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PRETOIRE


mais ce qui ressort de son témoignage ; c’est que le Prétoire était à peu près à égale distance de Siloé et de la pis.cine probatique. Or, l’Antonia est de beaucoup plus près de cette dernière. Antonin le Martyr place le Prétoire « devant les ruines du Temple de Salomon », à l’endroit où « l’eau coule vers la fontaine de Siloé, près du portique de Salomon. » Cette eau qui coule dans la direction de Siloé semble bien être celle qui suit la pente naturelle duTyropœon, le long de l’enceinte du Temple. Le nom de « portique de Salomon » n’est donc pas à prendre ici dans son sens historique, comme indiquant l’est du Temple, mais dans un sens général que le pèlerin donne aux restes salomoniens de l’édifice sacré.

2. Le Terrain des Arménien » catholiques. — Une seconde opinion, qui s’appuie également sur les données évangélîques, traditionnelles et archéologiques, se rapproche de la précédente en ce sens qu’elle place le

172. — Plan de l’église inférieure de Notre-Dame du Spasme.

D’après Macalister, dans le Palestine Exploration

Fund, Quarterly Statement, 1902, p. 122.

Prétoire dans une certaine dépendance de l’Antonia, mais elle s’en écarte en le mettant à l’ouest, du côté de la vallée du Tyropœon. Le terrain de cet emplacement est situé entre la Voie douloureuse au nord, la rue de la Vallée à l’ouest, une rue qui va vers l’esplanade du Temple au sud, et le couvent des derviches à l’est ; il appartient aux Arméniens catholiques. On y a découvert les ruines d’un sanctuaire byzantin, (fig. 172) dont l’abside méridionale conserve une curieuse mosaïque, représentant deux sandales (fig. 173). Cette figure, d’après l’interprétation courante, marque l’endroit où se tenait la Sainte Vierge lorsqu’elle rencontra son divin, Fils marchant au supplice ; d’où Notre-Dame du Spasme, signalée par d’anciens pèlerins. Une autre explication y voit le lieu où Jésus se reposa sur le chemin du Calvaire ; d’où « le moustier c’on apeloit le Repos », dont parle Ernoul. Mais les partisans de cette seconde hypothèse veulent y retrouver la place qu’occupait Notre-Seigneur, la Sagesse incréée, lorsqu’il fut condamné par Pilate. Nous aurions ainsi l’emplacement exact de l’ancienne église de Sainte-Sophie, et par conséquent du Prétoire. Les raisons mises en avant sont les suivantes. La mosaïque est très ancienne, comme le prouvent les monnaies byzantines, les seules trouvées dans les environs au moment des fouilles en 1883. D’après M. Macalister,

Palestine Exploration Fund, Quart. St. t 1902, p. 123, elle est plus ancienne que l’église elle-même. Elle n’a pas été faite pour servir d’ornement à l’église, mais pour consacrer un culte religieux, car elle était renfermée dans une partie de l’édifice où elle ne pouvait être profanée. Elle fixe donc un souvenir relatif à bj Sainte Vierge ou à Notre-Seigneur. Or, il n’est pas question d’un sanctuaire de Notre-Dame du Spasme avant le xme siècle, et ceux qui en parlent ne mentionnent pas la mosaïque aux deux sandales. L’endroit d’ailleurs est trop éloigné de la Voie douloureuse pour avoir pu être le point de rencontre de Jésus avec sa Mère. Dès l’an 570, au contraire, Antonin de Plaisance déclare avoir vénéré l’empreinte des pieds du Sauveur dans la basilique de Sainte Sophie. C’est donc bien la même basilique, tombée dans l’oubli depuis l’invasion persane, qu’on aurait retrouvée surle terrain arménien, « en bas, dans la vallée, s selon les indications du Pèlerin de Bordeaux concernant le Prétoire, « devant les ruines du Temple de Salomon », à l’endroit où « l’eau coule vers la fontaine de Siloé, » selon Antonin de Plaisance,

173. — La mosaïque de N.-D. du Spasine, ibid., p. 124.

Le Prétoire se trouvait ainsi au pied de l’Antonia, du côté de l’ouest, près d’une porte conduisant de la forteresse à la ville. Ces données semblent confirmées par le plan de Jérusalem, tel qu’il apparaît sur la mosaïque de Madaba. En suivant, en effet, comme le Pèlerin de Bordeaux, la grande colonnade qui va du sud au nord et aboutit à la porte napolitaine, marquée par une belle place, avec une colonne, on rencontre à droite, presque en face de la basilique du Saint-Sépulcre à gauche, un peu plus loin cependant vers le nord-est, une église placée dans la direction de la r^e qui conduit à la porte de l’est. La rue qui la borde à l’est n’a de colonnes que d’un côté ; c’est un portique, et l’on peut y voir le portique de Salomon dont parle Antonin et le long duquel les eaux descendent à Siloé. Plus loin, près de la porte de l’est, se trouve une autre église, qui est celle du paralytique ou de Sainte-Marie, aujourd’hui Sainte-Anne, Cf. M. J. Lagrange, Jérusalem d’après la mosaïque de Madaba, dans la Revue biblique, Paris, 1897, p. 455-457. — Cette seconde opinion a été défendue de nos jours par E. Zaccaria, dans le Nuovo bullettino di archeologia mstiana, Rome, mars 1900 et mars 1901 ; et C. Mommert, Dos Prâtorium des Pilatus, Leipzig, 1903. Il est sûr qu’elle répond bien à la tradition des plus anciens pèlerins, à la situation présumée de l’antique basilique de Sainte-Sophie ; Mais on peut se demander comment elle rattache le Prétoire à la forteresse Antonia, comment elle concilie cet emplacement avec la direction de la seconde enceinte de Jérusalem.