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PROPHÈTE


Dieu comme ses représentants et envoyés vers ceux à qui le Seigneur voulait révéler ses volontés, ordres ou menaces. Dieu lui-même l’affirme par la bouche de Jérémie, xx.iv, 4.

2° Inspiration. — Dieu ne se borne pas à envoyer ses prophètes et à les charger de parler en son nom ; il met sur leurs lèvres ce qu’ils doivent prêcher et annoncer de sa part, il inspire et dirige tous leurs actes et ioutes leurs démarches. L’action de Dieu sur ses envoyés est exprimée dans les Livres Saints en des formules nombreuses, variées et très expressives. Les unes la décrivent d’une façon générale, d’autres en précisent la nature, tout en la laissant cependant encore dans une mystérieuse obscurité qu’il est impossible de dissiper.

La main du Seigneur est sur son prophète, Ezech., I, 3 ; iii, 22 ; xxxiii, 22, avant qu’il ne lui parle ; elle tombe sur lui et il a une vision, Ezech., viii, 1 ; elle le conduit dans l’Esprit de Dieu. Ezech., xxxvii, 1 ; XL, 1. Elle faisait courir Élie devant le char d’Achab. I (III) Reg., xviii, 46. L’Esprit du Seigneur est sur Isaïe, lxi, 11. Michée, iii, 8, a été rempli de sa force, de son jugement et de sa puissance. Cet Esprit se précipite sur Ézéchiel pour lui parler, xi, 5 ; il l’enlève et l’emporte au lieu où il doit porter son message, iii, 12, 14 ; il pénètre en lui, le fait tenir debout et lui parle, iii, 24. Dieu a inspiré par son Espritles paroles desanciens prophètes. Zach., vii, 12. Aussi le prophète est-il l’homme de l’esprit, n=nn ut>n, qu’Israël coupable tient

pour un insensé, Ose., ix, 7, mais qui ne peut mentir. Mich., ii, 11. Cette action de l’Esprit divin s’était produite aussi sur les prophètes d’action. L’Esprit de Dieu s’était précipité sur Balaam, Num., xxiv, 2 ; il était venu sur Azarias, fils d’Oded, II Par., xv, 1, sur Jahaziel, II Par., xx, 14 ; il avait revêtu Zacharie, flls de Joïada. II Par., xxiv, 20. L’annonce de la multiplicité des prophètes aux temps messianiques est faite sous l’image d’une effusion de l’Esprit divin sur toute chair. Joël, ii, 28, 29. Cet esprit qui animait les prophètes d’Israël, venait donc du dehors ; il était étranger à leurs personnes ; il dirigeait leurs actes et il les poussait eux-mêmes à parler.

Son action est précisée ailleurs et présentée comme une révélation divine. Dieu lui-même met ses propres paroles sur les lèvres des prophètes, Deut., xviii, 18, qu’il a purifiées. Is., VI, 5-7 ; Jer., i, 9. Il parle aux prophètes pour leur révéler ses secrets. Amos, iii, 7. Il montre l’objet des visions. Amos, vii, 1, 4, 7 ; viii, 1. Consulté et interrogé, il ne répond que s’il le veut. Ezech., xiv, 3. Le prophète doit attendre que Dieu lui réponde. Hab., ii, 1. Quand le peuple demande une consultation, il prie le Seigneur de donner une réponse qui n’est accordée qu’au bout de dix jours. Jer., XLH, 4, 7. En vain le prophète voudrait-il devancer l’heure et apprendre de force la parole de Dieu. Il n’obtient de révélation que si Dieu veut la lui accorder. Pour punir son peuple, Dieu ne donne plus de visions à ses prophètes. Lament, ii, 9. Mais quand Dieu a ouvert la bouche de son prophète, celui-ci ne peut plus se taire. Ezech., xxxiii, 22. Les prophètes ne parlent donc pas d’eux-mêmes et par leur propre volonté ; c’est l’Esprit qui les inspire. II Pet., i, 21. Leurs paroles ne sont pas le fruit de leurs réflexions personnelles, ni la conséquence de leurs raisonnements. Elles leur viennent du dehors, sont mises par Dieu sur leurs lèvres, ou au moins leurs pensées sont produites dans leur esprit par une force supérieure, l’Esprit de Dieu, qui les fait agir et parler et qui anime toute leur conduite. Sur la manière dont Dieu agissait sur les prophètes et leur communiquait ses volontés, voir Prophétie.

