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PONCTUATION HEBRAÏQUE


points-voyelles et d’accents. "Voir H. Gràtz, Geschichte der Juden von den âlteslen Zeiten bis auf die Gegenwart, t. v, p. 503. Au xvi « siècle, le savant juif Elias Levita protesta de toutes ses forces contre ces théories ; Louis Gappel fit de même cent ans après.

On ne saurait dire avec certitude si la vocalisation et l’accentuation du texte sacré, c’est-à-dire l’invention des points-voyelles et celle des accents destinés à marquer la ponctuation, furent contemporaines. Celleci est peut-être un peu moins ancienne que celle-là. Le grammairien juif Ben-Ascher, dans son traité Dikduké ha-Teamîm, réédité en 1879 par Bær etStrack, ꝟ. 9, fait en prose riniée l’éloge de la ponctuation biblique et mentionne les « points sans nombre » dont elle se composait, mais sans dire à quelle époque il en fixait l’origine. Il est certain du moins, et communément admis de nos jours, que la ponctuation hébraïque proprement dite est plus récente que saint Jérôme († 420), et que le Talmud, achevé vers l’an 500 après Jésus-Christ. En effet, ni l’un ni l’autre ne la connaissent encore, ainsi qu’on l’a démontré par des arguments irréfutables. Voir la dissertation de H. Hupfeld, dans les Theologische Studien und Kritihen. 1830, p. 549-590, 785-810. Le traité Soferim, iii, 7, où il est parlé pour la première fois de points destinés à marquer la séparation des versets, est postérieur au Talmud.

C’est probablement au vie siècle de notre ère qu’il faut placer les débuts du système de la vocalisation et de.la ponctuation hébraïques. Il se développa lentement, car il ne semble avoir été complet qu’au milieu du viil" siècle. Voir The Jewish Encyclopedia, in-4°, NewYork, t. x, 1905, p. 269. Les plus anciens manuscrits, qui datent du ix 9 et du x° siècle, sont pourvus d’accents ; il en est de même, jusqu’à un certain point, des fragments hébreux de l’Ecclésiastique, récemment découverts en Egypte. Cf. la Revue des Éludes juives, Paris, t. SL, n. 79, année 1900, p. 1-36 ; A. E. Cowley et A. Neubauer, The original Hebrew ofa Portion of Ecclesiasticus, in-f", Oxford, 1897.

D’après une hypothèse ingénieuse, mais peu vraisemblable, de M. Joseph Derenbourg, dans la Revue critique, nouvelle série, t. vii, 1879, p. 453-461, le système de la ponctuation hébraïque se serait élaboré tout entier dans les écoles primaires juives, à l’époque indiquée plus haut, et serait l’œuvre des maîtres d’école, qui auraient inventé ces divers signes pour faciliter aux enfants la lecture du texte hébreu de la Bible. Ce système a une origine plus scientifique. Les hébraïsants s’accordent de plus en plus pour le rattacher à celui des Syriens, inventé dès la fin du ve siècle, avec lequel il présente de grandes analogies, et dont il provient au moins en partie. Voir P, Martin, Histoire de la ponctuation et de la Massora chez les Syriens, in-8°, Paris, 1875, dans le Journal asiatique, 7e série, t. v, p. 81-208 ; A. Wright, À short History of Syriac Literature, in-8°, Londres, 1894, p. 115-116. Les Syriens avaient eux-mêmes emprunté leurs accents aux Grecs. D’après une autre théorie, dont H. Prcetorius s’est fait l’ardent et savant défenseur, dans son livre Die Herkunftder hebràischenvccente, in-8°, Berlin, 1901, la plupart des accents hébreux auraient pour modèles directs la ponctuation et la neumation des Évangéliaires grecs.

