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PROPHÈTE


tés. Matth., v, 12 ; Àct., vii, 52 ; Heb., xi, 35-40.

3° Le caractère moral de leur prédication. — Le plus souvent, surtout quand ils luttent contre les faux prophètes, les voyants d’Israël, pour justifier leur mission, en appellent à leur droiture, à la conscience intime et profonde qu’ils ont de parler au nom de Dieu, au caractère moral de leur prédication dirigée exclusivement, malgré des obstacles sans nombre, à maintenir ou à ramener Israël dans la vraie religion, dans la bonne voie et dans la pratique du bien. Michée reproche à la maison de Jacob son impiété. S’il n’était un homme inspiré, il dirait des paroles mensongères, il verserait sur ses compatriotes le vin qui les tromperait, il, 11. Les faux voyants de Juda se complaisaient dans des visions vaines et trompeuses. Is., lvi, 10. Du temps de Jérémie, ils trompaient le peuple, vi, 13, parce qu’ils disaient la vision de leurs cœurs et non ce qui sortait de la bouche du Seigneur, xxiii, 16. Ils empêchaient la conversion de Juda, xxiii, 22. Au temps de la captivité, les fausses prophétesses cousaient des coussins et altéraient la vérité pour tromper les âmes. Ezech., xiii, 17-23. Les faux prophètes séduisaient le peuple pour lui plaire et par amour du lucre. Mich., iii, 5, 11 ; Ezech., xm, 19, 21. Du reste, ils étaient adonnés au vin. Is., xxviii, 7. Leurs pensées étaient exécrables et leur conduite mauvaise. Jer., xxiii, 12, 11, 22 ; xxix, 23 ; Soph., m, 4. Celte dépravation morale trahissait la fausseté de leur inspiration feinte, et les distinguait des véritables prophètes, prédicateurs attitrés et officiels du culte moral de Jéhovah.

V. Rôle et influence des prophètes en Israël. — Puisque les prophètes étaient, en Israël, les représentants de Dieu, ses envoyés directs, leur intervention s’est manifestée dans tous les domaines dans lesquels Dieu voulait exercer ses droits sur son peuple choisi. Elle était éminemment religieuse et morale ; mais comme le gouvernement d’Israël était théocratique, elle a nécessairement débordé sur la politique. Enfin, comme à partir du vin" siècle elle s’est exercée par des écrits, elle est devenue littéraire. Nous étudierons donc successivement le rôle religieux et moral, politique et littéraire des prophètes israélites.

1° Rôle religieux et moral, — Les prophètes n’ont pas été les créateurs du monothéisme, mais seulement ses ardents propagateurs. Voir t. iii, col. 1235-1237. S’ils luttaient contre les rois, c’est que ceux-ci pour la plupart, depuis Salomon, portaient le peuple par leurs exemples et leurs actes de gouvernement à l’idolâtrie et que le peuple se laissait facilement séduire. Les prophètes étaient les adversaires de l’idolâtrie et des cultes impurs des Philistins et des Syriens. Déjà, sous Samuel, les disciples des prophètes, à l’époque de la lutte contre les Philistins, propageaient par leurs réunions, leurs chants et leurs prières en commun le culte de Jéhovah ; ils allaient par bandes errantes à travers le pays pour entraîner le peuple à leur suite. Sous Jéroboam I er, les prophètes luttèrent contre le culte du veau d’or, établi à Béthel. Pendant le règne d’Achab, de ce roi qui avait introduit en Israël les idoles tyriennes, ils voulaient avant tout sauver la foi monothéiste. L’extermination des prophètes de Baal par Élie s’explique par la grandeur du danger (il était nécessaire de frapper un grand coup) et par les mœurs du temps. (C’étaient des représailles : n’avait-on pas exterminé les prophètes de Jéhovah ?) C’était un combat de vie et de mort entre le culte du vrai Dieu et celui des fausses divinités. Les prophètes suivants repoussent tout mélange des pratiques idolâtriques avec la religion nationale. Voir t. iii, col. 810-813.