Les prophètes n’ont pas décrit leur état psychologique, tandis qu’ils recevaient les communications di vines. Ils avaient le sentiment intime de posséder la vérité communiquée par Dieu. Toutefois, quelle qu’ait été la façon dont l’Esprit divin agissait sur l’intelligence des prophètes, il laissait leur personnalité intacte ; il ne leur enlevait pas la conscience de leurs actes et n’apportait aucun trouble ni aucune modification dans l’exercice régulier et normal de. leur intelligence et de leur liberté. Quoique inspiré, le prophète agissait, pensait et parlait comme les autres hommes. Ses pensées et ses paroles étaient celles de Dieu ; il avait compris la révélation qui lui avait été faite, et il la publiait comme il eût fait pour ses propres idées. En parlant et en agissant, il parlait et agissait au nom de Dieu, parfois comme s’il était revêtu de la personnalité de Dieu qui parlait par sa bouche ; il n’avait néanmoins rien perdu de son activité personnelle. Quand les prophètes s’exprimaient comme s’ils avaient été Dieu lui-même, quand ils lui attribuaient leurs discours, ils formulaient la pensée divine dans leur langage propre, avec les couleurs de leur imagination et la chaleur de leurs sentiments. Ils empruntaient leurs images à leur milieu social, et ils donnaient parfois l’empreinte de leur esprit à la pensée de Dieu. Ils avaient reçu de Dieu les ordres à communiquer, les vérités à manifester, l’impulsion pour agir et parler ; mais dans l’exercice de la communication des pensées divines aux autres, ils gardaient le libre usage de leurs facultés, Ils n’ont pas laissé d’indice que, même dans la vision, ils aient été ravis en extase. Ils ne disent pas que, tandis que leur esprit percevait la vérité que Dieu leur manifestait, ils avaient perdu conscience des choses extérieures. Il n’y a donc pas lieu, d’ordinaire, de parler d’extase prophétique, au moins dans le sens antique d’hommes qui parlent étant hors d’eux-mêmes et sans l’usage de leurs facultés naturelles. Leur esprit avait dû parfois, peut-être, se fixer si attentivement sur la vérité révélée par Dieu, surtout lorsqu’elle était présentée à leur imagination sous des images, qu’au moment de sa manifestation surnaturelle, il avait perdu, partiellement ou totalement, conscience des choses extérieures. Mais cette abstraction d’esprit ne durait que pendant la perception de - l’objet révélé ; elle n’avait pas fait cesser la pleine conscience intérieure, et l’acte de perception accompli, le prophète gardait le souvenir distinct de ce qu’il avait vu ou de ce qu’il avait éprouvé, et il le manifestait avec l’usage plénier de sa liberté et de ses autres facultés naturelles. L’extase prophétique, quand elle s’est produite, différait donc de la jjav : « des devins antiques et n’avait rien de commun avec leur délire ou leur démence. Le prophète savait toujours ce qu’il prophétisait, quoiqu’il pût cependant ne pas saisir toujours toute la portée de ses oracles. Sur les prophètes exaltés et hors d’eux-mêmes, voir Prophétisme.

Il est clair enfin que les prophètes d’Israël ne sentaient pas constamment en eux ni toujours au même degré, quand elles se produisaient, l’influence et l’action de Dieu. Leur inspiration n’était pas continue ni habituelle. Quoique leur mission ait été ordinairement perpétuelle, tout ce qu’ils faisaient et disaient n’y avait pas un rapport nécessaire. Quand ils remplissaient leur mission, ils étaient poussés par l’Esprit de Dieu, et alors leurs paroles et leurs actes étaient inspirés, bien que Dieu ne leur ait pas fait de nouvelles révélations. L’inspiration divine avait donc lieu pour eux par intermittence. Le prophète Nathan avait de lui-même encouragé le roi David dans son projet de bâtir un temple au Seigneur ; mais, la nuit suivante, Dieu lui révéla que David ne réaliserait pas son dessein qui serait accompli par son fils. II Sain., vii, 3-13. Dieu, ne parlait à Élie que dans des cas particuliers et à de longs intervalles. I (III) Reg., xvii* 2, 8 ; xviii, 1. Si Elisée reçoit une double part de l’esprit d’Élie, II (IV)l Reg., ii, 9, 10. 15, Dieu lui avait caché la douleur de la.