En toute hypothèse, le système emprunté, soit grec, soit syrien, ne fut pas adopté tel quel, mais remanié et considérablement développé par les écoles juives de Babylonie et de Palestine, qui prirent en main, de très bonne heure, la vocalisation et la ponctuation du texte biblique. Il existait des divergences assez grandes entre les signes adoptés par les écoles orientales et les écoles occidentales (celles de Palestine). Voir Babyloniens (Petropolitanus Codex) et le fac-similé, fig. 409, t. i, col. 1359. Nos éditions imprimées contiennent l’accentuation palestinienne. — Les massorètes veillèrent sur

les signes des voyelles et des accents, avec le même soin religieux et méticuleux que sur les consonnes, comme on le voit par les notes nombreuses des éditions critiques delà Bible hébraïque publiées par S. Bær etFrz. Delitzsch, in-8°, Leipzig, 1869-1896, et par R. Kittel, in-8°, Leipzig, 1905-1906.

IV. Importance du verset dans la ponctuation hébraïque. — Cette ponctuation a pour but principal, en effet, de déterminer les rapports réciproques des mots et des propositions, non pas précisément dans une même phrase, comme c’est le cas pour nos langues européennes, mais dans un même verset. D’où il suit que le verset joue un rôle essentiel dans cette sorte d’accentuation, car c’est par rapport à lui qu’elle est invariablement déterminée. Les punctatores ont donc commencé par séparer les versets tant bien que mal, d’après le sens, s’efforçant d’en faire un tout à peu près complet. Ils l’ont ensuite divisé en deux parties, qui ne sont pas nécessairement égales. Chacune de ces parties a été à son tour subdivisée en deux sections plus petites, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on eût atteint des groupes minuscules et inséparables de mots. Ainsi donc, sous le rapport de la ponctuation, chaque verset biblique — et notons de nouveau qu’il ne forme pas toujours ni obligatoirement une phrase complète — est considéré, d’après le langage imagé des anciens grammairiens, comme un territoire, ditio, qui est dominé par le double point final (voir plus bas), et que d’autres accents, de valeur décroissante, coupent de façon à former d’autres petits domaines secondaires, selon qu’il est plus ou moins long.

Nous aussi, nous avons des signes disjonctifs, qui partagent la phrase en ses différents membres ; mais, tandis qu’il nous suffit d’en posséder quatre, le point, les deux points, le point et virgule, la simple virgule

— nous laissons de côté le point d’interrogation, le point d’exclamation et la parenthèse, qui manquent totalement en hébreu — on en rencontre près de trente dans l’ensemble de la Bible hébraïque, sans parler du système de ponctuation qui est propre à quelques livres poétiques. Voir col. 535. Et non contents de séparer ainsi par le menu les propositions et les mots, au moyen de signes divers, les ponctualeurs en ont inventé une seconde classe, qui, à une exception près, le trait d’union, fait complètement défaut dans les langues indogermaniques : il s’agit des accents conjonctifs, assez nombreux aussi, qui sont destinés à unir entre eux certains mots d’une manière plus étroite. En somme, il n’est pas un seul mot hébreu qui ne soit muni d’un accent quelconque, lequel le sépare du mot précédent ou l’y rattache. — Parmi les accents qui servent à la ponctuation, les uns sont placés sur la première consonne du mot, les autres sur la dernière ; pour ce motif, on donne aux premiers le surnom de prépositifs, et aux seconds celui de postpositifs.

V. Désignation des signes de la ponctuation hébraïque. — On distingue, ainsi qu’il vient d’être dit, deux grandes catégories d’accents, servant à la ponctuation dans la Bible hébraïque : les distinctivi ou disjonctifs, appelés aussi domini, « maîtres », c’est-à-dire principaux, à cause de leur importance considérable ; les conjunclivi ou conjonctifs, qu’on appelait encore servi, « serviteurs », subalternes, à cause de leur moindre utilité. D’après la savante grammaire de Kônig, Lehrgebàude der hebràischen Sprache, 1881, t. i, p. 75-81, que nous avons prise pour guide principal dans l’énumération qui suit, on en compte jusqu’à 27. Leurs noms hébreux ou araméens se rapportent tantôt à leur forme, tantôt aux fonctions qu’ils remplissent soit pour rendre plus aisée l’intelligence de la phrase, soit en vue de la canlillatio des synagogues. Nous n’en avons donné la traduction que lorsqu’elle est moralement certaine, ou de quelque utilité.