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PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT)


de la rénovation du monde actuel par le feu, iii, 7, 10, 12, tandis que cette doctrine est tout à fait étrangère à la première Épitre. Nous répondons que cet enseignement n’est pas nouveau, mais très conforme à celui des prophètes de l’Ancien Testament et de Jésus-Christ lui-même. Cf. Is., lxv, 17 ; lxvi, 22 ; Matth., xxiv, 29, etc. Et pourquoi saint Pierre, qui a mentionné dans la I" Épître la descente de Jésus-Christ aux enfers, dogme qui n’est qu’insinué rapidement ailleurs dans les écrits du Nouveau Testament, ne parlerait-il pas, dans la IIe, d’un fait qu’il laisse de côté dans la lettre précédente ? Les autres divergences s’expliquent suffisamment par la différence du thème traité de part et d’autre. Par exemple, dans la I" Épître, l’auteur insiste sur l’espérance, voir la col. 396, afin de mieux consoler et encourager, par la promesse de l’héritage céleste, les chrétiens d’Asie Mineure, qui enduraient la persécution pour la justice ; dans la II 8, il appuie davantage sur la connaissance (êitfYvwinç) de Jésus-Christ, qu’il oppose à la fausse science (yvôucç) des docteurs hérétiques. Mais la première Épîfre, tout en insistant davantage sur l’espérance, ne manque pas de mentionner aussi la vraie Yv&xrtc, cf. I Pet., iii, 7, et la IIe, tien qu’elle ne contienne pas expressément le mot ÈXizlç (espérance), exprime à plusieurs reprises l’idée de l’espérance chrétienne. Cf. II Pet., i, 11, 19 ; iii, 9, 12-15. Dans la première lettre, le retour de Jésus-Christ à la fin des temps est appelé ànoxâXuifuç, « révélation », et TtapoWa, « présence », dans la seconde. Mais est-ce là une différence ? Voir la réfutation de cette objection générale dans B. Weiss, Die Petrinische Frage, p. 293 ; F. Keil, Comment, ùber die Briefe des Petrus, p. 194.

2° Objections tirées du style. — On a objecté très souvent aussi la différence de style entre la première et la seconde Épitre, comme une preuve manifeste que les deux écrits ne peuvent pas avoir été composés par le même auteur. Voir Holtzmann, Einleit., p. 321-322. La différence alléguée est très réelle. Cf. von Soden, HandComment, zum N. Test., t. iii, 2e partie, p. 211 ; Henkel, Der zweile Brief des Apostelfùrsten Petrus, p. 56. Mais elle n’est nullement de nature à permettre de nier l’authenticité ; sans compter que nous possédons trop peu de produits littéraires de saint Pierre, pour porter un jugement convenable sur son style. Déjà saint Jérôme signalait cette difficulté, Epist. cxx, ad Bedib., 11, t. xxii, col. 1002 ; cf. De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 609. Il essayait. en même temps d’en marquer la cause : Ex quo intelligimus pro diversilate rerum diversis eum usum esse interpretibus. Ibid. Plusieurs exégètes contemporains pensent que telle est, en effet, la meilleure solution ; entre autres, Cornely, Inlrod., t. ii, 3e part., p. 648 ; A. Schsefer, Einleit. in das N. T., p. 335 ; Kûhl, Die Briefe Pétri, p. 367. Saint Marc ou Silvain auraient aidé saint Pierre pour la composition de la première Épître, et un autre disciple, pour la seconde. Le fait n’a rien d’invraisemblable en lui-même ; toutefois, il est loin d’être certain, et il n’est pas nécessaire de recourir à lui pour expliquer le petit problème linguistique que nous étudions. D’ailleurs, on peut dire que saint ; Jérôme exagère à propos de la différence de style et que beaucoup de critiques contemporains font comme lui. Cf. Henkel, loc. cit., p. 58-59.

Il est bon de noter ici, avant toute autre réponse, que, en ce qui concerne le style et la diction en général, « la divergence des opinions est la règle parmi les savants, » comme le dit fort bien M. Belser, Einleit., p. 705. Et pour justifier cette réflexion, le savant auteur cite les jugements contradictoires de deux exégètes protestants sur, le chap. n de la II* Pétri : tandis que Hofmann, Die Briefe Pétri, Judse, etc., p. 137-138, le juge admirable et le regarde comme unique en son genre parmi les écrits du Nouveau

Testament, Mayerhoff, Hist. krit. Einleit. in die Pétrin. Schriften, p. 161-162, le trouve faible, pauvre et plat. Il est aussi très important, pour apprécier équitablement la divergence indiquée, de se rappeler la différence considérable des sujets traités et du but que se proposait l’auteur. En outre, l’emploi que saint Pierre a fait, selon toute probabilité, de la lettre de saint Jude, col. 410, n’a pas manqué d’exercer une certaine influence sur son propre style.

