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PROPRIÉTÉ


règles. À chaque tribu, à chaque famille est attribué un lot inaliénable. Ce lot devait primitivement se tirer au « ort et être proportionné au nombre des membres de la famille. Num., xxxiii, 51. Des précautions étaient prises pour que ce lot ne sortit ni de la tribu, ni de la famille, voir Goël, t. iii, col. 260 ; Héritage, t. iii, col. 610, et pour qu’en cas d’aliénation il revint à la famille au moins à l’année jubilaire. Voir Jubilaire (Année), t. iii, col. 1752. Cette disposition s’appliquait même au champ voué à Jéhovah et faisant partie d’un patrimoine. Lev., xxvii, 22-25. Aux lévites étaient attribuées des villes spéciales et des pâturages autour de ces villes. Num., xxxv, 2-5. Il est à croire qu’il en était de même dans les autres villes, autour desquelles la campagne, sur une étendue variable, était réservée aux habitants soit pour le labour, soit pour le pacage. Ce terrain était probablement morcelé à proximité de la ville ou du village ; il restait, à une certaine distance, propriété indivise. Le sol se trouvait ainsi loti à peu près comme du temps des Chananéens : autour des villes et des villages, des terrains attribués à chaque famille comme jardins ou champs destinés à la culture ; au delà, un territoire plus ou moins étendu servant en commun au pâturage ; enfin, entre ces territoires appartenant aux villes ou aux villages, des espaces libres, incultes ou improductifs, que personne ne revendiquait. L’existence d’un territoire indivis ou communal autour des villages paraît supposée par quelques textes. Michée, H, 5, dit au faux prophète : « Tu n’auras personne qui étende chez toi le cordeau sur une part d’héritage dans l’assemblée de Jéhovah. » Jérémie, xxxvii, 11, sort de Jérusalem pour aller au pays de Benjamin, afin de retirer sa portion au milieu du peuple. Peut-être s’agit-il dans les deux cas d’un terrain communal, qu’on divisait en portions tirées au sort chaque année par les familles du village. À cet usage se rapporterait l’allusion faite par le Psalmîste :

Jéhovah est la part de mon héritage et de ma coupe ; C’est toi qui m’assures mon lot,

Le cordeau a mesuré pour moi une portion délicieuse, Oui, un splendide héritage m’est échu.

Ps. xvi (xv), 5-6. Cf. Buhl, La société Israélite d’après l’A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 94-95. En tous cas, la propriété devenait collective, au moins quant à l’usage, durant l’année sabbatique. Exod., xxiii, 11 ; Lev., xxv, 6, 7. À la même idée de propriété commune se rattachaient les droits de glanage, Lev., xix, 9 ; xxiii, 22, Deut., xxiv, 19, de grapillage, Lev., xix, 10 ; Deut., xxiv, 21, et celui d’entrer dans un champ ou dans une vigne pour y manger sur place des raisins ou des épis. Deut., xxiii, 24-25.

3° La propriété privée n’en était pas moins solidement constituée. Elle pouvait comprendre d’autres possessions que celles qui constituaient le domaine patrimonial. Lev., xxvii, 16-21. Ainsi Caleb se fit attribuer la propriété de la montagne d’Hébron, à condition d’en chasser les Énacim. Jos., xiv, 11-14. Après avoir donné à sa fille Axa un domaine peu arrosé, il lui en accorda un autre qui possédait des sources d’eau.- Jud., 1, 14, 15. Par la culture de leurs terres, l’élevage de leurs troupeaux et l’extension de leurs domaines sur des territoires inoccupés, certains Israélites devinrent très riches, tels Nabal, I Reg., xxv, 2 ; Berzellaï, IIReg., xix, 32, etc. Les rois eurent naturellement des propriétés fort étendues. II Reg., IX, 7. David possédait des champs, des vignes, des vergers, des troupeaux de toutes sortes en déférents endroits du pays, avec des préposés chargés défaire valoir tous ces biens. I Par., xxvii, 25-31. Salomon faisait administrer les siens par douze intendants, assez semblables aux fonctionnaires du pharaon. Chacun d’eux pourvoyait pendant un mois à l’entretien du roi et de sa maison. III Reg., iv, 7. Josaphat possédait de

