Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/339

Cette page n’a pas encore été corrigée
665
666
PRIÈRE


séricordieux, généreux, patient, indifférent aux formules et aux gestes, mais exigeant sur les sentiments du cœur. Sans doute, un jour, les pharisiens étendront leur formalisme aux règles de la prière elle-même ; mais Notre-Seigneur viendra bientôt pour détruire leur œuvre néfaste et rendre à la prière de l’homme son caractère d’appel simple, naturel, cordial et confiant de la créature au Créateur bon et puissant, de l’enfant à son Père des cieux. Aussi n’est-il pas étonnant que les prières bibliques, les Psaumes en particulier, s’inspirant de sentiments si vrais et en même temps si élevés, aient pu traverser les âges et soient devenues, même après le passage du Sauveur, les prières de l’humanité.

3° Ses fins. — Chez les anciens peuples polythéistes, la prière, à peu d’exceptions près, était devenue une formalité destinée à procurer les biens ou à écarter les maux d’ordre temporel. Cicéron, Sat. deor., iii, 36, pouvait dire : « Jamais personne n’a considéré la vertu comme un présent de la divinité. On appelle Jupiter le dieu le meilleur et le plus grand, non parce qu’il nous rend justes, sobres et sages, mais parce qu’il nous donne la santé, le bonheur, la fortune et l’abondance. » Sans doute, les Israélites, comme tous les autres hommes, ont été plus sensibles aux biens temporels qu’aux avantages spirituels, et les premiers ont été fréquemment appelés par leurs prières. Mais, chez eux, la prière intéressée n’a pas été exclusive des autres. La Sainte Écriture renferme un grand nombre de prières qui ont des fins plus relevées : 1. La prière latreutique ou d’adoration. Ce genre de prière se reconnaît dans les Psaumes viii, xxrv (xxm), xcxiii (xcxii), xcv (xcrv), xcvii (xcvr), xcix (xcvm), cxm (cxii), etc. ; dans le cantique des trois jeunes gens, Dan., iii, 52-90 ; dans les acclamations d’îsaïe, vi, 3, et de saint Jean, Apoc, vu, 12 ; xi, 17-18 ; xv, 3-4 ; xvi, 5-7, etc. — 2. La prière eucharistique ou d’actions de grâces. Elle est fréquente dans la Bible. À ce genre appartiennent le cantique de la mer Rouge, Exod., xv, 1-18 ; le cantique d’Anne, I Reg., ii, 1-10 ; celui de David, II Reg., xxii, 2-51^]les Psaumes xxxiv (xxxiii), xl (xxxix), lxx (lxix), cxxiv (cxxm), etc. ; les cantiques de Tobie, xra, 1-23, et de Judith, xvi, 2-21 ; ceux de Marie, Luc, i, 46-55, et de Zacharie, Luc, i, 68-79, etc. — 3. La prière impétratoire ou de demande. La prière pour demander les biens d’ordre temporel se rencontre continuellement, surtout dans l’Ancien Testament. L’Évangile lui-même enregistre les nombreuses requêtes de malheureux qui réclament leur guérison ou celle de, leurs proches. Ces demandes sont conformes à l’ordre de la Providence, et la meilleure preuve en est qu’elles sont très souvent exaucées. Mais les biens spirituels sont aussi l’objet de la prière. Ainsi Salomon demande la sagesse et l’intelligence, II Par., i, 10 ; des Psalmistes prient pour « connaître le sentier de la vie », Ps. xvi {xv), 11, pour revoir bientôt le sanctuaire du Dieu qu’ils aiment, Ps. xlh (xli), 2, 3, pour obtenir « un cœur pur » et « un esprit ferme », Ps. m (li), 12, pour que Dieu donne au roi l’esprit de justice et d’équité, Ps. lxxii (lxxi), 1, 2, pour qu’il accorde la connaissance et l’amour de sa loi, Ps. cxix (cxviii), etc. ; on prie Dieu d’envoyer du ciel sa sagesse, afin que l’on connaisse ce qui lui est agréable. Sap., ix, 4, 10. Quand ils conjurent si souvent le Seigneur d’envoyer le Messie, les prophètes demandent le bien spirituel par excellence, celui qui doit être pour l’humanité la source de tous les autres. Le Nouveau Testament abonde en requêtes spirituelles, celles du don de Dieu, Joa., iv, 10-15, du pain de vie, Joa., vi, 34, de l’accroissement de la foi, Marc, ix, 23 ; Luc, xvii, 5, de la vue du Père, Joa.,-xiv, 8, et toutes celles qui sont formulées dans les Actes des Apôtres ou dans leurs Épîtres. Ces requêtes répondent à l’invitation si formelle du divin

