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PROVENÇALES (VERSIONS) DE LA BIBLE


p. 423-426, par une étude comparée de la langue de cette version, a déterminé la région à laquelle appartenaient l’auteur et ! e copiste du manuscrit. Toutes les particularités linguistiques se retrouvent à l’époque indiquée, dans les documents qui proviennent du pays correspondant au département actuel de l’Aude et même, pour plus de précision, à la partie orientale de ce département. Des fac-similés du manuscrit ont été reproduits par W. S. Gilly, The romaunt Version of the Gospel according to St. John, Londres, 1848, p. lvii ; par Reuss, loc. cil. ; dans le Recueil des fac-similés à l’usage de l’École des chartes, pi. 129. "W.Foerster a édité l’Évangile selon saint Jean, dans la Revue des langues romanes, 2e série, 1878, t. v, p. 105 sq. M. Léon Çlédat a publié une reproduction photolithographique du manuscrit entier : Le Nouveau Testament traduit au xiii* siècle en langue provençale, dans la Bibliothèque de la faculté des lettres de Lyon, Paris, 1888, t. iv. Cette version provençale a exercé, nous le verrons, une grande influence, directement ou par ses dérivés, sur les versions vaudoises, catalanes et italiennes du NouveauTestament. 3° Un autre état de cette traduction provençale du Nouveau Testament a été conservé dans le manuscrit français 2425 qui provient de Peiresc. Il est malheureusement mutilé en plusieurs endroits, et l’Évangile de saint Matthieu est perdu tout entier. L’écriture est de la première moitié du xive siècle. D’autre part, le texte lui-même est abrégé. Il a été écourté soit pour éviter des répétitions, soit par recherche de la brièveté. Au lieu de donner la traduction complète du texte, l’auteur n’en fait souvent qu’un résumé ; parfois Cependant, il a ajouté quelques mots de paraphrase. La version est donc plutôt libre que littérale, et en beaucoup d’endroits, elle est très négligée. D’ailleurs, la copie est souvent défectueuse. Or, elle ressemble en bien des points à celle du manuscrit de Lyon. La division en chapitres est en grande partie identique à celle de ce manuscrit. Le texte lui-même est si ressemblant que vraisemblablement on ne se trouve pas en présence de deux traductions différentes ; les contresens sont les mêmes. Les divergences se ramènent à peu près à une traduction plus littérale de quelques mots ; la diversité de l’ordre des mots et de la disposition des phrases provient de ce que la version interlinéaire du manuscrit de Lyon suit l’ordre du texte latin, tandis que celle du manuscrit de Paris à remis les phrases sur ses pieds. La communauté d’origine admise, le manuscrit de Lyon représenterait la première édition ; celui de Paris en serait le redressement, et le texte provençal primitif aurait simplement été transcrit dans un langage plus moderne et, au jugement du transcripteur, plus conforme au latin. Au sentiment de M. Paul Meyer, loc. cit., cette transcription a été faite dans le dialecte de la Provence, et plus probablement du sud ou du sud-est de cette province. Au point de vue doctrinal, cette vei-sion est neutre, comme la précédente. La copie semble avoir été faite pour l’usage d’un catholique, qui y lisait les évangiles et les épltres des dimanches et des fêtes. Un grand nombre d’index, dus à plusieurs mains et qui paraissent remonter au xv « siècle, indiquent en quelles mains ce manuscrit a passé. Ils attirent l’attention sur des textes de morale et sur des passages qui ont un rapport direct avec l’enseignement spécial des Vaudois, et ils semblent être le résumé de la prédication d’un « barde » et le témoignage de sa carrière errante et persécutée. S. Berger, ïbid., p. 365-371.

Le texte de l’Évangile de saint Jean a été publié en entier par Gilly, The romaunt Version of the Gospel according to St. John, Londres, 1848, et par J. Wollenberg, L’Évangile selon saint Jean en vieux provençal (Programme du Collège royal français de Berlin), 1868.

