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PROVERBES (LIVRE DES)


tées par Baumgartner), op. cit., p. 9. Indépendamment même de ces circonstances, il était à peu près impossible .au traducteur grec de rendre littéralement les mots d’un mâsâl dont l’expression portait si fortement accusée l’empreinte du cachet sémitique ; et alors, tantôt un verbe, tantôt un qualificatif, tantôt une périphrase -devaient être ajoutés avant que la formule hébraïque devînt intelligible à des esprits grecs.

Les différences entre le texte massorétique et la version grecque des Proverbes ne consistent pas uniquement dans des manières différentes de rendre une pensée. Il y a, entre les deux, d’autres divergences plus notables, et telles que la plupart des auteurs en concluent que cette traduction a dû être faite sur un manuscrit hébreu différent du texte massorétique qui nous est parvenu (Vigouroux, Baumgartner, Toy, etc.). Il y a des changements dans la composition même de distiques qui de synthétiques sont devenus antithétiques ; il y a omission de plusieurs passages contenus dans le texte hébreu et l’on ne voit aucune raison pouvant légitimer cette disparition ; il y a surtout des additions de passages assez nombreux, provenant plus probablement d’un texte hébreu plutôt que d’un original grec (Vigouroux, Baumgartner, Toy) ; on y constate encore des changements relativement à la distribution des chapitres à partir dé 24. Ainsi, après xxiv, 22, de l’hébreu le grec intercale xxx, 1-14, puis xxiv, 23-34, ensuite xxx, 1-9, « iprès xxv-xxix, et enfin xxxi, 10-31.

La version grecque représentant un texte hébreu plus -ancien que le texte massorétique constituerait un excellent moyen de critique littéraire du texte hébreu reçu, si les particularités de sa composition et les modifications qu’elle a subies avant et après les recensions du irie siçcle, n’avaient un peu diminué sa valeur critique, bien qu’elle soit encore assez notable.

2° La version sahidique, éditée par Ciasca, qui comprend une grande partie des Proverbes, pourrait èlre très utile pour la reconstitution du texte ancien des Septante, en tant que cette version a été faite avant les recensions et dans la suite n’en a subi qu’assez peu l’influence, Hyvernat, Versions coptes, dans la Revue biblique, 1896, p. 427-433, 540-569 ; 1897, p. 48-74. — Pendant longtemps, la Peschitto avait été considérée comme dépendant du ïargum des Proverbes et indépendante des Septante, ce sentiment est maintenant complètement abandonné. R. Duval, Littérature syriaque, 3e édit., 1907, p. 32. La question des rapports de la Peschito relativement aux Septante a été particulièrement étudiée par H. Pinkuss, Me syrische Ubersetzimg der Prov. textkntisch untersucht, dans la Zeitschr. fur die alttest. Wissenschaft, t. xiv, 1894, p. 65-141, 161-222.

3° La date de composition de la Peschito, en ce qui concerne les Proverbes, est assez incertaine, ce livre n’étant point de ceux dont la traduction s’imposât en premier lieu : les uns comme R. Duval, op. cit., p. 31, ne font terminer l’ensemble de la traduction qu’au IVe siècle, tandis que d’autres, avec Baumgartner, op. cit., p. 14, ne descendraient pas au delà du milieu du IIe siècle. La traduction aurait été faite sur un manuscrit hébreu à peu près identique au texte massorétique, puis plus tard revision de cette traduction d’après les Septante, R. Duval, op. cit., p. 33 ; au viie siècle, au moment de la version syro-hexaplaire de Paul de Telia, Baumgartner, op. cit., p. 14 ; à rencontre de cette opinion celle de Frankenberg, qui prétend que l’influence du grec remonte au traducteur ; tout en suivant l’hébreu pour le fond il se serait inspiré en même temps de l’œuvre des Septante. Comme par ailleurs la traduction syriaque a une allure assez Jibre, qu’elle paraphrase en certains passages, ces diverses particularités diminuent sa valeur critique.

