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PRÊTRE


veiller les manifestations religieuses qui se produisaient dans le pays. — Notre-Seigneur lui-même semble avoir eu peu de rapports avec les prêtres. Il reconnaît cependant la légitimité de leur ministère dans le Temple, Matth., xii, 4, 5, et renvoie à leur examen le lépreux qu’il a guéri. Matth., viii, 4 ; Marc, i, 44 ; Luc, v, 14. — Depuis que le pontificat suprême était tombé sous la dépendance absolue du pouvoir civil, qui se réservait la nomination du grand-prêtre, c’est-à-dire depuis Hérode, le haut sacerdoce se recrutait dans la secte des sadducéens, qui ne croyaient pas à Ja vie future et ne songeaient qu’aux honneurs, aux richesses et à la jouissance. Parmi les descendants d’Aaron, les riches seuls étaient admis à exercer leurs fonctions dans le Temple, avec la faculté de les exploiter conformément à leurs intérêts. Les autres prêtres vivaient dans l’abandon, la pauvreté et l’ignorance. Des grands-prêtres en vinrent à faire piller par leurs serviteurs les greniers contenant des dîmes destinées aux prêtres, si bien que ceux-ci mouraient de misère. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, viii, 8 ; ix, 2. Ceux qui jouissaient de la faveur des grands n’en avaient pas plus d’influence morale pour cela. Ils ne se préoccupaient plus que de la forme matérielle du culte, surtout dans ce qu’il avait d’honorifique et de lucratif. Il n’est pas surprenant que, dans ces conditions, leur influence morale fût à peu près nulle sur le peuple. Déjà même les meilleurs prêtres aaroniques eussent été impuissants à procurer le salut de leur nation et à travailler à celui de l’humanité, parce que la religion qu’ils représentaient n’avait pas grâce pour assurer ce bien et d’ailleurs touchait à sa fin. Notre-Seigneur le donne à comprendre dans sa parabole du bon Samaritain, qui représente le prêtre de l’ancienne loi passant auprès du malheureux blessé et ne faisant rien pour lui, par impuissance plus encore que par mauvais vouloir, Luc, x, 31. Beaucoup de ces pauvres prêtres s’en rendirent compte ; la grâce aidant, une multitude d’entre eux obéirent à la foi chrétienne. Act., vi, 7. — Bien que les prêtres influents au point de vue politique appartinssent à la secte sadducéenne, Act., v, 17 ; cf. Josèphe, Ant. jud., XX, îx, 1, il s’en faut cependant qu’on ait le droit d’identifier le sacerdoce avec le sadducéisme. Les principaux seuls se rattachaient à la secte ; beaucoup d’autres étaient pharisiens, et les pharisiens défendaient avec zèle les droits légitimes du sacerdoce et lui reconnaissaient la première place dans la théocratie. Cf. Ckagiga, ii, 7 ; Horayoth, iii, 8 ; Gitlin, v, 8. Leur opposition ne visait que les prêtres inféodés au sadducéisme et au pouvoir civil, étranger à la nation. Au temps des Machabées, la hiérarchie sociale se composait de quatre éléments : le grandprêtre, le sénat ou le conseil des anciens, les prêtres et le peuple. I Mach., xii, 6 ; xiv, 20. À l’époque évangélique, les prêtres n’étaient pas déchus de ce rang. Un certain nombre d’entre eux faisaient même partie du sanhédrin, soit dans la classe des grands-prêtres, soit dans celle des anciens, soit dans celle des scribes. Voir Sanhédrin. Dans les synagogues, les prêtres avaient la préséance ; ils étaient appelés les premiers à faire la lecture. Cf. Gittin, v, 8. — Le sacerdoce judaïque, aboli en droit par la mort de Jésus-Christ, le fut en fait par la ruine définitive du Temple. On voulut croire d’abord que le désastre n’était que provisoire, comme au temps des Chaldéens. Les docteurs suspendirent donc le paiement des redevances qui avaient pour objet l’entretien du Temple et l’exercice public du culte ; mais les autres furent maintenues et on les acquitta, en général, là où se trouvaient des prêtres. Cf. Schekalim, viii, 8. Mais il fallut ensuite se rendre à l’évidence. Les prêtres avaient perdu leur raison d’être, puisqu’il n’y avait plus de fonctions rituelles à remplir. Ils furent remplacés par les docteurs

ou rabbins, qui n’avaient pas besoin de temple pour une religion privée de sacrifice et réduite au service des synagogues.

