Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/215

Cette page n’a pas encore été corrigée
421
422
PIERRE PRÉCIEUSE


l’Arabie venaient en Phénicie apporter leurs richesses, ou par leurs relations avec l’Egypte et la Phénicie. A certaines époques même ils allèrent eux-mêmes en chercher jusque dans l’Inde. « On ne saurait parcourir une galerie égyptienne sans être surpris du nombre prodigieux de menues figures en pierre fine qui sont parvenues jusqu’à nous. On n’y voit pas encore le diamant, le rubis ni le saphir ; mais à cela près, le domaine du lapidaire était aussi étendu qu’il l’est aujourd’hui et comprenait l’améthyste, l’émeraude, le grenat, l’aigue-marine, le cristal de roche, le prase, les mille variétés de l’agate et du jaspe, le lapis-lazuli, le feldspath, l’obsidienne… Le plus grand nombre de ces substances étaient taillées en perles rondes, carrées, ovales, allongées en fuseau, en poire, en losange. Enfilées et disposées sur plusieurs rangs, on en fabriquait des colliers, et c’est par myriades qu’on les ramasse dans le sable des nécropoles… La perfection avec laquelle beaucoup d’entre elles sont calibrées, la netteté de la perce, la beauté du poli font honneur aux ouvriers, t G. Maspero, L’archéologie égyptienne, in-8°, Paris, 1887, p. 234. Ces pierres précieuses, les Égyptiens les trouvaient ou chez eux, ou en Ethiopie et jusque dans la terre de Pount, dans la presqu’île du Sinaï et en Arabie. Les documents de la XVIIIe dynaslie les signalent parmi les présents que les rois de Babylone, les princes de Mitani ou des Hethéens envoyaient au Pharaon. G. Maspero, Hist. ancienne des peuples de l’Orient classique, in-8°, Paris, 1897, t. ii, p. 284. L’Egypte pouvait donc fournir aux Hébreux, dès le temps de l’Exode, toutes les pierres nécessaires à la confection du pectoral du grand-prêtre.

Plus tard, fixés en Palestine, ils voyaient passer par leur pays les marchands qui, de Babylonie ou de Perse, allaient en Egypte. Ils pouvaient aussi entrer en relation avec les marchands de Saba et de Rééma qui apportaient à Tyr toutes espèces de pierres précieuses, Ezech., xxvii, 22. Sur les marchés de cette grande ville commerçante, il leur était facile d’acquérir les pierres précieuses apportées par les Syriens. Ezech., xxvii, 16. Nous voyons aussi à l’époque de Salomon la reine de Saba apporter au monarque une grande quantité de pierres précieuses. III Reg., x, 2, 10. Salomon lui-même équipait des flottes pour le pays d’Ophir, qui avec d’autres produits de l’Inde revenaient chargées de pierres précieuses. III Reg., x, 11, t. iv, col. 1832. Et on sait combien les anciens ont vanté la beauté et l’abondance des pierres précieuses de ce dernier pays. S. Jérôme, Epist., cxxxv, 3, t. xxil, col. 1073-1074 ; Lassen, lndische Alterthumskunde, in-8°, 1866, 1. 1, p. 364 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 390. Il y avait en Israël des artisans habiles à travailler ces pierres, à les tailler, à les enchâsser, à les graver. Ainsi Béséléel à l’époque de l’Exode était renommé en cet art, Exod., xxxv, 33 ; et son travail était resté célèbre. Eccli., xlv, 13.

