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P1LATE (PONCE)

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Jérusalem, sous prétexte de se procurer ainsi les fonds -nécessaires pour construire un aqueduc grandiose, qui amènerait dans la capitale l’eau des réservoirs de Salomon, situés à environ 15 kilomètres au sud-ouest de Bethléhem. Des troubles violents s’ensuivirent et le sang coula encore abondamment. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iii, 2 ; Bell, jud., II, ix, 4 ; Eusèbe, H. E., II, vi, 6-7, t. xx, col. 114 ; E. Schûrer, Geschichte des iûd. Volkes, ¥ édit, t-. i, p. 490-491.

Saint Luc, xiii, 1, signale brièvement un épisode également tragique de l’administration de Pilate : « Il y avait là (près de Jésus, à certain jour de sa vie publique ) quelques hommes qui lui annoncèrent ce qui était arrivé aux Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs sacrifices. » Nous ne connaissons cet incident que par le récit du troisième Évangile ; mais il est en parfaite harmonie avec la conduite habituelle de Pilate, comme aussi avec le caractère belliqueux des Galiléens, qu’on était sûr de trouver parmi les Zélotes les plus exaltés, les plus remuants. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, ix, 3, etc. Il s’agit sans doute d’une tentative de révolte, qui fut aussitôt réprimée par le gouverneur avec une implacable sévérité. Les rebelles furent assaillis par les soldats de Pilate et égorgés dans les parvis mêmes du temple, au moment où les prêtres immolaient les animaux que ces malheureux offraient en sacrifice, de sorte que leur propre sang se mêla à celui de leurs victimes.

4° Son rôle dans la passion du Sauveur est fort bien résumé dans ces mots de Tacite, Ann., xv, 44 : Christus, Tiberio imperitanle, per procuratorem Ponliurn Pilatum supplicio adfectus fuerat. Malgré la parole si miséricordieuse et si délicate de la divine victime : « Celui qui m’a livré à toi commet un plus grand péché, » Joa., xix, 11, Pilate demeure à tout jamais couvert d’infamie par l’attitude lâche, égoïste, inique qu’il prit à l’égard de Jésus-Christ, en n’osant pas résister jusqu’au bout au fanatisme cruel des Juifs. Toutefois, dans le Credo, les mots Passus sub Pontio Pilato ont été insérés, moins pour mettre en relief l’odieuse injustice du procurateur, que pour fixer la date officielle de, 1a mort de Jésus-Christ, et ponr montrer, par là-même, que le christianisme repose sur une base historique certaine. Cf. S. Augustin, De fide et symbolo, c. v, t. xl, col. 187.

Les membres du Sanhédrin, privés par Rome du jus gladii, et n’ayant pas le droit d’exécuter la sentence de mort qu’ils avaient portée contre Jésus, conduisirent Notre-Seigneur au prétoire, pour obtenir du procurateur la ratification de leur jugement. C’est donc devant le tribunal de Pilate que se passa la seconde partie du procès du Sauveur, celle qu’on nomme le procès civil, par opposition au procès ecclésiastique, qui avait eu lieu chez Caïphe. Pilate se trouvait alors à Jérusalem, à - l’occasion de la fête de la Pàque, selon la coutume des gouverneurs romains, pour prévenir par sa présence, et au besoin pour châtier aussitôt le moindre mouvement insurrectionnel. Sa conduite en cette circonstance solennelle, assez brièvement esquissée par saint Matthieu, - xxvii, 1-25, et par saint Marc, xv, 1-15, est décrite d’une manière plus complète, au point de vue psychologique, soit par saint Luc, xxiii, 1-25, soit surtout par saint Jean, xviii, 28-xix, 16, dont l’admirable analyse jette de vives clartés sur les narrations des synoptiques. Voir J. Belser, Geschichte des Leidens des Herrn, p, 337-338 ; L.-CI. Fïllion, Évangile selon saint Luc, introd. critique et commentaires, Paris, 1882, p. 381-388 ; Évangile selon saint Jean, introd. critiq. et commentaires, Paris, 1887, p. 335-349. Le quatrième Évangile nous rend vraiment témoins île ce drame auguste et douloureux, partageant le récit en petites scènes très vivantes, qui nous font contempler Pilate, tantôt faisant l’in.terrogatoire de Jésus dans

l’intérieur du prétoire, tantôt discutant avec les Juifs, qui étaient demeurés en dehors. Les réflexions de l’évangéliste et eelles du gouverneur nous permettent de lire jusqu’au fond de l’âme de ce dernier.