grands biens dans les différentes villes de Juda. II Par., xvil, 13. D’autres, comme Achab, ne craignaient pas de recourir au crime pour agrandir leur domaine. III Reg., xxi, 15, 16. Les gros propriétaires israélites sont désignés sous le nom de gibbôrê harhayîl, les « grands en force », 7tïv 8uva-ôv iayyï, potentes et divites. IV Reg., xv, 20. Pour acquitter les mille talents d’argent (8500000 fr.) versés au roi d’Assyrie, Manahem imposa de cinquante sicles d’argent (141 fr. 50) les propriétaires du royaume. IV Reg., 19, 20. Il en fallut donc 60000 pour fournir la contribution. Pour qu’un si grand nombre de propriétaires notables existât en Israël, la propriété foncière devait être assez morcelée. En Juda, il y avait une tendance abusive à étendre les propriétés. Isaïe, v, 8, le constate en ces termes :

Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison,

Qui joignent champ à champ,

Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’espace,

Et qu’ils habitent seuls au milieu du pays.

Cf. Mich., ii, 2. Cet accaparement ne pouvait guère se produire qu’au mépris de la loi sur Finaliénabilité des héritages familiaux. Il avait pour effet de détruire cette égalité que la loi avait établie, de créer de grandes propriétés foncières et, par là même, de réduire à l’indigence et d’éliminer peu à peu les petites gens, ceux qui font la force d’une nation, Aussi le prophète ajoutait-il que ces grandes et nombreuses maisons, ainsi passées aux mains de quelques propriétaires, n’auraient bientôt plus d’habitants. Is.. v, 9.

4° L’Israélite tenait pourtant avec une singulière énergie à son domaine familial. On aimait à habiter en sécurité « sous sa vigne et sous son figuier », III Reg., IV, 25, c’est-à-dire dans sa propre maison et sous les ombrages de son propre jardin. Michée, iv, 4, promettait la même chose pour l’époque de la restauration spirituelle. Le vieux Berzellaï, invité par David à le suivre à Jérusalem, préférait s’en retourner dans sa ville pour y mourir près du sépulcre de son père et de sa mère. II Reg., xix, 37. Quand Achab offrit à Naboth d’acheter sa vigne ou de lui en donner une meilleure, celui-ci lui répondit sans hésiter : « Que Jéhovah me garde de donner l’héritage de mes pères ! » III Reg., xxi, 3. Le châtiment annoncé par Élie à Achab et à Jézabel, après le meurtre de Naboth, se rapportait à deux crimes : « N’as-tu pas tué et pris un héritage ? » III Reg., xxi, 19. Le verbe hébreu yâra’s signifie « prendre un bien héréditaire », Septante : ÈxXripavô(i.r, ! Ja ; , « tu as hérité, » tu as pris un bien d’héritage. Sous les patriarches, l’héritage pouvait passer à un esclave, quand le maître demeurait sans postérité. Gen., xv, 2, 3. Plus tard, l’esclave intelligent arrivait à recevoir une part dans l’héritage. Prov., xvii, 2. Mais le cas ne devait pas se produire assez fréquemment pour modifier sensiblement l’assiette de la propriété. L’Israélite pouvait pourtant vouer à Jéhovah sa maison ou son champ, lesquels devenaient propriétés des prêtres, si on ne les rachetait pas. Lev., xxvii, 14-21. Sur la vente des maisons, voir Maison, t. iv, col. 590.

5° Dans sa description idéale de la nouvelle Terre Sainte, Ézéchiel fournit de curieux renseignements, en s’inspirant de l’état de choses antérieur, pour le consacrer ou pour le corriger. Tout d’abord, le pays est partagé et tiré au sort. Le prophète prévoit trois grandes parts. La première part est pour Jéhovah ; son sanctuaire y est élevé, et le reste du territoire est occupé par les lévites. Une seconde part est attribuée à la maison d’Israël et une troisième au prince. Mais ce dernier devra se contenter de son lot et ne pins empiéter sur celui du peuple. « Ce sera son domaine, sa possession en Israël, et mes princes n’opprimeront plus mon peuple et ils laisseront le pays à la maison d’Israël. » Ezech., xlv, 1-8. À meilleur droit que les dieux