient à leurs regards et avant toute révélation plus précise, rien de particulièrement attrayant. Présentement bien des croyants, persuadés cependant de la vie future, parlent encore de la sorte.

Psaumes imprécatoires : xviii (xvii), 38-40 ; xxxv (xxxiv), lu (li), lix (lviii) ; lxix (lxviii), 3-29 ; cix (cvin), 6-20 ; cxxxvii (cxxxvi), 7-9. — La justice de Dieu, dont le principe tient si fort à cœur aux Psalmistes, s’exerce sur les nations comme sur les* individus : par conséquent, les nations idolâtres ne peuvent prévaloir définitivement contre Israël croyant et fidèle à Dieu : Effunde tram tuam in génies quse te non novet runl.’Ps. Lxxxviir, 6 ; bien plus les ennemis d’Israël sont aussi les ennemis de Dieu même, puisqu’Israël est seul à connaître et louer le vrai Dieu : leur ruine ou leur châtiment est donc certain à ses yeux. Ceci n’est pas seulement une certitude de foi, c’est aussi un objet de désir de la part d’une partie des Psalmistes, désir d’autant plus grand que plus grand est leur amour pour Jéhovah et son régne. C’est ce désir qui fait le fond des Psaumes dits imprécatoires, dont la plupart sont non des Psaumes individuels, mais des Psaumes nationaux : Israël est sûr que Dieu triomphera de ses ennemis ; ce jour de Jéhovah, le Psalmiste l’appelle de tous ses vœux, dans lesquels se mêlent à la fois l’amour de Jéhovah et le sentiment national. Quant aux formules que révêtent ces sentiments et à ce qu’elles paraissent avoir d’exagéré et de cruel, il ne faut pas oublier que le style de ces morceaux est poétique ou même prophétique, c’est l’hyperbole qui lui donne sa couleur, sa vivacité et sa chaleur, et le sens réel en doit être beaucoup adouci. Du reste, les termes sont empruntés au vocabulaire courant de l’époque, et aussi aux terribles droits de la guerre d’alors : ceux-là seuls s’en étonnent qui ignorent comment les vainqueurs anciens traitaient leurs vaincus, se faisant même gloire de leur cruauté, comme on peut le voir dans les Annales des rois d’Assyrie, en particulier d’Assurnasirpal et d’Assurbanipal. Dans le Super, ftumina Babylonis, le Psalmiste, sous une forme opta tive dictée par sa conviction du triomphe final par son amour pour le règne de Dieu et par son attachement à sa patrie, la Jérusalem terrestre, ne fait que dépeindre d’une manière poétique comment on traitait trop souvent les villes prises d’assaut ; on traitera Babylone comme celle-ci a traité la ville sainte : ami comme il est de la justice, Jéhovah ne doit pas vouloir moins ! Les mêmes principes d’explication doivent prévaloir dans les Psaumes certainement individuels : le véritable Israélite se considère comme le représentant du vrai Dieu, de la justice et de la religion sur la terre : il est sûr de son triomphe final, et il le décrit sous une forme optative ou prophétique : ses ennemis lui en veulent parce qu’il est le serviteur de Jéhovah, et à ce titre il est sûr que Dieu prendra en main sa défense, qu’il réduira à néant les projets de ses ennemis, qu’il châtiera tous leurs crimes. Ici, de plus, nous devons rappeler que les sentiments de charité que la loi chrétienne nous oblige d’avoir pour nos ennemis, rendant le bien pour le mal, et priant pour ceux qui nous persécutent, sont d’origine exclusivement évangélique : là aussi, comme dans la question de la vie future, l’Evangile a mis dans notre foi et notre conscience des données nouvelles ; c’est en cela que consiste le principal progrès de la révélation morale.

Psaumes messianiques.

Ils tiennent une place particulièrement importante dans la collection : il en faut distinguer deux espèces, les uns nationaux, les autres personnels. Le but final des deux espèces est le même, c’est d’annoncer et de préparer le règne de Dieu, sur les nations infidèles jusqu’aux extrémités du monde : les Psalmistes saluent bien souvent, spécialement de xc (lxxxix) à ci (ci), cet avenir messianique. « Les idoles seront renversées et les dieux du monde, c’est-à-dire ses princes, avec leurs peuples, se joindront au dieu d’Abraham, ils deviendront des citoyens de Jérusalem ; » termes et idées analogues à Isaïe xix et toute la seconde partie du même prophète ; outre ce groupe, on les rencontre encore dans des Psaumes isolés tels que xlvii (xlvi), xcvn (xevi), lxviii (lxvii), 29-36, etc.

Mais la diversité commence où l’on étudie l’instrument de cette conversion du monde ; dans certains Psaumes on ne mentionne qu’Israël en général, c’est Israël qui soumettra les nations, enchaînera leurs princes, et chantera la gloire de Jéhovah (Ps. cxlix) ; c’est donc une formule de messianisme ethnique, un royaume des Saints, analogue à celui des Visions de DanUl, vii, 17-18, 25-27. D’autres Psaumes ^sont plus précis. Il y est question d’un personnage particulier, d’un roi qui étendra partout le culte de Jéhovah, qui fera cesser l’injustice, qui donnera au monde la paix, dont la puissance sera partout reconnue ; on en fait différents portraits, les uns le représentent surtout comme un conquérant, d’autres accentuent davantage sa mission religieuse, l’iniquité et la violence disparaîtront à son avènement, il sera d’une façon particulière fils de Dieu. Ce portrait du Messie revient souvent dans les Psaumes comme dans les prophètes ; Ps. ii, ex (cix) ; i.xxii (lxxi) on y joint des annonces de prospérité temporelle qu’il faut, également comme dans les prophètes, Isaïe, xi, 6-9, prendre au sens allégorique : lxxh (lxxi), 16-18 ; cxxxti (cxxxi), 14-16 ; cxliv (cxliii), 12-15. Un trait particulier du Messie qui ressort de plusieurs passages, c’est que l’établissement du royaume de Dieu sur la terre sera le résultat de ses souffrances ; l’humiliation et les souffrances du Serviteur de Dieu, suivies de sa glorification, amèneront le monde à croire à cette puissance de Jéhovah ; en certains endroits, comme dans Isaïe, liii, et dans le Psaume xxii, le caractère individuel de la victime, de ses souffrances et de celle délivrance est précisé ; et la fidélité de la peinture du sacrifice de la Croix a frappé tous les lecteurs, au point que les Évangélistes n’ont pas irîanqué de la souligner, que le Christ lui-même sur la croix a voulu montrer cette prophétie réalisée dans sa personne. Voir JÉsus-CHRisr, prophéties, t. iii, col. 1433.