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PRESSOIR — PRÊT

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de l’ardente colère du Dieu tout-puissant. » Apoc, xix, 15.

Plusieurs Psaumes ont en titre dans les versions : ûiràptûv >ï)viSv, pro torcularibus, « pour les pressoirs ». Ps. tiii, 1 ; lxxx, 1 ; lxxxiii, 1. Il y a en hébreu’al hag-giftit, « sur la gittît ». Ce mot est le nom d’un instrument. Voir Giïtith, t. iii, col. 245.

E. Lesêtre.

PRÊT, mise d’une somme d’argent ou d’un objet à la disposition de quelqu’un qui doit les rendre. En hébreu, le verbe lâvdh signifie « emprunter » au kal, et « prêter » à l’hiphil causatif ; Septante : Saveffciv, xty_p « vai ; Vulgate : commodare. Le verbe nâSâh a le même sens.

I. La loi. — 1° La loi mosaïque considérait le prêt comme un service essentiellement désintéressé qu’il fallait rendre au prochain dans le besoin. « Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras pas à son égard comme un créancier, tu n’exigeras pas de lui d’intérêt. » Exod., xxii, 25. La prescription est répétée dans le Lévitique, xxv, 35-37 : « Si ton frère devient pauvre et que sa main s’affaiblisse près de toi, tu le soutiendras, fût-il étranger, afin qu’il vive auprès de toi. Ne tire de lui ni intérêt ni profit, mais crains ton Dieu et que ton frère vive avec toi. Tu ne lui prêteras point ton argent à intérêt, et tu ne lui donneras point de tes vivres pour en tirer profit. » L’étranger est ici le gêr, admis à vivreau milieu des Israélites en respectant leurs lois religieuses et sociales. Voir Prosélyte. Le Deutéronome, xxiii, 19, 20, revient une troisième fois sur le même objet : « Tu n’exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se prête à intérêt. » — L’intérêt porte en hébreu différents noms. On l’appelle d’abord néSék, du verbe nâSak, « mordre », parce que c’est mordre et dévorer le débiteur pauvre que de l’obliger à rendre quelque chose de plus que ce qu’on lui a prêté. L’araméen nekat, « mordre » donne de même nûktâ’, « intérêt » ; l’arabe qras signifie à la fois « ronger » et « tirer intérêt » ; Aristophane, Nub., i, i% emploie l’expression Sixvs(76a : ûitô twv x.pswv, « être mordu par les dettes », et Lucain, I, 181, qualifie l’usure de vorax, « dévorante ». Cf. Gesenius, Thesaurus, p. 922. Les versions traduisent né$ék par tôxoç et uswa. Du verbe râbâh, « augmenter, multiplier », sont tirés deux autres noms de l’intérêt : marbît et farbîf, que les versions rendent par uXcovctandc, « surplus », super abundantia. L’intérêt d’un prêt se présentait donc aux Hébreux sous un double aspect : celui d’une dureté à l’égard d’un homme déjà pauvre ; et celui d’un profit en faveur d’un homme déjà riche. On comprend qu’à ces titres il ait été prohibé par une loi qui visait à resserrer les liens de fraternité entre tous les membres de la famille israélite.

2° S’il ne pouvait exiger d’intérêt, du moins le prêteur avait le droit de prendre un gage sur son débiteur. S’il en eût été autrement, certains débiteurs aujaient abusé de la situation pour se faire prêter sans intention de rendre, et bien des riches auraient refusé -de prêter, à cause des risques à courir ; et, en définitive, c’eût été au détriment du pauvre. Mais la loi imposait certaines conditions à celui qui se nantissait -d’un gage prélevé sur les biens de son débiteur. Voir Dette, t. ii, col. 1394, 1395. Plus tard, la solvabilité du débiteur fut garantie par des cautions. Voir t. ii, col. 1395. — L’institution des années jubilaires et sabbatiques apportait certaines restrictions aux droits naiûrels du prêteur. À l’année jubilaire, chaque famille devait rentrer dans sa propriété foncière. Dès lors, le gage pris sur cette propriété devenait caduc. Il ne s’ensuit nullement, comme le prétend Josèphe, Ant. jud., III, xii, 3, que les dettes s’éteignaient par le fait même. Rien dans les textes sacrés n’autorise à l’ad mettre. Voir Jubilaire (Année), t. iii, col. 1752-1753. L’effet de l’année sabbatique était purement suspensif. Comme, cette année-là, le sol n’était pas cultivé et ne rapportait rien, celui qui avait fait un prêt ne pouvait en exiger la restitution d’un Israélite. L’approche de l’année sabbatique ne devait même pas empêcher de prêter au pauvre, sous prétexte qu’on ne rentrerait pas dans ses fonds toute la durée de cette année. Le Seigneur voulait que l’Israélite lise eût le cœur mieux placé et n’hésitât pas à proroger d’une année entière l’échéance de la dette. Deut., xv, 1-3, 7-11. Ce précepte n’était pas d’une observation très onéreuse dans un pays et dans un temps où l’argent n’avait qu’une valeur représentative et n’était pas considéré comme portant profit par lui-même.

