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POÊLE — POÉSIE HÉBRAÏQUE


frire sur le feu des gâteaux ou des mets analogues. La poêle était en métal et ne consistait guère que dans une simple plaque avec ou sans rebords (fig. 101).

— On faisait frire sur la poêle des gâteaux de fleur de farine destinés aux oblations. Lev., ii, 5 ; vi, 21 ; viꝟ. 9. Ces gâteaux étaient ordinairement mélangés d’huile, ce qui leur permettait de se détacher facilement du métal. Dans le Temple, il y avait des lévites chargés de veiller sur les gâteaux cuils à la poêle, I Par., ix, 31 ; xxiii, 29. — Chez son frère Amnon-Thamar fit cuire des gâteaux, puis prit la poêle et les versa. II Reg., xiii, 9. Le mot mairêÇ n’apparaît que dans ce passage. Le mot mafyâbaf n’est pourtant pas réservé pour les poêles du Temple. — Ezéchiel, iv, 1-3, reçut l’ordre de tracer sur une brique un plan de Jérusalem et de construire autour l’appareil d’un siège, puis de prendre une poêle de fer et de la placer comme un mur de fer entre lui et la ville, dont il figurait l’assiégeant. Cette poêle de fer, ainsi interposée, signifiait que Dieu, le véritable assiégeant, ne voulait plus ni voir ni entendre Jérusale iii, dont le

101. — Poêle à frire, trouvée à Pompéi. D’après Rich, Dictionnaire des antiquités, p. 556.

sort était irrévocablement fixé et la ruine décidée. Dans la réalité, la poêle de fer représentait ici les péchés d’un peuple incorrigible, appelant un vengeur inflexible. Isaïe, lix, 2, avait en effet déjà dit : « Ce sont vos iniquités qui ont mis une séparation entre vous et votre Dieu, ce sont vos péchés qui vous ont caché sa face pour qu’il ne vous entendît pas. » Cf. Lam., iii, 44. — Pendant la persécution d’Antiochus Épiphane, le premier des sept frères, d’abord affreusement mutilé, fut placé sur une poêle pour y être rôti, et la vapeur de la poêle se répandit au loin. II Mach., vii, 3-5.

H. Lesêtre.

POÉSIE HÉBRAÏQUE. Sur le caractère général de la poésie hébraïque et sur les caractères particuiiers qui la distinguent, parallélisme, vers, strophe, voir Hébraïque (Langue), t. tu, col. 487-492

1° Origine babylonienne de la poésie hébraïque. — Le parallélisme n’est pas une invention des Hébreux, on le trouve dans de très anciens poèmes babyloniens et même égyptiens, quoique moins régulier dans ces derniers. Eb. Schrader, Semilismus und Babylonismus, dans les Jahrbucher fur proteslantische Théologie, 1. 1, 1875, p. 121 ; H. Zimmern, dans la Zeitschrift fur Assyriologie, t. viii, p. 121 ; t. x, p. 1 ; W. Max Mùller, Die Liebespoesie der alten Aegyyler, 1899, p. 10. La littérature assyrienne offre même des exemples de poèmes alphabétiques. Proceedings of the Society of Biblical Archseology, t. vii, 1895, p. 135-151. C’est donc de leur patrie primitive que les Hébreux avaient emporté, pour ainsi dire, leur moule poétique. Leurs ancêtres avaient connu, là aussi, leur principal genre poétique, la poésie lyrique, et l’on a pu donner le nom de psaumes à des poèmes babyloniens qui par leur ton, leur tour et leur sentiment religieux, ressemblent en effet aux chants du Psautier, dont ils diffèrent peu pour la forme, quoiqu’ils en différent totalement par la doctrine théologique. — Ni les Assyriens ni les Hébreux n’eurent l’idée du draine proprement dit. — L’antique Babylonie eut des poèmes épiques, tels que le poème de Gilgamès, mais

les Israélites n’ont jamais utilisé cette forme de poésie. L’Écriture contient snrtout des poèmes lyriques. Pour les différents noms qu’on leur donnait, voir Psaumes.