Examinons maintenant quelques-unes des objections de détail proposées sur ce point par les néo-critiques.

— o) On a noté en particulier, J. H. Holtzmann. Einleit., p. 322, une certaine monotonie que présente la II’Pétri dans l’usage des prépositions, tandis que l’auteur de la Ire Épitre sait mieux varier sous ce rapport. Ainsi, dans le passage II Pet., i, 3-5, ôt’a revient quatre fois ; £v jusqu’à sept fois dans les lignes qui suivent, i, 5-7. Il est vrai que, dans la première lettre, les prépositions sont plus variées ; ce qui n’empêche pas eîç, èv et 8îa d’y dominer aussi. Quant aux deux passages de II Pet., qui viennent d’être cités, les répétitions ont eu lieu évidemment à dessein, et elles donnent beaucoup de force à la pensée. — 6) Il y a dans II Pet. ce qu’on a appelé à tort des « répétitions traînantes », des mêmes termes, à des intervalles très rapprochés. Holtzmann, loc. cit., p. 322. Par exemple : i, 2-3, SsBupmnévo ; e * 8s811pY)tai ; i. 1-10, trois fois Taina ; ii, 1, deux fois àirioXeia. Voir aussi i, 17, etc. Mais comment n’a-t-on pas remarqué que ces répétitions sont voulues, et qu’elles ont pour, but évident de fortifier la pensée ? Du reste, il en existe de semblables dans la I re Épitre. Cf. I Pet., i, 5-10, où les mots « foi, croire, salut » sont employés coup sur coup ; i, 5-18 et iii, 1-2, à propos des expressions àvaJTpoçri et àvastpéçs^at. — c) On met en avant un nombre assez considérable de termes (environ cinquante) qu’on ne trouve pas ailleurs dans le Nouveau Testament (entre autres àÔEffiioç, àxaTcuca’j<rroç, àfi<ï>[ir ; Toç, aùxp-ipoç, |SXé[i.[i, a, pôpéopoç, Siauyôïstv, 8u<rvdï]-uoç, EyxaTotxetv, slaxoXouÔeiv, ê7uXuaiç, X^Ô7)v Xaêeiv, ^ia<r^a, ôp.t) ; X7), 7rap£[<raY£cv, rcXaa-udç, trrpeéXoOv, t « x îv< ^ ! re<ppo0v, cptddçôpo ; ), et dont plusieurs semblent avoir été inventés par l’auteur lui-même (notamment Tapxccpouv, ii, 4 ; napacppovta, ii, 16 ; èl ; épa[ia etxuXc<7[iôç). Mais, selon la remarque très juste de Reuss, Épitres catholiq. , p. 223, qui rejette pourtant l’authenticité, « qu’estce que cela prouve ? Est-il juste que chaque auteur écrive toujours de la même manière ? » Les Apôtres étaient souvent obligés de créer un langage nouveau pour exprimer les idées chrétiennes ; saint Pierre l’a fait, comme saint Paul, comme saint Jean. Ainsi donc, « on ne saurait déduire de ces particularités de langage une nécessité absolue d’affirmer que l’auteur dela I™ Épître diffère de celui de la IIe. » Burger, Kurzgefasst. Comment., p. 182, N. T., 4e fasc.

Nous, de notre côté, nous pouvons signaler des points de contact très nombreux entre les deux JB.pitres sous le rapport de la diction. Nous n’indiquerons que les plus caractéristiques. Voir des listes plus complètes dans Lumby, dans le Speaker’s Commentary, t. rv du N. T., p. 228 ; Davidson, Introd. to the New Test., . t. ii, p. 462 ; Hundhausen, Das zweite Pontificalschreiben, p. 86-88 ; Keil, ’loc. cit., p. 199-202 ; Kûhl, Die Briefe Pétri, p. 336 ; Henkel, Der zweite Brief des Apostelfùrsten, p. 47. — a) Les deux.lettres renferment un certain nombre d’expressions qui leur sont communes et qui ne sont pas employées dans les autres livres du Nouveau Testament : ap.rû|ji.o ; et aumXoç, I Pet., , i, 19 ; cf. II Pet., iii, 14 ; Èicoirreûeiv, I Pet., ii, 19, et ni, 2 ; cf. II Pet., i, 16 ; sônôSsaiç, I Pet., iii, 21 ; cf. II Pet., i, 14 ; nljtauTœi ànspcfac, I Pet., IV, 1 ; cf. II Pet., ii, 14. — b) Des deux côtés, on rencontre des expressions et des tournures identiques, rares ou relativement rares. Par exemple : I Pet., ii, 9, t « ç.