3° Vis à vis de l’étranger, nokrî, àXXi-rptoç, de celui qui n’était pas agrégé à la nation comme le gêr, les droits de l’Israélite avaient plus d’extension. On pouvait exiger de lui le paiement de la dette même l’année sabbatique. Deut., xv, 3. De plus, il était permis de lui prêter à intérêt. Deut., xxiii, 20. Cette faculté comptait parmi les faveurs accordées par Jéhovah à son peuple : « Tu feras des prêts à beaucoup de nations et toi tu n’emprunteras pas. » Deut., xv, 6 ; xxviii, 12. Or ces prêts comportaient intérêt ; autrement les Israélites ne les eussent jamais consentis à des peuples visà-vis desquels aucune obligation ne les liait, ni en justice, ni en charité. Chez les Babyloniens, on prêtait à intérêt. Le code d’Hammourabi prévoit plusieurs fois le paiement d’un capital et des intérêts, kaspu u sibat-su. Scheil, Textes élamitiques-sétnitiques, Paris, 1902, p. 49 ; art. 48-51, p. 41-43. Cf. Buhl, La société israélite d’après l’A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 155-160. L’intérêt était de 20 et parfois même de 25 pour 100. Cf. Rawlinson, Cun. Insc. W. As., t. ii, pi. 12, col. 1, 20, 21 ; t. iii, pi. 47, 9. Les prêtres babyloniens faisaient fructifier les immenses ressources accumulées dans les temples, trafiquaient sur l’argent et servaient d’intermédiaires entre prêteurs et emprunteurs, avec intervention de scribe public et usage du gage, de la caution, de l’amortissement et de la saisie. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 679, 750. Les Israélites ne faisaient donc que suivre un usage commun en tirant intérêt de ce qu’ils prêtaient aux étrangers. — Par contre, si l’Israélite devenait infidèle à son Dieu, les malédictions devaient tomber sur lui, celle-ci entre autres : « L’étranger qui vit au milieu de toi s’élèvera de plus en plus au-dessus de toi, tandis que toi, tu descendras toujours plus bas ; il te prêtera, et tu île lui prêteras pas ; il sera en tête, et tu seras à la queue. » Deut., xxviii, 43, 44. L’étranger en question est le gêr, admis à vivre au milieu d’Israël et astreint à ses lois. Par conséquent, s’il prêtait à un Israélite, il ne devait pas réclamer d’intérêt, et c’était déjà une humiliation pour l’Israélite que d’en être réduit à emprunter sans avoir le moyen de prêter. Mais, pour la suite, on ne prêta guère sans intérêt dans de pareilles conditions.

II. La pratique. — 1° Les prescriptions de la loi sur les prêts n’ont pas toujours été strictement observées. La femme dont Elisée multiplia l’huile pour l’aider à payer sa dette avait vu ses deux enfants réduits en esclavage par un créancier impitoyable. IV Reg., iv, 1. Le texte ne dit pas si ce créancier était Israélite ou étranger. S’il était Israélite, il avait outrepassé ses droits ; car la loi permettait à l’Israélite pauvre de se vendre comme esclave jusqu’à l’année jubilaire, Exod., xxv, 39 ; elle n’autorisait pas un créancier à le réduire de force en esclavage. Il est assez probable que le créancier était étranger, car le fait se passait dans le royaume du nord ; on est alors en droit d’incriminer les compatriotes de cette veuve « d’entre les femmes des fils des prophètes », qui avaient laissé cette violence s’exercer sans