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PROVERBES (LIVRE DES)


polit., ii, et par, 1. le Clerc, Sentiments de quelques théologiens de Hollande sur l’histoire critique du V. Testament. Lettre 12, Amsterdam, 1685, qui ne pouvaient comprendre que « le Saint-Esprit eût inspiré des choses aussi simples que celles qu’on rencontre en plusieurs passages de ce livre et que des paysans sans instruction apprennent et connaissent sans le secours d’aucune révélation. » Raisonnement absolument faux, parce qu’il confond la révélation et l’inspiration et donne comme critèrede l’inspiration d’un livre son contenu, et qui, s’il était poussé logiquement, aboutirait, comme le remarquait justement R. Simon, Réponse aux sentiments de quelques théologiens de Hollande, c. xiii, Rotterdam, 1686, p. 138, à la négation de l’inspiration d’un bon nombre d’autres livres de la Bible.

IV. Le sens du mot Proverbes. — Màsâl, dont Proverbe est la traduction, vient de la racine Vtfo,

- T

qui répond à l’idée de comparaison, de similitude, d’où parabole, sentence. Kautasch, dans The sacred Books of the Uld Testant. : The Book of Proverbs, i, 6, p. Ï52, préfère, pour fixer ce sens, recourir à un rapprochement avec l’assyrien mislu, qui veut dire « moitié », confirmé par l’arabe jfJ— ao, dont la signification revient à ceci : « brisé en deux » ou « divisé par le milieu ». Pour lui, l’idée première de mâsâl ne serait donc point celle de similitude, au moins d’une façon directe, mais impliquerait immédiatement l’idée de stiques poétiques, c’est-à-dire de membres parallèles. Dans le Lexique de Brown-Driver-Briggs, le mot mâsâl est traduit ainsi : c< proverbe parabole, se dit de sentences disposées en parallélisme. » On peut dire, en général, que mâiâl signifie tout d’abord similitude, comparaison, et ensuite, similitude exprimée sous forme de parallélisme, avec diverses nuances de sens. En dehors du livre des Proverbes où il est employé 6 fois i, 1, 6 ; x, 1 ; xxv, 1 : xxvi, 7, 9, on le rencontre 33 fois dans l’Ancien Testament. Il signifie : dicton populaire, I Sam., xxiv, 14 ; Ezech., XII, 22 ; oracles prophétiques fde Balaam), Num., xxm etxxiv ; énigmes, Eiech., xxi, 5f xxiv, 3 ; chant où domine l’ironie, Is., xiv, 4 ; Mich., ii, 4 ; objet de risée, Deut., xxviii, 37 ; II Par, , vii, 20, mais on peut retrouver dans ces diverses acceptions une signification commune : celle d’une composition littéraire plus ou moins longue, en langage figuré et suivant le rythme poétique, basée sur un rapprochement ou une comparaison. Mais il y a encore une autre acception du mot màsâl qui le rapproche du mot yvm|jly) des Grecs, celle de maximes, de sentences, exprimées sous la forme poétique et ayant une portée morale, et c’est le sens qui convient à ce mot dans le livre des Proverbes.

V. Objet du livre des Proverbes. — Ce recueil est, avant tout, le livre de la Sagesse, et on a vu comment les Pères lui ont donné ce titre. Cette désignation convient excellemment au contenu de ce livre, car, dans tout son ensemble, c’est la Sagesse qu’on y entend, soit que, personnifiée, elle instruise directement ellemême, soit qu’elle communique aux hommes ses enseignements par « les sages », ses représentants.

Mais ce livre n’est point une œuvre abstraite, un recueil de considérations Ihéologiques sur la sagesse, c’est un livre pratique et l’enseignement qui y est donné, les préceptes et les leçons qu’on y trouve, présentés par la Sagesse ou en son nom, convergent tous vers un même but et donnent ainsi sa véritable unité à ce recueil de sentences : rendre meilleur l’homme qui suivra ces conseils en le rendant participant de la sagesse. L’objet du livre des Proverbes, c’est donc, ainsi que l’exprime le prologue du livre I, 1-6, l’enseignement donné par la sagesse pour rendre l’homme sage.

