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PILATE (PONCE) — PILATE (FEMME DE)


permettant à Joseph d’Arimathie de donner aucorps sacré de Notre-Seigneur une sépulture honorable. Cf. Luc, xx.ni, 50-52 ; Joa., xix, 38.

5° Sa révocation et sa mort. — Un dernier acte de cruauté, dont Josèphe, Ant. jud., XVIII, iv, 1-2, nous a conservé les détails, ne tarda pas à renverser les calculs de cet homme politique et à amener sa chute. Un certain nombre de Samaritains, séduits par un imposteur, s’étant mis à faire des fouilles sur le mont Garizim, près de Sichem, dans l’espoir d’y trouver des vases sacrés que Moïse y aurait cachés avant sa mort, le gouverneur les fit massacrersans pitié. Leurs parents et amis, exaspérés, allèrent se plaindre à Vitellius, qui était alors légat de Syrie. Celui-ci, voyant que Pilate était devenu insupportable à ses administrés, l’envoya à Rome pour qu’il essayât de se justifier devant l’empereur ; mais il n’arriva qu’après la mort de Tibère.

Les derniers faits de sa vie sont enveloppés d’ombre et de mystère ; du reste, ils furent de bonne heure défigurés par la légende. On ignore même en quel lieu et de quelle manière il mourut. Suivant Eusèbe, H. E., II, vii, t. xx, col. 155, et Chronicon, 1™ année de Caïus, t. xix, col. 538, il aurait été banni à Vienne dans les Gaules, où, accablé par l’infortune, il aurait péri de sa propre main. Voir aussi le Chronicon paschale, t. xcii, col. 557-559, et Orose, Hist., vii, 5, t. xxxi, col. 1071. On voit encore dans cette ville un monument de forme singulière, une pyramide sur une base carrée, qu’on nomme le « tombeau de Pilate », mais qui n’a rien pour justifier ce titre. Le nom de Pilate, que porte une montagne voisine de la ville de Saint-Étienne, se rattache sans doute aussi à ce souvenir. D’après l’historien grec Malalas, Ghronographia, x, t. xcvii, col. 390, Pilate aurait été décapité par Néron. Comp. Jean d’Antioche, dans Mûller, Fragmenta hisloricorum grsecorum, t. IV, p. 574, édit. Didot, et Suidas, au motNépwv. Il semble du moins probable qu’en toute hypothèse il mourut de mort violente. Voir E. Schûrer, Geschichte des jùd. Volkes, 4e édit., t. i, p. 493-494, On trouve de curieux détails sur ses derniers moments dans le traité apocryphe Mors Pilati. Cf. Fabricius, Apocryph., t. iii, p. 505 ; Thilo, Codex apocryph. Novi Testam., 1832, t. i, p. 796-798 ; Tischendorf, Evangelia apocrypha, " édit., 1851, p. 432-435 ; 2e édit., 1876, p. 456-458. Plus tard, la légende continua à se développer. Jeté à Borne dans le Tibre, le cadavre de Pilate y aurait occasionné des tempêtes et des inondations. Dans le Rhône, où on l’emporta ensuite, les mêmes phénomènes terribles se reproduisirent. Enfin, on le précipita dans un petit lac, situé près de Lucerne, au sommet du mont Pilate, dont le nom viendrait précisément de cel épisode. Ou bien, après avoir erré au loin, poursuivi par le remords, l’ancien procurateur serait allé de lui-même cacher son infortune sur cette cime gigantesque, et aurait fini par se noyer de désespoir dans le lac qu’on y voit encore. Cf. A. Lùtolf, Sagen, Branche und Legenden an den fûnf Orten, Lucerne, 1865 ; Creizenach, Pilatus-Legenden, 1894 ; James, Apocrypha anecdota, dans les Texts and Studies, édités par Robinson, t. v, fasc. i, 1897, p. xlv-l, 65-81.

Fait surprenant : cette triste figure a excité de bonne heure une certaine sympathie. Il est vrai que c’était à une époque où l’on aimait à disculper Pilate et les Romains, pour aggraver le crime des Juifs déicides. Comp. VEvangel. Pétri, dans E. Preuschen, Antilegomena, die Reste der ausserkcmonisc/ien Evangelien, Giessen, 1901, in-12, p. 13-18. C’est ainsi que, d’après la Paradosis Pilati, le gouverneur, condamné â mort par Tibère et sur le point d’être exécuté, conjure Notre-Seigneur de ne pas permettre qu’il soit châtié avec les Juifs, et allègue son ignorance pour excuser en partie sa conduite. Une voix lui répond du ciel, et l’assure que toutes les générations le proclameront