S’ils n’ont pas créé le monothéisme, ils l’ont cependant épuré et développé au moins dans les masses populaires. Ils travaillaient à répandre une connaissance, non pas spéculative et métaphysique, mais simple et pratique.

de Dieu. Jéhovah, le Dieu des pères, était le seul Dieu du ciel et de la terre, supérieur à tous les êtres qu’il a créés, gouvernant le monde avec sagesse et puissance, d’une justice inflexible à punir les coupables, d’une bonté sans mesure pour ses fidèles adorateurs, enfin d’une sainteté si parfaite qu’il ne supportait aucune souillure. Ce Dieu unique et universel, souverainement bon et juste, quoique sévère et terrible, imposait un culte moral en esprit et en vérité et ne se contentait pas des sacrifices et des pratiques extérieures, auxquelles ne se joignaient pas les dispositions intérieures et les œuvres de justice. On a dit, à cause de cela, que la prédication des prophètes était antisacerdotale. Ils n’étaient pas les adversaires du culte mosaïque ; ils défendaient, au contraire, sa spiritualité comme son intégrité contre les prêtres qui favorisaient avec l’idolâtrie la dévotion purement extérieure. Ils devenaient donc les guides religieux du peuple, et ils maintenaient la pureté des mœurs et des doctrines par leurs avertissements, leurs reproches et leurs menaces autant que par leurs exhortations et leurs encouragements. Ils rappelaient sans cesse à la nation juive son idéal religieux, jugeaient le passé et le présent d’après cet idéal dont ils annonçaient et préparaient la réalisation dans l’avenir. Ils se disaient des sentinelles, Is., lii, 8 ; Jer., vi, 17 ; Ezech., iii, 17 ; xxxiii, 6-7, et des gardiens, Is., xxi, II, 12 ; lxii, 6, parce qu’ils veillaient à la sûreté de leur peuple. Cf. Ose., v, 1 ; ix, 8 ; Mich., vii, 4.

Les prophètes ont aussi fait progresser les idées morales en Israël. Ils ont tous été les protecteurs des pauvres et des opprimés et ils ont défendu les faibles contre les injustices et les tyrannies des puissants. Tout en prêchant la rétribution des actes, ils ont reconnu que le juste peut souffrir sans être coupable. Pour plus de détails, voir t. iv, col. 1263-1266. Cf. J. Brucker, L’enseignement des prophètes, dans les Etudes, août 1892, p. 554-580 ; Id., L’Église et la critique biblique, Paris (1908), p. 244-262.]

2° Rôle politique. — Il a été souvent mal compris et mal jugé, sinon travesti : on a fait des prophètes d’Israël des ambitieux voulant tout dominer, le trône et l’autel ; on les a représentés comme des tribuns et des révoltés. En réalité, ils ont simplement tenu la place que la constitution théocratique de leur nation leur assignait, et ils ont rempli la mission que Dieu leur imposait. Dans la constitution mosaïque, le prophète était, de par Dieu, une sorte de modérateur suprême, semblable à Moïse, un surveillant des rois comme des prêtres. Deut., xviii, 15-19. C’est le voyant Samuel qui, par révélation divine, oint Saûl, le premier roi, I Sam., IX, 15-17 ; x, 1, et quand Saül « ut été infidèle à sa mission, le même prophète fut chargé par Dieu d’oindre David, le chef d’une nouvelle dynastie. I Sam., xvi, 1-13. Pendant la révolte d’Adonias, Nathan avertit Bersabée et lui conseille de faire sacrer Salomon. I (III) Reg., i, 11-14. Il intervient lui-même et fait agréer à David les propositions de Belhsabée, 22-27 ; il concourt à l’onction de Salomon, 32-38, 44, 45. On ne doute pas que Nathan ne remplisse en cette circonstance son rôle de prophète. Du vivant de Salomon, Ahias se présente à Jéroboam et lui annonce qu’il régnera sur dix tribus, détachées de la dynastie salomonienne. I (III) Reg., xi, 29-39. Dès que Jéroboam élève un autel à Béthel et organise le culte des veaux d’or pour empêcher les Juifs d’aller adorer Jéhovah à Jérusalem, ibid., xii, 2633, un homme de Dieu vient de Juda prophétiser contre le nouvel autel. Ibid., xiii, 1-10, Parce que ce roi a été idolâtre, Dieu, par la bouche d’Ahias, lui prédit la chute de sa dynastie. Ibid., xiv, 7-16. Cette prophétie fut réalisée par la révolte de Baasa et l’extermination de tous les descendants de Jéroboam. Ibid., xv, 27-30. L’usurpateur, ayant suivi les voies impies de son prédécesseur, apprit du prophète Jéhu sa mort prochaine :