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PROVERBES (LIVRE DES)

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On peut cependant établir des rapprochements entre les données des écrits prophétiques et les Proverbes : l’élévation de la pensée religieuse de ceux-ci, dit-on, dépasse de beaucoup le milieu religieux ordinaire antérieur à l’exil, mais n’y a-t-il pas certains passages bien authentiques d’Amos, d’Osée, d’Isaïe qui dépassent, et notablement, les données religieuses de nombreux passages de l’Ecclésiastique, ou de certains psaumes sûrement post-exiliens ? Et précisément en ce qui concerne la doctrine de la Sagesse, le rapprochement de date avec l’Ecclésiastique n’est peut-être pas aussi favorable qu’ils le veulent bien prétendre aux conclusions de ceux qui le soutiennent. La différence assez sensible qui sépare les données « sapientiales » des Proverbes de celles de l’Ecclésiastiquer réclame un laps de temps plus long qu’ils ne le reconnaissent et un milieu religieux sensiblement différent. Dans les Proverbes la Sagesse conserve son caractère universel et on ne la rencontre pas encore s’identifiant avec l’enseignement et la pratique de la Loi, ainsi qu’on le constate dans Eccii., xxiv. Loisy, Les Proverbes de Salomon, p. 27.

L’absence de toute préoccupation rituelle dans l’ensemble des conseils de la Sagesse destiné à faire l’éducation d’un juste, telle qu’on la constate dans le livre des Proverbes, semblerait devoir fournir une indication sérieuse d’ancienneté pour ce livre, spécialement pour des auteurs qui soutiennent que les prescriptions cultuelles sont particulièrement indicatrices de 1, ’poque post-exilienne et que le culte du second Temple a eu une nécessaire répercussion sur toute la littérature bi. blique du Ve et du IVe siècle.

Nowack, dans Dict. of tlte Bible, art. Proverbs, t. IV, p. 142, signale un certain nombre d’exemples pour montrer dans les Proverbes et dans les écrits prophétiques le même ton dans la louange de l’humilité et les avertissements contre l’orgueil (Prov., xi, 2 ; xiv, 29 ; xv, 1, 4, 18, etc. ; Is., Il, 11 ; Ain., vi, 8 ; Ose., vii, 11) ; le même cœur pour dénoncer la conduite de ceux qui oppriment le pauvre et pour insister sur la sollicitude à laquelle celui-ci a droit, Prov., xiv, 31 ; xvtr, 5 ; xviii, 23, et Ara., iv, 1 ; Ose., v, 10, et l’on ne voit pas qu’il y ait cet anachronisme dont parlait Kuenen, op. cit., §97, note 15.

Plusieurs descriptions des chap. l-ix semblent bien supposer dans le milieu social qu’elles visent, ces raffinements de luxe dont la civilisation grecque a fourni de nombreux exemples, mais, indépendamment que cette remarque n’atteindrait en définitive que les neuf premiers chapitres du livre, on peut ajouter encore qu’elle ne s’impose pas nécessairement, car on peut trouver des situations sociales analogues, en Israël, dans la période pré-exilienne : par exemple, dans les reproches que les prophètes du ïlli" siècle adressaient aux femmes de leur temps ; les prophètes du Nord (Amos et Osée) à celles de Samarie ; Isaïe à celles de Jérusalem ; comparer en particulier Is., iii, 16-23, et Prov., vit, Il sq., et ne pourrait-on pas encore alléguer à ces auteurs Gen., xxviii ?

La loi, il est vrai, permettait l’usage de la polygamie, mais on y trouvait surtout une grande facilité pour la répudiation de l’épouse, et en fait, en dehors des rois et des grands, la monogamie était pratiquée parle plus grand nombre des familles israélites, bien des siècles avant la fin de l’ère juive. Loisy, Les Proverbes de Salomon, p. 26.

Les réminiscences du Deutéronome constatées dans les Proverbes, ainsi que la portée sociale de quelques sentences, comme xxii, 28, peuvent tout particulièrement être alléguées contre ceux qui veulent placer après l’exil la composition de tous les Proverbes.

Quant au vocabulaire du livre, il est assez difficile de s’en servir comme d’un argument bien rigoureux pour fixer la date de sa composition, et en fait, la plu part des auteurs le reconnaissent et. par suite ne s’en* servent que comme d’un argument purement négatif. Cela est particulièrement vrai des deux grandes sections 2 et 5.

