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POISSON


fois la femelle en pondre une quantité considérable, deux cents environ, au milieu des joncs et des roseaux, dans une petite excavation qu’elle creuse en se frottant dans la vase… Quelques minutes plus tard, le mâle prend avec ses lèvres les œufs, les uns après les autres, et les fait glisser dans l’intérieur de sa gueule, contre ses joues qui se gonflent alors d’une manière étrange… Au sein de cette cavité incubatrice d’un nouveau genre, les œufs subissent en quelques jours toutes leurs métamorphoses. Les petits, qui prennent rapidement un volume considérable, paraissent bien gênés dans leurétroite prison… et ne quittent cette demeure que lorsqu’ils sont longs de dix millimètres, et alors assez forts et agiles pour échapper facilement à leurs nombreux ennemis. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 506. L’hemichromis sacra se rencontre, au mois de juin, avec la gueule pleine d’œufs et d’alevins, atteignant parfois le nombre de deux cent cinquante. Les chromis Tiberiadis, niloticus et microstomus, de plus grande taille que les précédents, sont préférés par les pêcheurs. Les alevins que contient ainsi la gueule des chromis ont une couleur argentée et tombent sur le sable comme des gouttelettes de mercure. Ce fut très probablement dans la gueule d’un chromis que, sur l’ordre du Seigneur, saint Pierre trouva un jour, non plus des alevins, mais le statère destiné à payer le

114. — Clarias macracanthus des rives vaseuses et herlieuses du lac de Tibériade. D’après Lortet, La Syrie, p. 509.

tribut. Matth., XVII, 26. Le poisson, malgré la présence du statère dans sa bouche, n’eut pas plus de difficulté à saisir l’hameçon, que n’en avaient ses semblables pour saisir la proie destinée à les nourrir, dans le temps que leur bouche était encombrée par leurs alevins. Un des poissons les plus curieux du lac est un siluridé, le clarias macracanthus (fig. 114), analogue au clarias anginllaris d’Egypte, le coracinus de Josèphe, Bell, jud., III, x, 8. Il atteint plus d’un mètre de longueur, peut vivre plusieurs jours hors de l’eau, et fait entendre, quand on le prend ou qu’on le frappe, des espèces de miaulements comme ceux d’un chat. Il a une vessie natatoire qu’il peut remplir d’air, qui lui permet de respirer hors de l’eau comme les dipneustes, et qui, en se contractant, imite le bruit d’un miaulement. Ce poisson, dépourvu d’écaillés, ne pouvait être mangé par les Israélites. Les poissons du lac servent de proie aux pélicans et aux grèbes huppés, échassiers qui fréquentent la Palestine en très grand nombre. Ces derniers s’attaquent aux chromis pour les dévorer ; mais, quand ils les trouvent trop gros, ils se contentent de leur enlever les yeux avec leur long bec. Aussi prend-on souvent des poissons aveugles dans le lac. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 508-510.

2° Dans le Jourdain et ses affluents. — Le Jourdain nourrit une grande quantité de poissons que chassent les martins-pêcheurs, mais qui se multiplient d’autant plus aisément que, par suite d’un préjugé, les Arabes n’y touchent jamais. Les espèces ne différent pas de celles qui peuplent le lac de Tibériade. On pêche le plus fréquemment les capoeta Syriaca, socialis et Da mascina, poissons argentés comme les truites de montagne ; les barbus canis et longiceps, d’assez grande taille et pourvus de tentacules de chaque côté du museau ; le cyprinodon cypris, petit poisson de cinq centimètres de long, et quelquefois le claHas macracanthus. Les torrents qui se jettent dans le Jourdain ont les mêmes espèces que le fleuve. Les petits ruisseaux du Kelt, aux environs de Jéricho, nourrissent le capoeta Damascina, le Discognathus lamta et le cyprinodon cypris. Le barbus longiceps abonde surtout dans le Jaboc. Le lac Houléh a les mêmes habitants que le lac de Tibériade. Mais tous les poissons qu’entraîne le violent courant du Jourdain périssent dès qu’ils atteignent les eaux de la mer Morte. Cf. Ezéch., xlvii, 9, 10. Voir Jourdain, t. iii, col. 1739 ; Morte (Mer), t. iv, col. 1300. On trouve aussi en grande abondance dans des sources même salées ou chaudes, de petits poissons argentés, le cyprinodon Sophiw, le’cyprinodon dispar, et d’autres analogues. Le cyprinodon dispar (fig. 115), long de cinq centimètres à peine, est d’un gris argenté et verdàtre sur le dos. Des points pigmentaires d’un noir intense sont semés sur les flancs, le ventre et les nageoires. Ce poisson vit dans les sources chaudes, fortement salées et parfois quelque peu sulfureuses. Mais, comme tous les autres, il périt sitôt qu’on le plonge dans l’eau de la mer Morte. La source Aïn Sghaïr, salée, sulfureuse et d’une température de 20°, renferme des myriades de cyprinodon Sophiæ, longs

H5. — Cyprinodon dispar de Palestine. D’après Lortet, La Syrie, p. 439.

de trois ou quatre centimètres à peine. Ces poissons sont d’un brun verdàtre, avec des raies argentées verticales sur les flancs. Ils se meuvent avec grande agilité et se nourrissent surtout de larves de moustiques. Près du lac Houléh, la source Aïn Mellâhâh nourrit des cyprinodon dispar et des capoeta fratercula. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 438, 439, 444, 540. Il arrivait parfois que les torrents aboutissant au Jourdain se tarissaient. Alors se réalisait ce que dit Isaïe, L, 2 : « Je changerai les fleuves en désert, leurs poissons pourriront faute d’eau et ils périront de soif. »

IV. Le poisson de Jonas. — Le texte sacré dit que « Jéhovah lit venir un grand poisson, dàg gâdôl, pour engloutir Jonas, et Jonas fut dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits. » Jon., ii, 1. Dans saint Matthieu, xii, 40, le poisson est appelé un monstre marin, xïjto ; , cetus. Tout d’abord, il n’est nullement nécessaire de supposer que Dieu ait créé un poisson spécial pour engloutir le prophète. Il « fit venir », c’est-à-dire prit soin que le monstre se trouvât là au moment voulu. Notre-Seigneur lui-même fait allusion à l’événement et le présente comme un signe, c’est-à-dire comme un fait miraculeux destiné à prouver ou à figurer quelque chose. Matth., xii, 39 ; Luc, xi, 29. Les mots dâg gâdôl, « grand poisson », x^toc, employés par les Septante et par saint Matthieu, piscis grandis de la Vulgate, ne préjugent absolument rien quant à la nature de l’animal en question. Il ne saurait être la baleine dontle pharynx est beaucoup trop étroit pour avaler une proie considérable. Voir Baleine, t, i, col. 1413. Mais dans la Méditerranée se trouvent d’autres monstres capables d’engloutir un homme tout entier. Tels sont par exemple le pristis ou scie, dont la