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PROVENÇALES (VERSIONS) — PROVERBES (LIVRE DES)

faite, n’a presque rien du texte languedocien ; c’est, à peu de chose près, celui qui a été en usage dans toute la France depuis le IXe siècle jusqu’au milieu du XIIIe. La version est libre, souvent abrégée, parfois paraphrasée ou accompagnée de gloses. Elle est, à certains endroits, la même que celle du fragment du Puget. L’origine commune, au moins partielle, des deux textes est évidente. Le fragment est plus ancien et plus rapproché, à certains égards, de l’original. Cette traduction a certainement été en partie l’original de la plus ancienne des versions catalanes des Évangiles, qui se trouve dans le manuscrit de Peiresc, Bibliothèque nationale, fonds espagnol, 2-4, du XVe siècle. Voir t. ii, col. 346. Il y a ressemblance en certains passages, et identité en beaucoup d’autres. Certains indices pourraient faire croire que cette version provençale est d’origine cathare. Elle parle des « bons hommes » et des « parfaits ». Moins littérale que la précédente, elle est bien supérieure au point de vue du goût, et elle est faite pour le peuple. Certains contresens, dont quelques-uns sont peut-être le fait des copistes, nous apprennent comment l’auteur entendait l’original. Le texte n’en a pas encore été publié. S. Berger, Nouvelles recherches sur les Bibles provençales et catalanes, dans la Romania, 1890, t. xix, p. 535-548. La traduction toscane des Évangiles, du XIIIe siècle, a été faite, à certains endroits, sons l’influence d’un texte provençal, parent de celui qui avait été traduit en catalan, mais plus ancien et plus rapproché de la source commune de tous les textes provençaux. S. Berger, La Bible italienne au moyen âge, dans la Romania, 1894, t. xxiii, p. 30-32.

5° Le « livre de Genèse », que contient le manuscrit 6261, est un extrait de la Bible et des apocryphes, qui complète l’histoire sainte par des légendes évangéliques. Il paraît être du XIVe siècle. Il est conservé aussi dans le manuscrit de la Bibliothèque de Sainte-Geneviève à Paris, Af 4, fol. 79, du XIVe siècle. M. Bartsch. l’a reproduit, Chrestomathie provençale, 4e édit., Elberfeld, 1880, col. 393-398. Ce livre a été traduit en catalan. La version catalane, conservée dans les manuscrits : Bibliothèque nationale de Paris, esp. 46, du XVe siècle ; Barcelone, daté de 1451, a été publiée par M. V. Amer, Genesi de Scripturn, Barcelone, 1873. Le même livre a été traduit en béarnais. V. Lespey et P.Raymond, Récits d’hist. sainte, 2 vol., Pau, 1876, 1877.

6° Les livres historiques de l’Ancien Testament ont enfin été traduits en provençal au XVe siècle. Le texte en a été conservé dans un seul manuscrit du XVe siècle, à la Bibliothèque nationale de Paris, fonds français 2426. Aux feuillets 152 et 366, il y a une signature qui pourrait bien être celle du copiste et qu’on peut lire « Johannes Convel » ou « Conveli ». Quelques parties en ont été éditées par M. J. Wollenberg, dans l’Archiv für das Studium der neueren Sprachen, à savoir : l’histoire de Susanne. 1860, t. xxviii, p. 85-88 ; Esther, 1861, t. xxx, p. 159-169 ; Tobie, 1862, t. xxxii, p. 337-352. Elle a été pour une partie traduite littéralement sur une Bible historiale française, dont il existe trois manuscrits plus ou moins complets : Bibliothèque de l’Arsenal à Paris, manuscrit 5211, du milieu du XIIIe siècle ; Bibliothèque nationale, nouvelles acquisitions françaises, 1404, de la seconde moitié du XIIIe siècle ; fonds français 6447, copié entre le XIIIe et le XIVe siècle. Voir t. IV, col. 2353-2354. Cette version a les caractères de son original français, qui est une compilation et une œuvre mêlée due à plusieurs traducteurs. S. Berger, Nouvelles recherches, etc., p. 548-557. Elle a été faite peut-être pour servir de complément au Nouveau Testament provençal.

La littérature provençale n’a jamais produit une Bible complète.