Qu’est-ce donc que la sagesse ? qu’est-ce qu’un sage ?

Dans la Bible, le nom de sage sert à désigner diverses catégories de personnages, mais si variées que puissent être les conditions sociales dans lesquelles ils sont placés, ou la nationalité à laquelle ils appartiennent, une idée commune se retrouve toujours dans cette appellation ; celle d’une science plus parfaite. C’est ainsi que dans l’Exode Dieu déclare avoir rempli de sagesse, d’intelligence et de savoir Béséléelet Ooliab pour qu’ils puissent exécuter ses prescriptions relativement à la construction du Tabernacle. Exod., xxxi, 3-6 ; xxxv, 31, 34. Hiram, à l’habilité de qui Salomon fait appel lors de la construction du Temple, est mentionné lui aussi comme « rempli de sagesse, d' intelligence et de savoir pour faire toutes sortes d’ouvrages d’airain. » I Reg., vu, 14. Au témoignage de Jérémie, xliv, 7, et d’Abdias, 8, les Edomites étaient réputés pour leur sagesse, et, quand il s’agira de faire ressortir l’excellence de la sagesse de Salomon, l’historien sacré dira qu’il « élait plus sage… qu'Élhan l’Ezrahite, qu’Héman, Chalcol et Dorda, les fils deMahol. » I Reg., iv, 30-31. Et la sagesse de ce prince est tout aussi bien reconnue et proclamée dans le jugement qu’il rend entre les deux mères qui viennent le consulter, I Reg., iii, 28, que lorsqu’il répond aux questions de la reine de Saba et résout ses difficultés, I Reg., x, 3 ; 6, ou qu’il prononce de nombreuses maximes. I Reg., iv, 32, 34.

Si l’on examine maintenant les diverses acceptions du mot hokmdh, ordinairement traduit par Sagesse, on verra qu’une large part y est faite au côté intellectuel et qu’il implique une science plus parfaite en celui qui possède cette sagesse. Et cette connaissance supérieure n’est point restreinte dans son objet, elle est toujours susceptible de perfection, elle comprend tout aussi bien les choses divines que les choses humaines et elle embrasse les vérités pratiques et morales tout autant que les vérités spéculatives. Si elle comprend la connaissance de la nature et des choses de la nature, elle comprend également la science de la pratique de la vie, et à ce titre elle est, a-t-on pu dire, le principe du savoir vivre comme du savoir faire dans l’homme qui la possède. Autant qu’elle se trouve en l’homme, la sagesse, dans son acception la plus vraie, consiste donc dans la science de Dieu, de l’univers et dé la vie,

Mais cette sagesse ou cette science éminente que l’on peut rencontrer dans l’homme et qui le rend supérieur à celui qui ne la possède point, ne vient pas de lui, il la reçoit de l’extérieur, et, en dernière analyse de Dieu même en qui elle réside essentiellement, mais qui peut en communiquer quelque chose aux hommes, en sorte que ceux qui la posséderont seront des bénéficiaires d’un don divin.

Si l’on se sert de ces réflexions pour apprécier les maximes que renferme le recueil des Proverbes, on peut reconnaître que ce livre constitue un manuel théorique et pratique de conduite morale, il a pour but d’amener celui qui en suit les enseignements à une science plus parfaite et au perfectionnement de sa propre vie, ce qui constituera sa véritable sagesse.

Les Pères entendaient ainsi le but et l’objet de ce livre quand, avec saint Basile, ils définissaient la sagesse de ce recueil « une science des choses divines et humaines…, non pas tant spéculatives que pratiques, de nature à conduire l’homme à la pratique de toutes les vertus et par là-même le mettre en mesure d’atteindre au bonheur parfait. » In princip. Proverb., hom. xii, 3, t. xxxi, col. 389.

A plusieurs reprises, surtout dans les premiers chapitres, ceux à qui s’adresse la Sagesse sont désignés par le nom de « fils », mais on se tromperait sur la portée de ce terme si on ne voulait y voir que l’indication d’un âge peu avancé, il désigne, avant tout ; ceux qui désirent mener une vie meilleure et ne font que