P. Meyer a reproduit Joa., xiii, dans Recueil d’anciens textes bas-latins, provençaux et français, Paris, 1874, t. i, p. 32-39. 1. Wollenberg avait publié déjà l’Épître aux Èphésiens, dans VArchiv fur das Studium der neueren Sprachen, 1862, t. xxxviii, p. 75 sq., et Karl Bartsch en a extrait Éph., i, 1-23, pour l’insérer dans sa Chreslomathie provençale, 4e édit., Elberfeld, 1888, col. 331-332.

Ces textes provençaux du Nouveau Testament ont exercé une influence notable sur les versions vaudoises, qui ont avec eux un grand nombre de points communs. Les divergences ne permettent pas d’ad mettre la communauté d’origine ; mais la dépendance de celles-ci relativement à ceux-là est certaine. S. Berger, loc. cit., p. 399-408. Ils ont influé aussi, comme les versions vaudoises elles-mêmes, sur la première traduction italienne des Épitres de saint Paul, des Épîtres catholiques et de l’Apocalypse. S. Berger, La Bible italienne au moyen âge, dans la Romania, 1894, t. xxiv, p. 45, 47, 50. Voir Italiennes (Versions), t. iii, col. 1020-1021. Ils ont même influé sur une Bible allemande, représentée par les manuscrits de Tepl et de Freiberg (xive siècle) et par dix-huit édilions imprimées. Son texte se rattache surtout au manuscrit de Lyon ; mais certaines de ses leçons ne se retrouvent que dans le manuscrit de Paris ou dans les versions vaudoises. Il faut en conclure que le traducteur allemand a eu sous les yeux un original intermédiaire entre les différentes versions. Voir la bibliographie du sujet, citée t. i, col. 376, et les articles de la Revue historique, janvier 1886, t. xxx, p. 167 ; septembre 1886, t. xxxii, p. 184, et 1891, t. xlv, p. 148 (les deux premiers ont été reproduits avec additions dans le Bulletin de la Société d’histoire vaudoise, n° 3, décembre 1887).

4° Une version toute nouvelle ^du Nouveau Testament a été découverte plus récemment encore dans deux manuscrits. Le premier, qui n’en contient qu’un fragment, a été trouvé par M. Mireur, archiviste du Var, dans les archives de Puget, où il servait de couverture à un registre de comptes. C’est un débris de deux feuillets, dont l’écriture est du milieu du xiv « siècle environ. Le texte reproduit est Matth., xxviii, 8-Marc, i, 32. Mais plusieurs lignes du feuillet précédent se sont imprimées à l’envers sur le suivant et ont fourni Matth., xxvi, 1-4, 17-21. M. P. Meyer a édité ce texte et l’a étudié. Fragment d’une version provençale inconnue du Nouveau, Testament, dans la Romania, t. xviii, p. 430-438. Cette version est bien plus libre d’allures que la précédente ; elle ne suit pas littéralement le texte latin, et elle vise à être claire et intelligible pour tous, parfois même en forçant un peu le sens. Tous les mots et toutes les locutions sont de bonne langue populaire, et on ne trouve pas de termes latins passés en provençal. La traduction ne paraît pas notablement plus ancienne que le manuscrit ; elle serait donc de la première moitié du xrve siècle. Les règles de l’ancienne déclinaison sont tombées en désuétude, et elles ne semblent pas être des corrections du copiste. La langue appartient à la partie méridionale de la Provence, en sorte que la version est du même pays que le manuscrit qui la contient.

Samuel Berger a étudié plus tard un manuscrit nouveau, qui reproduit la plus grande partie des Évangiles, à la suite d’un « livre de Genèse », dont il sera parlé plus loin. C’est le manuscrit français 6261 de la Bibliothèque nationale de Paris. Écrit au xve siècle, il a appartenu à Jean de Chastel, évoque de Carcassonne († 1475), et au célèbre Tristan l’Ermite. Chaque Évangile est précédé de son argument, La division en paragraphes, à peu près semblable à celle des manuscrits de la version précédente, semble indiquer que la traduction est antérieure, sinon au milieu, du moins à la fin du xiue siècle. Le texte latin, sur lequel elle a été