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POLYGAMIE


lumière, mais qui devaient vivre comme ceux de leur condition. Gédéon a 70 fils et beaucoup de femmes et de concubines. Jud., viii, 30, 31. Jaïr a 30 fils. Jud., x, 4. Abesan a 30 fils et 30 filles. Jud., xil, 9. Abdon a 40 fils. Jud., su, 14. Elcana, père de Samuel, a deux femmes qui paraissent de même condition, Anne et Phénenna. La seconde prenait plaisir à affliger sa rivale à cause de sa stérilité. I Reg., i, 2, 6. La situation de la famille d’Elcana représente ce qu’étaient les familles moyennes en Israël. La bigamie y régnait. Peut-être même Elcana n’avait-il pris Phénenna qu’à raison de la stérilité d’Anne, qu’il préférait à l’autre et traitait en conséquence. I Reg., i, 5. De là des dissentiments, des jalousies et des propos amers, conséquences inévitables de la polygamie déjà constatées dans les familles d’Abraham et de Jacob. — 2. Sous les rois, les recommandations du Deutéronome, xvii, 17, sont interprétées avec une largeur excessive. À Saiil ne sont attribuées qu’une femme et une concubine. II Reg., iii, 7. Mais déjà David prend Michol, I Reg., xviii, 27, Abigaïl,

I Reg., xxv, 42, Bethsabée, II Reg., xi, 5, et un certain nombre de femmes et de concubines, II Reg., xii, 8, en possession desquelles se met publiquement Absalom, le jour où il veut s’emparer de la royauté paternelle.

II Reg., xvi, 21, 22. Salomon dépasse toutes les bornes avec son innombrable harem. III Reg., xr, 3. Cf. Cant., vi, 8-9, Roboam a 18 femmes et 60 concubines ; il établit ses fils dans les différentes places du royaume et leur donne beaucoup de femmes. II Par., xi, 21, 23. Abia a 14 femmes. II Par., xiii, 21. Joram en a un nombre qui n’est pas indiqué. II Par., xxi, 17. Quand le grand-prêtre Joïada veut établir le jeune roi Joas, il lui fait prendre deux femmes. II Par., xxiv, 3. Les renseignements font défaut au sujet des autres rois de Juda ; mais c’est probablement parce qu’ils ont plusieurs épouses que l’historien sacré prend soin de nommer la mère de chaque nouveau roi. III Reg., xxii, 42 ; IV Reg., xii, 1 ; xiv, 2 ; xv, 2, 33 ; xviii, 2 ; xxi, 1, 19 ; xxii, 1 ; xxiii, 31, 36 ; xxiv, 8. Par ce que l’on sait des rois de Juda, on peut juger de ce que dut être la polygamie parmi les rois d’Israël. — 3. Après la captivité, on ne trouve plus mention de polygamie chez les écrivains sacrés.. Il est seulement question de l’admission d’Esther dans le harem d’Assuérus. Esth., ii, 8. À cette occasion, l’historien fournit de curieux détails sur le recrutement et le fonctionnement du harem royal de Suse. On commence par chercher dans tout l’empire des jeunes filles, « vierges et belles de figure », qu’on rassemble à Suse. L’eunuque Egée a pour fonction de faire un choix, d’enfermer les élues dans la maison des femmes, sous une surveillance rigoureuse, et de leur assurer des soins appropriés pendant de longs mois. Au bout d’un an, chacune était présentée au roi, passait une nuit dans son palais, puis était reléguée dans une seconde maison des femmes, où elle restait désormais confinée sous la garde d’un autre eunuque, à moins que le roi ne la fit rappeler. Esth., ii, 2-14. Esther eut la faveur de plaire à Assuérus plus que toutes les’autres, et elle fut élevée à la dignité de reine, ce qui lui permettait d’avoir ses entrées auprès du roi, et d’habiter dans un palais particulier où elle pouvait donner des festins même au roi et à son ministre. Esth., ii, 16, 17 ; v, 1-8. La polygamie était en vigueur chez les Perses, cf. Strabon, xv, 733 ; Hérodote, I, 135, chez les Mèdes et chez les Indiens. Cf. Strabon, xi, 526 ; xv, 714. — 4. On a pu » remarquer que, pour la période royale, la Sainte Écriture parle de polygamie à propos des rois, mais se tait en ce qui concerne les particuliers. Même silence pour la période qui s’étend de la captivité à Jésus-Christ. Faut-il en conclure que la coutume était totalement tombée en désuétude, en dehors des cours ? On ne doit pas se hâter de tirer cette conclusion. Le roi

