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POISSON


taille peut atteindre de trois à einq mètres ; le squale, poisson de grande taille dont la voracité est prodigieuse ; la lamie, de dimension extraordinaire et dqnt le poids peut atteindre 15000 kilogrammes, et surtout le requin ou careharias, d’une force et d’une voracité étonnantes et dont la taille, peut aller jusqu’à neuf et dix mètres. Tous ces poissons appartiennent à la famille des sélaciens ou plagiostomes, dont la bouche est placée transversalement au-dessous du museau. Dans leur mythe d’Hercule englouti par un monstre marin qu’avait envoyé Neptune, puis rejeté sain et sauf, les Grecs faisaient intervenir un carcliarias, xdtpx’fws xûwv, csmis cm’charias ou requin. Cf. Lycophron, Cassandr. , 34. On cite plusieurs cas d’hommes engloutis tout entiers par des requins, entre autres celui d’un matelot qui, en 1759, tomba à la mer dans la gueule d’un requin qui suivait le navire. Le monstre, blessé à coups de fusil, rendit aussitôt le matelot un peu contusionné. Cf. S. Muller, Des Bitt. von Linné volst. Natw system., Nuremberg, 1774, p. 268, 269. Le cas d’un homme englouti par un poisson, comme le fut Jonas, est donc naturellement possible. Il est dit que le prophète resta trois jours et trois nuits dans le ventre du monstre. Jon., ii, 2, Cette expression doit s’entendre, à la manière hébraïque, non de 72 heures, mais de beaucoup moins, peut-être de 30 ou 4Q. Ce séjour de Jonas au sein du poisson, sa survivance dans un pareil milieu et ensuite sa délivrance sur te rivage ne sont pas présentés par le texte sacré comme des faits naturels. On ne peut donc leur opposer d’autres objections que celles qu’on fait contre tous les miracles. Voir Jonas 2, t. iii, col. 1608-1609. Cf. F. Baringius, De ceto Jonse, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. ii, p. 217-219 ; Rosenmùller, Prophétie minores, Leipzig, p. 354-356, 374 ; T. J. Lamy, Jonas, dans le Diction, apologétique de Jaugey, p. 1705-1714. Sur les représentations de Jonas et du poisson dans l’iconographie chrétienne primitive, voir Martigny, Diction, des antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 398.

V. Le poisson de Tobie. — Le jeune Tobie descendait sur la rive du Tigre pour se laver les pieds, quand un poisson énorme, tx9ù ? (h’y « Ç) piscis immanis, sortit pour le dévorer, ou, d’après le Sinaïticus, chercha à lui happer le pied. Tobie fut épouvanté, mais, sur l’ordre de l’ange, il tira le poisson par les ouïes jusque sur la rive. Tob., vi, 2.4. Le texte sacré ne dit rien sur la nature de ce poisson. L’Euphrate et le Tigre sont très poissonneux. Les riverains n’ont longtemps vécu que de poisson, qu’ils mangeaient frais, salé ou fumé. Ils le séchaient au soleil, le pilaient dans un mortier, tamisaient la poudre et en faisaient des sortes de pains ou de gâteaux. Hérodote, i, 200. Le barbeau, la carpe, l’anguille, la murène, le silure prospèrent et prennent de fortes dimensions dans ces eaux lentes. On y trouve aussi une curieuse espèce de grondin. « Il séjourne dans l’eau à l’ordinaire, mais l’air libre ne l’effraie point : il saute sur les berges, grimpe aux arbres sans trop de peine, s’oublie volontiers sur les bancs de boue que la marée découvre et s’y vautre au soleil, sauf à s’enlizer en un clin d’œil si quelque oiseau l’avise de trop près. » Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. i, p. 556. On a conjecturé que le poisson de Tobie était un silure, mais on a contesté qu’il ait pu s’élancer pour attaquer l’homme. Cf. Tristram, The natural History of the Bible, p. 293. Le Sinaïticus et la Vulgate parlent d’un grand poisson. Le texte grec de la Sixtine dit seulement qu’  « un poisson s’élança du fleuve ». Il ne serait pas impossible que ce poisson non qualifié, qui sauta du fleuve, ne fût autre que le grondin. Il devait, en tous cas, être à la fois de taille assez faible pour que le jeune homme pût le tirer à lui, et pourtant assez volumineux pour fournir les provisions qui suffirent aux deux voyageurs jusqu’à Rages. Tob., vi, 6.