Le procurateur ne pouvait guère ne pas connaître, au moins de nom et depuis quelque temps, Jésus-Christ, qui avait excité me si vive émotion dans Jérusalem durant les derniers jours. Quoi qu’il en soit, les évangélistes sont unanimes à affirmerque, malgré la gravité des crimes reprochés à l’accusé par les princes des prêtres, Pilate fut promptement convaincu de sa parfaite innocence. Dès le premier instant, il avait percé à jour la futilité de leurs accusations, et reconnu qu’ils le lui avaient livré « par jalousie », par haine. Cf. Matth., xxvii, 18 ; Marc, xv, 10. Aussi refusa-t-il longtemps d’acquiescer à leur demande, dont l’injustice était flagrante. Cf. Matth., xxvii, 23-24 ; Luc, xxiii, 4, 14, 22 ; Joa., xviit, 38 ; xix, 4, 6. Le récit sacré nous le présente même comme prenant un grand intérêt à Jésus, d’abord à cause de son majestueux silence, Matth., xxvii, 14 ; Marc, xv, 4-5, puis à cause de ses graves et sublimes réponses, Luc, xxiii, 3 ; Joa., xviii, 33-38 ; xxix, 9-11. De là ses efforts multipliés pour le sauver : il proclame plusieurs fois et hautement son innocence (voir ci-dessus) ; il le renvoie à Hérode, qui, lui non plus, ne le trouve pas coupable, Luc, xxiii, 6-15 ; il propose de le faire flageller, pour apitoyer le peuple, Luc, xxiii, 16 ; il essaie d’user du droit de grâce en sa faveur, Matth., xxvii, 15-23 ; Marc, xv, 6-15 ; Luc, xxiir, 17-25 ; Joa., xvra, 39-40 ; il le montre à la foule, couronné d’épines et tout ensanglanté, Joa., xix, 4-5 ; enfin, il dégage sa responsabilité par un acte symbolique. Matth., xxvii, 24.

Les Évangélistes mettent ainsi à nu sa conscience impressionnée, qu’ébranlait, mais trop superficiellement, le désir d’arracher à la mort ce juste, qui ne ressemblait à aucun des accusés conduits jusque-là devant son tribunal. Son âme superstitieuse, quoique incrédule, fut tout particulièrement frappée, lorsqu’il entendit les Juifs reprocher à Jésus de s’être fait Fils de Dieu. Joa., xix, 7. Il craignait que Notre-Seigneur ne fût quelque dieu ou demi-dieu de la mythologie, aux représailles duquel il redoutait de s’exposer. Aussi s’empressa-t-il de le questionner sur son origine : Vnde es tu ? La réponse de Jésus le rassura. Cf, Joa., xix, 9-12.

Finalement il céda, « pour donner satisfaction au peuple, » Marc, xv, 15 ; « il livra (Jésus) à leur volonté, » Luc, xxiii, 24, surtout lorsque les Juifs l’eurent menacé très ouvertement de la disgrâce de César. Joa., xix, 12. Il monta donc sur son tribunal et proclama la sentence du Sauveur. Joa., xix, 15. Il avait mis à profit les rudes leçons que lui avaient données les Juifs. Pour ce magistrat égoïste, sans principes moraux, guidé seulement par les considérations mondaines et politiques, qu’étaient les droits les plus sacrés’d’un innocent, dès lors que son intérêt personnel était en jeu ? La conservation de son emploi si lucratif et si honorable l’emportait sur tout le reste. C’est ainsi que, malgré sa vaine protestation, il prit une très grande part au crime le plus affreux qu’aient jamais enregistré les annales de l’histoire. Les Constitutions apostoliques, v, 14, t. i, col. 877, lui reprochent à bon droit sa lâcheté (îvavSpîa). Quant à la question célèbre qu’il adressa au Sauveur. « Qu’est-ce que la vérité ? » Joa., xviii, 38, c’était simplement la parole d’un dilettante, d’un sceptique, qui regardait la vérité comme une chose indifférente et comme un mot sans portée. Aussi n’attendit-il même pas la réponse de Jésus. — Semblable à lui-même jusqu’au bout, après avoir été battu, cette fois encore, par les Juifs, il les traita avec dédain, en refusant opiniâtrement de modifier l’inscription qu’il avait fait placer au-dessus de la Jcroix, Joa., xix, 19-22, ’[et en