III. Détermination des espèces de pierres précieuses. — Pour classer et dénommer ces pierres précieuses, les Hébreux ne pouvaient, comme aujourd’hui, s’arrêter à l’analyse de leur composition chimique et à leurs formes cristallines. Pour eux, comme pour les anciens, on tenait compte de la couleur surtout, des autres qualités extérieures, de l’usage, etc., et ainsi souvent on comprenait sous un même nom des pierres de couleur identique ou approchante, mais de composition très différente. De plus, avec le temps les dénominations ont changé ; ainsi par exemple on admet généralement que ce que les anciens appelaient chrysolithe est notre topaze, et que le saphir n’était qu’un lapis-lazuli, etc. De là la difficulté de déterminer exactement l’espèce de pierre comprise sous les noms qu’ils employaient. On peut aboutir cependant à des déterminations certaines ou du moins probables, en tenant compte des divers éléments de solution suivants : l’étymologie des noms hé breux et la comparaison de ces noms avec les termes des différentes langues sémitiques, ou avec la langue du pays d’origine de ces gemmes ; les différentes versions anciennes comme les Septante, l’Itala et la Vulgate, la version syriaque et les Targums, et les interprétations de Josèphe ou des Rabbins ; les qualités ou les usages que les textes sacrés attribuent à ces pierres et leur groupement en séries disposées avec art, permettant de mieux préciser les couleurs et les nuances ; enfin les descriptions des mêmes pierres dans les auteurs anciens, comme Strabon, Diodore de Sicile, Théophraste, Pline l’ancien, et aussi dans les lapidaires, bien que ceux-ci s’occupent davantage du sens mystique et des propriétés occultes des pierres précieuses.

Ces ressources ont été utilisées dans les articles consacrés à chacune de ces pierres. Il reste ici à donner les principaux groupements que l’on rencontre dans là Sainte Écriture, et dont l’observation peut être utile à la détermination de chacune des pierres ainsi artistement rangées.

Trois groupements principaux méritent de fixer l’attention : les pierres du rational, Exod., xxviii, 17-20, et xxxix, 10-13 ; les pierreries du roi de Tyr, Ezech., xxviii, 13 ; et les pierres des fondements de la Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 18. Et’il est à remarquer que les deux derniers groupements’dépendent étroitement du premier.

1° Pierres du rational. — Les 12 pierres du pectoral ou rational sont disposées 3 par 3 sur 4 rangées, et placées selon le texte massorétique de la façon suivante. Les rangées commencent de haut en bas, et les pierres dans chaque rangée vont suivant la coutume hébraïque de droite à gauche. Nous les disposons dans le même ordre pour la comparaison qui sera faite plus bas avec le texte de l’Apocalypse.

1 er rang : 3. Bâréqèt 2. Pitddh 1.’Ôdém

2e rang : 6. Yahâlôm 5. Sappîr 4. Nôfék

3e rang : g.’Ahlâmâh 8. Sebô 7. LéSéni

4e rang^ ; 12. YaSféh il. Sôham 10. Tarsis

Les Septante dans Exod., xxviii, 17-20 et xxxix, 10-13, les traduisent et les rangent ainsi :

3. a[tâpa-f50 ; 2.. ToitâÇiov 1. erctpStov

(12) 6. foccraiç 5. a&Tzyeiçioi ; 4. av6p « Ç

9. àfiiOuaioç 8. â/irci] ; 7. lifvpiov

(11)12. ôvi^iav (6)11. firipûXXiov 10. -/puffdXiâoç

On peut remarquer que dans le manuscrit hébreu qu’ils traduisaient, les Septante ne trouvaient pas le jaspe à la 12e place, mais à la sixième, t. iii, col. 1143. Plusieurs anciens copistes pouvaient avoir transcrit l’un pour l’autre deux noms qui ont une certaine ressemblance dans le texte hébreu naroi et nbn>, les deux mots commençant par un t, yod, et l’ensemble des lettres ayant, surtout dans l’ancienne écriture, grande

analogie, ^^3^) yahâlom, et H^W^, yasfeh.

De même les copistes des Septante ont dû intervertir l’ordre des deux dernières pierres, le Sôham à la 11e place de l’hébreu étant l’onyx, qui se trouve dans la leçon actuelle des Septante rejeté en 12e lieu, t. iv, col. 1824. Nous avons indiqué la correspondance avec le texte hébreu massorétique par des chiffres entre parenthèses. La Vulgate suit la traduction des Septante, et, comme elle, place le jaspe eu 6e lieu au lieu du 12*. Mais cette version latine n’intervertit pas la 11° et la 12e pierre.

3. Smaragdui, 2. Topazius 1. Sardius

(12) 6. Jaspis 5. Sapphirus 4. Carbunculii-S

9. Amethystus 8. Achates] 7. Ligurius

(6) 12. Beryllus, 11. Onychinus 10. Chrysolithus

Nous trouvons dans Josèphe en deux passages de ses ouvrages, Bell, jud., V, v, 7, et Ant. jud., III, vii,