bienheureux, et qu’il sera un témoin du Christ lors de son second avènement, pour juger avec lui les douze tribus d’Israël. Voir Tischendorf, Evang. apocr., p. 426431. Les Abyssins vont même jusqu’à l’honorer comme un martyr, et célèbrent sa fête le 25 juin. Cf. Stanley, Lectures on the History of the Eastern Church, in-8°, Londres, 1865, 3e édit., p. 13. Le mot de Tertullien au sujet de Pilate, jam pro sua conscientia christianus, Apolog., 21, t. j, coi. 12, provient d’un sentiment analogue, qu’on retrouve dans l’évangile de Nicodème, i, 2, où Pilate est désigné comme « incirconcis dans la chair, mais circoncis de cœur ». Voir Tischendorf, Evang. apocr., p. 236 ; Origène, Hom. in Matth., xxxv, t. xiii, col. 1773. On savait gré au gouverneur de la Judée des tentatives, pourtant si molles, qu’il avait faites pour arracher Jésus-Christ à la mort.

6° Bibliographie. — Karl Hase, Leben Jesu, 5e édit., in-12, Leipzig, 1865, p. 248-249, cite une littérature considérable composée sur PiWle. Voir aussi. ï.ttvatd, Die altchristliche Litteratur und ihre Erforschung von 1884-1900, l re partie, p. 144-146. Parmi les livres les plus récents, voir J. Langen, Die letzten Lebenstage Jesu, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 261-294 ; Mommsen, Rômische Geschichte, in-8°, t. v, 4e édit., Berlin, 1894, p. 508 sq. ; P. Waltjer, Pilatus, eene Studie, in-8°, Amsterdam, 1888 ; G. A. Mùller, Pontius Pilatus, der fûnfte Procurator von Judàa, Stuttgart, 1888 ; Grâtz, historien juif, Geschichte der Juden, t. iii, p. 253-271 ; A. E. Innés, The Trial of Jésus Christ, a légal monograph, Edimbourg, 1899, in-8°, p. 61-123 ; E. Schùrer, Gesch. des jùdischen Volkes im. ZeitaUer Christi, in-8°, t. i, 4e édit., Leipzig, 1904, p. 487-492 ; J. Belser, Die Geschichte des Leidens und Sterbens, der Auferstehung und Himmelfahrt des Herrn, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 323-339, 346-372.

L. E’iLLION.

2. PILATE (ACTES DE), livre apocryphe Voir Évangiles APOCRYPHES, t. II, Col. 2116.

3. PILATE (FEMME DE). — Elle n’est mentionnée dans les Évangiles que par saint Matthieu, xxvii, 19 : « Pendant qu’il (Pilate) était sur son tribunal, sa femme lui envoya dire : Qu’il n’y ait rien entre toi et ce juste (Jésus-Christ), car j’ai beaucoup souffert aujourd’hui ensonge à son sujet. » À part ce trait touchant, qui manifeste tout ensemble une vive et respectueuse sympathie pour le Sauveur, et la crainte que son mari ne s’embarrassât dans de graves difficultés, s’il ne se dégageait immédiatement de ce procès, nous ne savons rien de bien certain sur elle. — Une ancienne tradition l’appelle Procla, Up6%la, ou Claudia Procula, et fait d’elle une femme pieuse, bien plus, une « prosélyte de la porte ». Voir Prosélyte. Dans l’Évangile de Nicodème, chap. ii, Pilate dit d’elle : 6eoae|3r)ç ê<m xai |15Mov iouBatCec. Cf. Thilo, Codex apocryph. Novi Testam., in-8°, 1832, t. i, p. 523 ; Tischendorf, Evangelia apocrypha, in-8°, Leipzig, 1851, p. 332 ; Nicéphore, Historiée, 1, 30, t. cxlv, col. 720. Or, nous savons par Josèphe, Ant., XVIII, iii, 5 ; Bell, jud., xx, 2, et par Juvénal, Sat., vi, 543, que les femmes romaines, même celles qui appartenaient aux classes supérieures, étaient attirées par la religion judaïque, qui parlait beaucoup plus à leur âme que le paganisme si vide d’alors. Il est probable que la femme du procurateur avait entendu parler de Notre-Seigneur, et qu’elle avait conçu une grande admiration pour sa conduite et son enseignement.

Les interprètes discutent sur la nature du songe auquel fait allusion son message à Pilate. Plusieurs auteurs contemporains le regardent comme un fait purement naturel, provoqué par l’arrestation et le procès ecclésiastique de Jésus, dont elle aurait été informée avant de s’endormir. Voir Langen, Die letzten Lebenstage Jesu, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 274-275-