Maître qui a recommandé de « chercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice ». Matth., vi, 33. — 4. La prière propitiatoire ou de repentir. Elle est représentée par les Psaumes de pénitence, vi, xxxii (xxxi), xxxvin (xxxvii), li (l), cil (ci), cxxx (cxxix), cxliii (cxm), les prières de saint Pierre, Luc, v, 8, et du publicain, Luc, xviii, i’à, etc.

4° La prière type. — 1. Le Sauveur a daigné lui même l’enseigner à ses Apôtres. C’est le Pater, qui donne une si haute et si complète idée de ce que doit être la prière. Matth., vi, 9-13 ; Luc, x, 2-4. Cette prière ne renferme rien dans sa formule qui soit exclusivement caractéristique de la religion chrétienne et qui ne puisse convenir qu’aux enfants de l’Église du Christ. Notre-Seigneur a voulu qu’elle fût par excellence la prière de l’humanité. Dieu y est présenté comme Père, par conséquent comme celui auquel les hommes peuvent s’adresser en toute confiance, Père qu’on ne doit pas s’étonner de ne pas voir, puisqu’il est dans les cieux, mais dont la puissance et la bonté s’exercent de là-haut sur les enfants qu’il a sur la terre. Les trois premières demandes : « Que. votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel », se rapportent à la gloire de Dieu, que l’homme souhaite et qu’il doit travailler à procurer par son obéissance. Ainsi l’homme satisfait au double devoir de l’adoration et de l’action de grâces. Sa prière passe ensuite à la demandé, quand elle détermine les biens qui sont attendus de la munificence divine, pour le corps, le pain de chaque jour, pour l’âme, la préservation de la tentation, pour les deux ensemble, la délivrance du mal. Enfin le repentir a son expression dans les paroles : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés, » paroles qui font de t la charité fraternelle la preuve du repentir sincère. Ces choses sont exprimées en peu de mots, pour indiquer que Dieu tient plus aux sentiments du cœur qu’à la longueur des formules. C’est la prière par excellence, tant par son origine que par sa simplicité et la perfection de ses demandes. — 2. Avec la leçon, Notre-Seigneur a tenu à donner l’exemple de la prière. Nul doute que la prière n’ait consacré le temps de savie cachée. Pendant sa vie publique, aussitôt après son baptême, il est en prière quand le Père le fait connaître comme son Fils. Luc, iii, 21. Au cours de ses tournées évangéliques, il se lève de grand matin et va prier dans la solitude. Marc, i, 35. Après la guérison du lépreux, pour échapper à l’empressement indiscret des foules, il se retire dans le désert et y prie. Luc, v, 16. Avant de choisir ses Apôtres, il passe la nuit en prière sur la montagne. Luc, vi, 12. Après la multiplication des pains, il se retire seul sur la montagne pour prier. Matth., xiv, 23 ; Marc, vi, 46. Il était encore seul à prier, avant de demander à ses Apôtres ce qu’on pensait de lui. Luc, ix, 18. Sur la montagne de la transfiguration, il prie, et c’est pendant sa prière que son visage se met à resplendir. Luc, ix, 28, 29. À la suite d’une de ses prières, les Apôtres lui demandent de leur apprendre à prier. Luc, xi, 1. Ces quelques indications des Évangélistes montrent que la prière tenait la plus grande place dans la vie du Sauveur. II profitait de toutes les occasions pour s’isoler et prier, sans parler des prières qu’il faisait publiquement avec ses Apôtres, sur les chemins, dans les synagogues ou au Temple. La prière sanctifie surtout la dernière journée de Notre-Seigneur, au cénacle, Matth., xxvi, 30 ; Marc., xiv, 26 ; Joa., xvii, 1-26, à Gethsémani, Matth., xxvi, 36 ; Marc, xiv, 32 ; Luc, xxii, 41, et sur la croix. Luc, xxiii, 34 ; Matth., xxvii, 46 ; Marc, xv, 34 ; Luc, xxiii, 46. L’Épître aux Hébreux, v, 7, ’dit que, « dans les jours de sa chair, il offrit avec de grands cris et avec larmes des prières et des supplications à celui qui pouvait le