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PROPHÉ.TISME


d’être certaine, et les raisons invoquées pour prouvera la séparation complète de ces deux catégories d’hommes inspirés ont paru insuffisantes à M. Jean Réville lui-même, Le prophétisme hébreu, p. 9. On recourt à des traditions différentes, qu’on prétend discerner dans les récits actuels des livres dits de Samuel. Mais la réflexion du rédacteur, I Sam., îx, 9, montre qu’il n’y avait pas, dans les documents qu’il connaissait, de différence bien tranchée entre le rô’éh et le nâbV. D’ailleurs, Samuel, que Saül va consulter, n’ignore pas les nebi’îm, dont il annonce la rencontre au futur roi comme^signe de la vérité de la communication divine et de la voeation à la royauté. I Sam., x, 5-7. Quand David s’est réfugié auprès de Samuel à Ramatha, Je voyant préside tes scènes prophétiques des nebi’îm. I Sam., xix, 18-20, 24. Ainsi donc, dans les deux seules circonstances dans lesquelles il est question de ces nebi’îm, Samuel, le voyant, est en relations avec eux. C’est un indice certain que la distinction des deux catégories de prophètes n’est pas aussi évidente qu’on le prétend, et pour l’introduire il faut attribuer au rédacteur du livre un travail de conciliation de deux traditions dont la diversité n’est pas démontrée. M. Van Hoonacker distingue les prophètes de vocation personnelle, tels que Amos, etc., des prophètes par état et consécration volontaire. Ceux-ci ont été groupés à l’époque de Samuel et de Saûl, puis, dans le royaume du nord, autour d’Élie et d’Elisée. Du sein de ces corporations sortaient parfois de véritables « hommes de Dieu », distingués par une vocaliùn personneïïe. Mais aussi de ces prophètes par état provenaient les faux prophètes, qui se prétendaient investis d’une mission d’en haut. Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 269. Cette distinction peut-être admise.

Quant à la nature des fonctions du voyant, on ne peut les réduire à celles de devin et de sorcier qu’en ne prenant dans les récits actuels que ce qui va à la théorie. Si le peuple allait consulter le voyant pour des Vtà&t&& ^revj&s, , feYs> qw’w %ijfeV à’àtiesses égarées, I Sam., ix, 8, 9, Samuel avait reçu la veille une révélation divine concernant Saül et sa vocation à la royauté, 15, 16 ; et Dieu lui en donne confirmation, quand Saül se présente, 17. I ! n’a pas besoin d’être mis au courant de l’affaire, et avant d’avoir été interrogé, il renseigne sur le sort des ânesses, 20, et il s’engage à révéler le lendemain à Saül ses pensées les plus intimes, 19. Si Saül se préoccupe du cadeau à offrir, c’est qu’il ne connaissait pas Samuel et que, sur les renseignements de son serviteur, il le prenait pour un devin ordinaire, 7. En fait, on ne raconte pas qu’il lui ait offert la pièce d’argent, dont parle le serviteur, 8. Les événements furent tout autres que ceux qu’il attendait, et le lendemain, Samuel le traita royalement, 22-24. Plus tard, devant tout le peuple réuni, Samuel déclara qu’il n’avait jamais reçu de présents dans sa judicature, et le peuple le reconnut hautement.

I Sam., xil, 3-5. Si le sort est jeté pour le choix du roi, c’est devant la face de Jéhovah, c’est-à-dire probablement auprès de l’arche. I Sam., IX, 19. On n’en peut conclure que Samuel était un vulgaire sorcier. En outre, le voyant est appelé « homme de Dieu », I Sam., IX, 6, 7, 8, 10, nom donné à d’autres prophètes, qui n’étaient pas des devins. J (III) Reg., xii, 22 ; xvii, 18 ;