4° Le Targum des Proverbes suit de très près Ja .Peschito et en dépend. Dalhe, De ratione consensus

versionis chald. et syr. Prov. Salom. ; R. Duval, Littérature syriaque, p. 32. Les passages où il s’en écarte proviennent probablement d’une revision faite d’après le lexte massorétique. On ignore sa date, il peut être très ancien ; la défense de mettre par écrit les explications targumiques, si longtemps en [vigueur, ne s’appliquant qu’aux livres bibliques lus dans la synagogue.

5° La traduction des Proverbes dans la Vulgate latine est l’œuvre de saint Jérôme ; elle fut faite très rapidement, en même temps que celle de l’Ecclésiaste et du Cantique. Voir Ecclésiaste, t. ii, col. 1543-1557, et Cantique des Cantiques, t. ii, col. 185-199. D’une façon générale elle suit assez fidèlement le texte massorétique sur lequel elle a été faite. Elle porte cependant des traces de l’influence des Septante, probablement par l’intermédiaire de l’ancienne version latine, très bien connue de saint Jérôme, Baumgartner, op. cit., p. 16 ; Toy, Proverbs, p. xxxiv ; Frankenberg pense plutôt que les emprunts aux Septante constatés dans la Vulgate seraient postérieurs à saint Jérôme et l’oeuvre de copistes qui ont voulu compléter la version hiéronymienne avec l’aide de l’ancienne version latine faite sur le grec ; de fait la comparaison entre la Vulgate Clémentine et le Codex Amiatinus, de la fin du VIIe siècle, voir Amiatinus (Codex), t. i, col. 480, semble favoriser cette opinion. La Vulgate renferme donc la plus grande partie des additions des Proverbes qu’on trouve dans les Septante, mais elle en contient aussi un certain nombre qui lui sont propres.

X. Comparaison avec les autres livres sapientiaux.

— Le livre des Proverbes est ordinairement rapproché des autres livres sapientiaux avec lesquels il a des ressemblances pour le fond comme pour la forme. — 1° Au point de vue du vocabulaire, on y trouve certaines expressions dont l’usage est assez fréquent dans ces livres comme se rapportant plus particulièrement à leur objet spécial : les mots exprimant le commandement, la loi, l’instruction, la connaissance de la vérité, la sagesse. Toy, Proverbs, p. xxiv, a dressé une liste comparative de ces expressions, telles qu’on les rencontre dans les Proverbes, Job et l’Ecclésiastique.

2° La composition littéraire de ces livres se signale par une constante fidélité à garder les lois du parallélisme. Le rapprochement est plus particulièrement remarquable avec l’Ecclésiastique (voir Ecclésiastique, t. ii, plus spécialement col. 1543-1557) et dans l’un et l’autre se trouve la même préoccupation d’apporter une grande variété dans l’emploi de cette règle fondamentale de la poésie hébraïque. Le simple distique est cependant plus fréquent dans les Proverbes que dans l’Ecclésiastique, et les chap. i-ix, malgré une certaine unité constatée dans les discours et les exhortations de la Sagesse, ne présentent point ce caractère d’unité que revêt 1’  « Éloge des anciens » dans Eccli., xliv-xlix.

3° Quant à [l’objet du livre, les Proverbes se rapprochent également beaucoup plus de l’Ecclésiastique que des autres livres sapientiaux. L’étude de la Sagesse fournit la note caractéristique de ces deux ouvrages comme elle donne une certaine unité à tout l’ensemble de leur contenu : son origine divine (Prov., vin ; Eccli., xxiv), et surtout ses conseils pratiques pour l’instruction des hommes. L’un et l’autre livre constituent un manuel pratique pour l’instruction et la formation de ceux qui veulent se constituer les disciples de la Sagesse. L’ensemble des vérités religieuses qu’ils renferment sur Dieu, sur la rétribution, sur la conduite de l’homme et sa dépendance vis-à-vis de Dieu, sont envisagées au même point de vue ; à noter cependant la perspective nationale constatée dans Eccli., xxiv, qu’on ne trouve point dans les Proverbes. Il y a aussi grande analogie dans la description de la vie sociale que nous révèlent les Proverbes et l’Ecclésiastique.