IV. Sacerdoce chrétien. — 1° Sacerdoce de Jésus-Christ. — 1. Jésus-Christ a été le prêtre par excellence de la loi nouvelle. Il a été appelé à cette fonction par Dieu même, qui déjà s’était réservé d’appeler, en la personne d’Aaron, les prêtres de la loi ancienne, Heb., v, 4, 5. Cet appel a eu lieu quand Dieu lui a dit : « Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui, » Ps. ii, 7, et encore : « Tu es prêtre pour toujours selon l’ordre de Melchisédech. » Ps. ex (cix), 4. — Notre-Seigneur n’est pas de la tribu de Lévi, mais de celle de Juda. Son sacerdoce ne se rattache donc pas à celui d’Aaron. Il est prêtre selon l’ordre de Melchisédech, c’est-à-dire à la manière de ce « roi de justice » et « roi de paix », dont l’Écriture n’indique pas la généalogie, mais auquel Abraham, père de toute la race lévitique, rend lui-même hommage et donne la dîme. Le sacerdoce de Jésus-Christ ne dérive donc pas de celui d’Aaron ; il a sur lui une supériorité figurée déjà par les devoirs qu’Abraham a rendus à Melchisédech. Heb., vii, 1-7. — Le sacerdoce aaronique a été établi sans serment, Dieu ne lui ayanj ; jamais promis l’exercice perpétuel de ses fonctions ; aussi les prêtres se succédaient-ils les uns aux autres parce que la mort les arrêtait. Le sacerdoce de Jésus-Christ a été établi avec serment : « Le Seigneur l’a juré, il ne s’en repentira pas : Tu es prêtre pour toujours. » De plus, il demeure éternellement et ne se transmet point, parce que celui qui le possède est toujours vivant. Heb., vii, 20-25. — Les prêtres lévitiques étaient sujets au péché ; se souvenant de leur faiblesse, ils étaient capables de se montrer indulgents envers les autres, mais devaient nécessairement commencer par offrir des sacrifices pour eux-mêmes. Jésus-Christ est un grand-prêtre « saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs, élevé au-dessus des cieux ». Il n’a donc pas besoin d’offrir de victimes pour lui-même ; mais il s’est offert pour les péchés du peuple et a été exaucé pour sa piété. Heb., v, 1-9 ; vit, 26-28.

— Les prêtres anciens exerçaient leur ministère dans, des sanctuaires faits de main d’homme, le Tabernacle et le Temple ; il y avait là un Saint des saints caché par un voile, et de multiples prescriptions charnelles auxquelles les prêtres étaient assujettis. Le ministère sacerdotal de Jésus-Christ, après avoir commencé sur terre, s’exerce maintenant « à la droite du trône de la majesté, dans les cieux », où est assis Jésus-Christ, « comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle, qui a été dressé parle Seigneur, et non par un homme, » et il y est « toujours vivant pour intercéder » en faveur des hommes. Heb., vii, 25 ; viii, 1, 2 ; ix, 1-11. — Les sacrifices des anciens prêtres se multipliaient indéfiniment, parce qu’ils étaient inefficaces et ne pouvaient procurer que la pureté de la chair. Le sacrifice de Jésus-Christ est unique, parce qu’il purifie les âmes elles-mêmes, abolit le péché une fois pour toutes, a une vertu toute puissante et assure le salut éternel à ceux qui veulent en profiter. Heb., v, 9 ; vii, 25 ; ix, 12-14. Jésus-Christ a donc été revêtu d’un véritable sacerdoce, supérieur au sacerdoce lévitique par son origine, son unité, sa sainteté et son efficacité. — 2. « Tout grand-prêtre, pris d’entre les hommes, est établi pour les hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin d’offrir des oblations et des sacrifices pour les péchés. » Heb., v, 1. Jésus-Christ n’a offert qu’un seul sacrifice « par lequel il a procuré la perfection pour toujours à ceux qui sont sanctifiés. » Heb., x, 14. Ce sacrifice est celui de la croix, que le sacrifice eucharistique représente et continue. Voir Sacrifice. Cf. De Condren, Idée du sacerdoce et du sacrifice de J.-C, Paris, 1858, p. 19-45. — 3. Les Pères appliquent à Jésus-Christ les paroles du Psaume xlv (xliv), 8 : « Le Seigneur t’a