II (IV) Reg., iv, 9. La prévision des signes donnés du choix divin, I Sam., x, 3-7, n’a pu avoir lieu qu’en vertu du don prophétique. Donc, le récit tout entier, le seul sur lequel s’appuie la théorie du voyant, sorcier ou devin, nous montre en Samuel, le premier voyant connu, un véritable prophète. Donc, il d’est pas prouvé que la prophétie hébraïque a tiré son origine de la divination. Et s’il y a, entre quelques formes de la prophétie primitive et la divination superstitieuse, des

nalogies extérieures, elles ne permettent pas de conclure à l’identité du fond. Elles indiquent seulement que les premières manifestations de l’esprit prophétique se produisirent sous des formes imparfaites, adaptées aux usages de ces temps reculés et aux idéesencore peu élevées du peuple juif. Pour le détourner des pratiques superstitieuses des Chananéens, Dieu daignait condescendre à la faiblesse humaine et donner aux Israélites des moyens de communiquer avec lui et de connaître ses volontés, même en des choses demoindre intérêt, par l’intermédiaire de ses prophètes, comme il l’avait promis. Deut., xviii, 9-22.

Le soi-disant délire prophétique des nebi’îm exaltés ne repose que sur quelques textes qu’on interprété dans un sens défavorable. Saül devait rencontrer unetroupe de prophètes, qui descendaient du haut-lieu, précédés d’instruments de musique et « prophétisant ». L’esprit du Seigneur devait se saisir de lui ; lui-même devait « prophétiser » et devenir un autre homme. Les faits se passèrent comme Samuel l’avait annoncé. Saûl rencontra les prophètes ; l’esprit divin s’empara de lui, et au grand étonnement des assistants, Saül « prophétisa » avec eux. I Sam., x, 5j 6, 10-13. Rien dans cerécit ne décèle des extatiques, et il n’est rien dit de la nature de l’acte prophétique accompli. L’étonnemen des assistants ne porte ni sur les qualités des nebî’im ou la singularité de leurs actes, mais seulement sur le fait que Saül se mêle à eux et est saisi lui-même par l’esprit divin. Sur la nature des actes accomplis par ces prophètes, voir t. ii, col. 1569-1570. Si, dans sa maison, Saül commet plus tard des actes de fureur et de folie, c’est qu’il était sous l’influence d’un esprit mauvais, qui s’était emparé de lui et qui n’avait rien de commun avec les actes prophétiques des nebî’inl. Une seconde fois, I Sam., xix, 18-24, il prit part aux actes des nebi’îm, ainsi que les trois troupes de soldats qu’il avait envoyées pour prendre David. Ici encore, les prophètes « prophétisaient ». L’esprit du Seigneur saisit les soldats, et ils prophétisent à leur tour. On parle de contagion communiquant le déire prophétique. Rien dan& le texte ne l’indique. Il y a seulement une action del’esprit divin, qui fait participer les soldats aux exercices des prophètes, quels que soient d’ailleurs ces exercices. Le cas de Saül est plus compliqué. En chemin et avant d’arriver à Ramatha, il est déjà sous l’action de l’esprit et il se met à « prophétiser ». S’il y a eu contagion, ça été contagion à distance. Arrivé à Ramatha, il se dépouille de ses vêtements et il prophétise avec les autres. « Et il tomba nu ce jour-là et la nuit suivante. » On voit ici la chute cataleptique de l’extase, en se référant à Balaam. Num., xxiv, 4, 16. Plusieurs commentateurs catholiques l’admettent, , quoique von Gall, Zusammentsetzung und Herkunft der Bileaviperikope, Giessen, 1900, p. 33, nie la> parité avec Balaam, et justement, semble-t-il, puisque ce devin a des visions, que n’ont pas les nebi’îm de-Saûl. Ce détail, joint à la nudité et à la longue durée de l’extase, rend le cas de Saül fort singulier et extraordinaire. Ainsi entendu, il ne peut être généralisé et appliqué à tous les nebi’îm. Il semble plutôt que c’est un cas unique, qui s’explique, dans les circonstances spéciales, par les mauvaises dispositions de Saül contre David, que Dieu voulait changer par une action plus énergique. Quoi qu’il en soit, ce sont là les seuls renseignements que nous ayons sur les nebî’îm exaltés, contemporains de Samuel. Suffisent-ils réellement à. justifier la théorie qu’on échafaude sur eux ? Aussin’est-on pas fondé à traduire mifnabbé’îm par « faisant les fous, les insensés », ou bien « étant dans le délire prophétique ». On n’a pas de raison non plus d’attribuer l’occasion de leur exaltation religieuse à l’oppression des Israélites par les Philistins. Quand ils apparaissent dans les récits bibliques, les nebi’îm n’ont