II. PARTIES DU LIVRE NON ATTRIBUÉES À SALOMON..

— Troisième section, xxii, 17-xxiv, 22. — L’introduction, xxii, 17-21, commence par ces mots : Prête l’oreille et écoute les paroles des sages, que la Vulgate a traduits littéralement de l’hébreu. Les Septante présentent une variante : Ao’yoïç aoyGrt izxpàêxhke. oov où ; xai axoye èfxbv).ôfov. Bickell, Carmina Vet. Test. r p. 140, et Kautzsch, op. cit., p. 55, complètent le premier stique hébreu avec iù>v).ôyov des Septante en suppléant le mot’mDxb. Que cette correction soit admise ou non, cette section doit être considérée comme distincte de celle qui la précède ; plusieurs raisons motivent cette conclusion : le style, au lieu du simple distique ce sont habituellement des maximes plus développées, 4 vers et même plus ; — l’autorité dans le ton, il est exhortatif et prohibitif, le’al hébreu prohibitif (correspondant à la particule, ne des Latins) se rencontre 17 fois dans ce petit recueil alors qu’on ne le trouve que 2 fois dans les 12 chapitres précédents ; — la détermination du disciple, l’auteur s’y occupe de l’éducation d’un disciple en particulier, de là la fréquence de l’expression « mon fils », 5 fois (6 fois dans le Targum) dans cette section, et une fois seulement dans la précédente (xix, 27) ; — la nature des maximes, très pratiques sur quelques sujets bien déterminés. — Le mot « sages » (xxii, 16) peut donc marquer une distinction d’auteur entre la 2 a et la 3e section, ce qui est confirmé par l’énoncé du titre de la 4e section : « cela aussi vient des sages, » car cette remarque ne peut se justifier que si les= auteurs de la 3e comme de la 4e section sont distincts de celui à qui la 2* section a été attribuée. Il faut noter cependant que des auteurs comme Oornely, op. cit., p. 147-148, ne trouvent point de raisons suffisantes pour rejeter l’origine salomonienne de la 3e section, comme de la 4e.

Quatrième section, xxiv, 23, 34. — L’hébreu, xxiv, 23, est ordinairement traduit ainsi : « cela aussi vient des sages. » Le b, l, placé devant le mot hâkâmîm, « sages, » étant interprété dans ce passage comme le b auctoris, fréquemment employé en ce sens dans les titres des Psaumes. Les anciennes versions n’ont pas ainsi compris ce passage : les Septante : taura 5s Xéyto ûjjitv toîç (rojpotç ; la Peschitlo et le Targum traduisent de même ; la Vulgate seulement, Hsec quoque sapienlibus ; si l’on adoptait ce sens, il faudrait conclure que ce passage ne renferme aucune indication d’auteur, qu’il désigne seulement un enseignement destiné à ceux qui aspirent à la sagessse. Cf. Cornely, Introduclio specialis, t. ii, 2° part., p. 118. Cette interprétation n’est pas motivée et paraît peu vraisemblable, car « ce ne sont pas les sages qui ont besoin de conseils de ce genre. » M. Vigouroux, Man. bibl., t. ii, p. 490.

Quels furent ces sages à qui le contenu de la troisième et de la quatrième section est attribué, à quelleépoque ont-ils vécu et dans quel milieu se sont-ils trouvés ? Ce sont là des questions auxquelles on ne peut répondre d’une façon satisfaisante.

Pour expliquer le fait de répétitions assez nombreusesentre plusieurs passages de ces deux petits recueils et les deux grandes sections 1 et 2, surtout la première, , par exemple, xxii, 26, et vi, etc. ; xxiv, 1, et iii, 31, tout particulièrement la description du paresseux, xxiv, 33-34, et vi, ÎO-M. M. Lesêtre, Le livre des Proverbes, 1879, préf., p. 21, conclut que ces auteurs ont dû s’inspirer de Salomon ou puiser à une source commune.

Sixième section, xxx. — Le titre hébreu porte : « Paroles d’Agur, fils de Yâqéh. » Il est suivi du mot Kii/nn, ham-masàâ’, susceptible de diverses interprétations : on peut le traduire par l’oracle ou le discours, .