Hérode eut en tout dix femmes, dont plusieurs à la fois. A ce propos, Josèphe, Bell, jud., i, xxiv, 2, observe que cette pluralité était permise aux Juifs en vertu de leurs usages particuliers, et que d’ailleurs le roi aimait avoir plusieurs femmes. En un autre endroit, Ant. jud., XVIL, I, 2, il dit : « C’est pour nous une coutume nationale d’avoir en même temps plusieurs femmes. » Il adresse cette remarque à ses lecteurs grecs et romains, chez lesquels la polygamie était mal vue. D’après la Mischna, Sanhédrin, li, 4, un roi pouvait se permettre dix-huit femmes. Quant aux particuliers, ils avaient droit d’aller jusqu’à quatre, cf. Yebamoth, iv, 11 ; Kethuboth, x, 1-6, ou cinq. Cf. Kerithoth, iii, 7 ; Kidduschin, ii, 7 ; Bechoroth, viii, 4. Saint Justin, Dial. cum. Tryphon., 134, t. vi, col. 785, confirme ces indications de la Mischna, quand il déclare que les docteurs juifs « en sont encore à permettre à chacun d’avoir quatre ou cinq femmes. » La polygamie s’est, paralt-il, perpétuée chez les Juifs allemands jusqu’au moyen âge. Cf. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes im Zeit. J.-C, Leipzig, t. i, 1901, p. 407.

III. Dans le Nouveau Testament. — Les écrivains du Nouveau Testament ne font nulle part mention expresse de la polygamie. Par deux fois, saint Paul exige bien que l’évêque soit (icSç yuvaixô ; avujp, « mari d’une seule femme ». I Tim., iii, 2 ; Tit., i, 6. Mais ce qu’il exclut ici, ce n’est pas la polygamie simultanée, étrangère aux mœurs des Grecs et des Romains, c’est la polygamie successive. Il veut de même que la veuve admise au service de l’Église soit évb ; àvêpôç fuvi, « femme d’un seul homme », c’est-à-dire évidemment « n’ayant eu qu’un seul mari ». Le silence des écrivains du Nouveau Testament démontre qu’à leur époque malgré les concessions des docteurs juifs, la polygamie était assez exceptionnelle et assez décriée pour qu’il fût inutile de la réprouver. C’était donc un abus qui tombait totalement en désuétude, surtout au contact du monde gréco-romain, qui avait bien d’autres vices, mais ignorait celui-là. S’il en eût été autrement, Notre-Seigneur en aurait parlé, comme il a fait pour le divorce. — 2. D’ailleurs la condamnation de la polygamie est nécessairement renfermée dans celle du divorce. Notre-Seigneur déclare que « quitter sa femme pour en prendre une autre, c’est commettre l’adultère. » Matth., xix, 9 ; Marc, x, 11 ; Luc, xvi, 18. Le mal ne consiste pas nécessairement à se séparer de sa femme, puisque dans certains cas la séparation est permise, mais à prendre une seconde femme du vivant de la première. Au regard de la loi évangélique, la bigamie a donc le caractère de l’adultère ; à plus forte raison en est-il ainsi de la polygamie. Le divin Maître attribue à la dureté de cœur des Hébreux, c’est-à-dire à leur manque d’intelligence, de délicatesse et de sens moral, l’autorisation du divorce que Moïse a dû leur accorder. Matth., xix, 8. La même cause a certainement inspiré le législateur quand il a toléré tacitement la polygamie. Les Hébreux d’autrefois n’auraient pu se passer de cette tolérance, au milieu de peuples qui en jouissaient à leur aise. Une défense portée par fa loi n’eût servi qu’à multiplier les transgressions. Rom., vii, 7-11. La loi ancienne a donc toléré un abus qui ne se heurtait à aucun article essentiel de la loi naturelle et qui respectait suffisamment les fins principales du mariage, l’union mutuelle de l’homme et de la femme et la propagation de la race. Mais la loi nouvelle, plus parfaite et d’ailleurs universelle, ne pouvait laisser se perpétuer cette tolérance. « Au commencement, il n’en fut pas ainsi. » Matth., xix, 8. Notre-Seigneur le disait du divorce ; c’était également vrai de la polygamie. Adam n’avait reçu de Dieu qu’une seule femme et n’en avait qu’une, ainsi que ses descendants pendant plusieurs générations.

— 3. Quels qu’aient pu être les avantages résultant de la tolérance de la polygamie pour les anciens Hébreux,