E. Mangenot.

PROVERBES (LIVRE DES), un des livres sapientiaux de l’Ancien Testament. I. Titres du livre. — Ce livre a pour titre dans la Bible hébraïque les premiers mots du texte Mišlê Šelômôh. Dans le Talmud et dans certains ouvrages juifs plus récents, il est assez souvent désigné par le seul mot Mišlê ; dans le Talmud également on le trouve aussi mentionné sous le titre de séfér ḥokmâh, « livre de la sagesse », Tosephot in Baba bathra, 14. — Dans les Septante il est intitulé Παροιμίαι ou Παροιμίαι Σαλωμῶντος. — La Vulgate, au titre, de Liber Proverbiorum, ajoute : quem Hebræi Misle appellant. — L’antiquité chrétienne indique assez souvent les citations empruntées à ce livre par ces seuls mots : Salamon a dit ; cependant on le rencontre encore désigné, explicitement ou implicitement par le terme de Σοφία ou Σοφία Σαλωμῶντος, Sapientia Salomonis, S. Justin, Adv. Tryph., 129, t. vi, col. 771 ; Méliton de Sardes, cité dans Eusèbe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 397 ; Clément d’Alexandrie, Pædag., ii, 2, t. viii, col. 421 ; Origène, In Gen., hom. xiv, t. xii, col. 237 ; S. Cyprien, Testim. adv. Jud., iii, 56, t. iv, col. 761 ; ἡ πανάρετος σοφία, S. Clément, 1 Cor., lvii, 3, édit. Gebhart et Harnack, 1876, p. 94. Eusèbe nous apprend que cette épithète était en usage parmi les auteurs ecclésiastiques du IIe siècle, H. E., iv, 36, t. xx, col. 397. — Dans la liturgie, l'Église le désigne, ainsi que les autres livres sapientiaux, sous le titre général de « Livre de la Sagesse ».

II. Place du livre dans la Bible. — Le livre des Proverbes, dans la Bible hébraïque, fait partie des Hagiographes, et, par suite, il se trouve placé après la Loi et les Prophètes, le plus ordinairement à la suite des Psaumes et de Job ; dans la Vulgate comme dans les Septante, il est placé à la suite de Job et des Psaumes.

III. Canonicité du livre. — Le livre des Proverbes fait partie des protocanoniques ; il a toujours été considéré comme livre canonique par les Juifs et par l'Église chrétienne. Dans les écrits du Nouveau Testament, les passages de ce livre qui y sont cités sont rapportés avec les formules ordinairement employées pour les citations scripturaires. Dans l'Épître aux Romains, xii, 19-20, une citation des Proverbes, xxv, 21-22, est jointe à une autre du Deutéronome, xxxii, 25, et toutes les deux sont introduites avec la formule « car il est écrit ». Voir aussi II Cor., viii, 21, et Prov., iii, 4 ; Heb., xii, 5-6, et Prov., iii, 1112 ; Jac, iv, 6 ; I Pet. v, 5, et Prov., iii, 34 ; I Pet., iv, 18, et Prov., xi, 21. Cf. II Cor., ix, 7, et Prov., xxii, 8 (Septante) ; Héb., xii, 13, et Prov., iv, 26 (Septante). Quelques anciens rabbins juifs soulevèrent des difficultés relativement à la canonicité des Proverbes, mais ils visaient l’usage public du livre et non pas son autorité religieuse. Elles consistèrent principalement dans les contradictions que l’on pensait trouver entre ces deux passages, xxvi, 4, et xxvi, 5, ainsi que dans les descriptions de vii, 7-20, jugées inconvenantes comme trop réalistes et trop suggestives ; cette question fut encore soulevée au synode de Jamnia (vers 100 après J.-C). Une distinction mit fin à la première difficulté en rapportant xxvi, 4, aux choses de la terre et xxvi, 5, aux choses religieuses. Quant aux descriptions du chap. vii, elles furent interprétées d’une manière allégorique. Après cette date, aucun doute n’est plus signalé sur ce livre dans le milieu juif. — Parmi les chrétiens, le second concile général de Constantinople (553), Labbe, Conc. t. v, col. 451, condamna la doctrine de Théodore de Mopsueste qui reconnaissait, il est vrai, que Salomon était l’auteur de ce livre, fait en vue de l’utilité d’autrui, mais prétendait qu’il l’avait composé de lui-même, parce que pour ce travail il n’avait pas été favorisé, disait-il, des dons de prophétie. — Dans les temps modernes, cette attaque fut reprise par le juif B. Spinoza. Tractatus theologico-