Une fresque du cimetière de Thrason représente Tcsbie offrant à l’ange le, poisson qu’il vient de prendre (fig. 116). Cf. Marùechi, Éléments d’archéologie chrétienne, Paris, t. i, 1899, p. 303. Sur l’emploi du flel de poisson pour la guérisqn des yeux, voir Fiel, t. ii, col. 2234. "Voir aussi Tobie.

VI. Le marché aux poissons. — Dans l’ancienne Jérusalem, H y avait une parte des Poissons, ainsi nommée parce que les provisions de poisson arrivaient par là, de la mer et du lac de Tibériade. II Par., xxxiii, 14 ; H Esd., iii, 3 ; xii, 38 ; Soph-, i, Î0. Des [marchands tyriens vendaient le poisson dans la ville ; Néhémie fut même obligé de prendre des mesures rigoureuses pour les empêcher d’exercer leur commerce le jour du sabbat. II Esd, , xiii, 16. Le poisson qu’ils vendaient n’était pas frais, à cause de la distance à parcourir, mais salé ou séché au soleil. Voir le marchand de poisson d’un ancien bazar égyptien, t. ii, fig. 512, çql. 1555. Le poisson de mer frais ne pouvait guère venir à Jérusalem, que de Jqppé. Les Phéniciens avaient de grandes pêcheries maritimes et exportaient en Palestine une partie de leur

116. — Tobie offrant à l’ange, le poisson.

Peinture de la catacombe des Saints-Thrason-et-Saturnin.

D’après Martigny, Dictionnaire, p. 760.

poisson. Les habitants de plusieurs bourgs de la côte ne vivaient que de leur pêche. Le lac de Tibériade fournissait les poissons d’eau douce. Un grand nombre de bateaux y péchaient au temps de Notre-Seigneur. Cf. Josèphe, Bell, jud., III, x, 9. Des poissons salés arrivaient aussi d’Egypte. Le zâç. ijçoç qu salaison s’y préparait en un grand nombre d’endroits, d’où la fréquence du nom de lieu Tapissai. Machschirin, vi, 3. Cf. Hérodote, n, 149. Le thon salé ou holias provenait d’Espagne, dont les salaisons étaient renommées. Schabbath, xxil, 2 ; Machschirin, vi, 3. Cf. Pline, ii, N., xxxil, 146 ; Sehûrer, Géschichte des jïidischen Vol/tes, Leipzig, t. ii, 1898, p. 57, 58. Sauf au bord de la mer et du lac tous les poissons n’étaient transpertés et utilisés qu’après avoir été sales ou séchés au soleil. Le peuple se contentait de cette nourriture.

VII. Les poissons dans l’Évangile. — Les évangélistes mentionnent les poissons à propos des pêches ordinaires, Matth., xiii, 47, ou miraculeuses. Luc, v, 6 ; Joa., xxi, 6-13. Voir Pêche, col. 6. Ils en parlent surtoutau point de vue de la nourriture. Notre-Seigneur dit qu’un père ne donnerait pas un serpent à son enfant qui lui demande un poissqn. Matth., vii, 10 ; Luc, XI, 11. Le poisson et le serpent ont une certaine ressemblance ; mais l’un est comestible et l’autre nuisible. A la première multiplication des pains, un enfant a deux poissons, assez petits, sans doute, puisqu’il peut les porter en chemin avec einq pains. Matth., xiv, 17 ; Marc, vi, 38, 41 ; Luc, ix, 13 ; Joa., vi, 9. À la seconde multiplication, on trouve parmi les assistants quelques