— Avec la poésie lyrique, , la poésie gnomique ou didactique, mâîal, fut la plus cultivée chez les Hébreux. Voir Proverbes.

2° Usage de la poésie chez les Hébreux. — Comme chez tous les peuples, dès la plus haute antiquité, les Hébreux eurent recours à la poésie pour exprimer leurs joies et leurs peines, les événements heureux et les deuils de la vie privée ou de la vie publique. Le plus ancien morceau poétique que renferme la Bible est relatif à l’histoire de Lamech. Gen., iv, 23-24. Moïse chante le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 1-21 ; Débora, la victoire de Barac et la défaite de Sisara, Jud., v, etc. Cf. I Reg., xviii, 7 ; Jud., xv, 16 ; Num., xxi, 27-30 ; Jos., x, 12. Noé, Gen., ix, 25-27 ; Jacob, Gen., xlix ; Moïse, Deut., xxxiir, bénissent leurs enfants ou leur peuple en un teslament poétique. David déplore dans une élégie d’un lyrisme achevé la mort de Saùl et de Jonathas, II Reg., i, 18-27 ; Jérémie, dans ses touchantes’Lamentations, les malheurs de son peuple emmené en captivité. Cf. II Reg., iii, 33 ; Jud., xi, 40. La poésie comme la musique égayait lès festins. Is., v, 12 ; xxtv, 9 ; Amos, vj, 5 ; Jud., xiv, 14, 18, etc. La découverte d’une source fournissait matière à un chant. Num., xxi, 17-18. On célébrait aussi par des chants poétiques la moisson et les vendanges. Jud., rx, 27. Voir Chanson, t. ii, col. 551. Mais les Hébreux composaient surtout des chants religieux et leur poésie est avant tout religieuse. Le Psautier en est la preuve ; aucun autre recueil poétique ne peut lui être comparé pour l’élévation des sentiments, la profondeur de la piété, l’éclat du lyrisme, l’union intime du poète avec Dieu, Les livres des prophètes nous offrent une plus grande variété de formes poétiques que les Psaumes, mais c’est le même sentiment religieux qui s’y manifeste.

Les chants sacrés, avec accompagnement de musique, furent un des éléments principaux du culte rendu à Dieu par les Israélites. Voir Chant sacré, t. ii, col. 553 ; Chantres du temple, col. 556 ; Musique, iii, t. iv, col. 1319. C’est aux Hébreux que l’Église chrétienne a emprunté avec les Psaumes, l’usage de la psalmodie et du chant liturgique.

3° Technique de la poésie hébraïque. — 1. La poésie hébraïque, comme toutes les poésies, se distingue de la prose par l’assujettissement à des règles spéciales qui consistent surtout dans le rythme et dans la mesure. Un poème doit briller par ! e choix des pensées, la beauté des figures, le mouvement, la couleur et l’éclat du style, mais toutes ces qualités peuvent exister dans la prose ; ce qui constitue proprement te poème en tant qu’œuvre d’art, c’est en général, la métrique ; en hébreu, c’est en particulier le parallélisme, qui par lui-même n’exige pas une mesure rigoureuse et peut se rencontrer à la vérité dans des morceaux qui ne sont pas en vers, mais qui doit toujours coexister avec le vers, lequel caractérise par excellence les morceaux poétiques. Les règles de la versification hébraïque ne nous sont pas bien connues, mais l’existence du vers hébreu n’en est pas moins certaine. Les poèmes hébreux sont aussi souvent divisés en strophes.

2. Outre ces caractères généraux, on peut signaler dans la poésie hébraïque, a) l’emploi de mots, de formes grammaticales et de tournures qui lui sont propres, comme dans toutes les langues ; — b) les poèmes acrostiches, dans lequel chaque vers ou chaque série parallèle commence par une lettre de l’alphabet, selon son ordre alphabétique. Voir Alphabétique (Poème), t. i, col. 416 ; — c) la rime ou répétition du même son à une place déterminée du vers. L’emploi de la rime dans la poésie rabbinique est fréquent, mais son usage régulier ne paraît pas antérieur au